« J’emmerdais pas mal de monde alors que je faisais juste mon travail » confiait au Monde le 27 juillet dernier, Alexandre Benalla, en évoquant « des politiques et des policiers ». Voilà donc le nœud de la contradiction à laquelle souhaite mettre un terme la commission d’enquête du Sénat en auditionnant mercredi l’ancien chargé de mission de l’Élysée de 27 ans.
En effet ce qui ressort globalement de la vingtaine d’auditions réalisées jusqu’à présent c’est qu’Alexandre Benalla « ne s’occupait pas de missions de sécurité ». « Je peux vous assurer qu’Alexandre Benalla n’a pas exercé de missions de police » a confirmé cette semaine devant la commission d’enquête du Sénat, le chef de cabinet d’Emmanuel Macron, François-Xavier Lauch.
L’Élysée l’assure : Benalla n’avait pas de missions de police
« Je ne comprends pas cet acharnement à dissimuler le fait qu’Alexandre Benalla s’occupait de missions de sécurité. Alors que des documents administratifs, des vidéos le prouvent. Qu'il était en charge de telles missions ne constitue pas une affaire d’État, mais tout au plus une erreur d’appréciation dans le choix de la personne » s’interroge le sénateur LR membre de la commission d’enquête, François Grosdidier. Une interrogation que confirme sa collègue Muriel Jourda, co-rapporteure de la commission. « Nous voulons savoir comment un chargé de mission de l’Élysée se retrouve parmi les forces de l’ordre le 1er mai. Une présence qui pourrait être justifiée par des fonctions de police. Mais personne ne reconnaît ces fonctions de police » mais un simple statut d’observateur.
En effet, selon le chef de cabinet, les missions d’Alexandre Benalla consistaient à « l’appuyer dans les déplacements nationaux ». Il avait également en charge des « évènements au palais de l’Élysée » et enfin « de la coordination des deux services de protection de l’Élysée : le GSPR et le commandement militaire ». Une coordination qui prend-il soin de préciser « n’avait rien à voir avec l’exercice de prérogatives de sécurité » mais portait « plus prosaïquement » sur des questions entourant « le parc automobile » ou la « coexistence des deux services par rapport aux résidences du président de la République ». « Donc des choses très administratives et absolument pas en lien avec une immixtion de quelque nature que ce soit dans le commandement » de l’un ou de l’autre service de sécurité.
Comment et pourquoi avait-il un permis de port d’arme ?
Pourquoi alors détient-il un permis de port d’arme ? « Il a bien fallu que l’Élysée dise au préfet de police qu’il a une mission de police, sinon il n’aurait pas eu de port d’arme… Je rappelle que le métier d’Alexandre Benalla, avant d’entrer à la présidence de la République, est un métier de sécurité » a objecté le président LR de la commission, Philippe Bas. Une interrogation à laquelle pourra peut-être répondre mercredi prochain, Yann Drouet, ancien chef de cabinet du préfet de police de Paris, auditionné à midi. Selon un article du Parisien du 24 juillet, cet ancien cadre de la préfecture de police aurait validé la venue d’Alexandre Benalla comme observateur le 1er mai. Et le haut fonctionnaire aurait également, toujours selon le quotidien, validé la délivrance de son port d’arme le 13 octobre 2017.
Quoi qu’il en soit les détails des missions d’Alexandre Benalla tels qu’exposés par François-Xavier Lauch ne collent pas avec les dires d’autres personnes auditionnées. Comme par exemple le général Bio-Farina, commandant militaire de la présidence de la République. S’il a affirmé aux sénateurs n’avoir jamais vu Alexandre Benalla porter une arme sauf une fois lors d’une séance de tir. Le 25 juillet dernier, il déclarait pourtant à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale : « Je l’ai vu porter une arme, bien sûr, dans le cadre de certaines de ses missions. Je savais qu’une autorisation de port d’arme lui avait été délivrée et donc qu’il portait son arme de manière réglementaire ».
En ce qui concerne une possible dérive tendant à la création d’une « garde prétorienne » autour du président de la République, évoqué cet été, François-Xavier Lauch a été catégorique : « Il n’y en a jamais été question. Les personnes qui s’occuperont du président de la République seront toujours des policiers et des gendarmes. Cela va de soi ».
« Frictions ? », « Insultes ? » Quelles étaient les relations de Benalla avec le GSPR et le commandement militaire ?
Pourtant, le 24 juillet dernier, les membres des syndicats de force de l’ordre, indiquent à la commission d’enquête du Sénat, qu’Alexandre Benalla a « tenté de réformer le système de sécurité du GSPR (Groupement de sécurité de la présidence de la République N.D.L.R.) pour le Fort de Brégançon ». « M. Benalla n’hésitait pas, d’après les propos qui nous sont rapportés, à aller jusqu’à l’insulte à l’encontre des gradés et des gardiens de la paix voire peut-être des officiers qui constituent ce groupe » avait expliqué Yves Lefebvre, secrétaire général Unité SGP-police Force ouvrière. Alexandre Benalla a reconnu lui-même « des fictions » avec les membres du GSPR. « Il nous a nargués et puis finalement il décide de se présenter devant la commission. On va aussi lui demander gentiment mais précisément quel était son statut ? Un statut qui nécessite un passeport diplomatique, un permis de port d’arme et un logement de fonction » résume la sénatrice écologiste Esther Benbassa.
Vincent Crase : un réserviste à l’Élysée
L’audition de l’ancien chargée de mission sera suivie de celle d’un autre protagoniste des évènements du 1er mai, Vincent Crase, employé LREM et gendarme réserviste que l’on voit intervenir sur la vidéo tournée place de la Contrescarpe. Fin 2017, selon le général Bio-Farina, Vincent Crase intègre le « service du contrôle des entrées » de l’Élysée. « Pourquoi l’Élysée recrute des réservistes ? N’y a-t-il pas des personnes avec une meilleure formation, une meilleure condition physique au sein de la gendarmerie ? » s’interroge une nouvelle fois François Grosdidier. Toutes ces questions et les réponses sont à suivre en direct sur Public Sénat à partir de 7H.