Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Le Sénat vote pour le pass sanitaire et adapte le régime de sortie d’état d’urgence
Par Public Sénat
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Il y a quelques mois, le pass sanitaire n’était qu’une évocation lointaine. Le gouvernement n’y semblait pas favorable. Or, il va faire son entrée dans la vie de tous les Français. Absent à l’origine du projet de loi sur la « sortie de la crise sanitaire », le gouvernement l’a introduit en commission à l’Assemblée au sein de l’article 1 qui porte sur les conditions de déconfinement. Certains y ont vu une manière de noyer le poisson et un débat sensible. « Sincèrement, la ficelle est un peu grosse », pointe la présidente du groupe communiste, Eliane Assassi. Même le sénateur LREM Alain Richard a voulu « dire au gouvernement le choix déplorable qu’il a fait d’inscrire dans l’article 1er une quinzaine de positions de fond » qui auraient pu chacune donner un article consacré, « il faut que vos collaborateurs apprennent à écrire sur le plan législatif ».
Etat d’urgence prolongé jusqu’au 30 juin
Malgré l’embonpoint de cet article 1er, les sénateurs l’ont à leur tour adopté ce mardi par 221 voix contre 109, non sans l’avoir modifié. Ils ont prolongé d’un mois l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 juin, jusqu’à la fin du couvre-feu, et ont limité ensuite les pouvoirs du gouvernement pour le régime de sortie d’état d’urgence sanitaire, qu’ils fixent jusqu’au 15 septembre, contre le 30 pour les députés. S’il reconnaît la nécessité de disposer encore de « moyens d’action exceptionnels », le rapporteur LR du texte, Philippe Bas, a revu la copie du gouvernement. Selon la version des sénateurs, le gouvernement ne pourra pas décider d’interdire les déplacements ou de fermer les commerces dans un territoire limité, comme un département, si l’épidémie repartait à la hausse. S’il veut le faire, le gouvernement devra décréter à nouveau l’état d’urgence (lire ici pour plus de détails).
« Nous ne sommes pas foncièrement opposés à une autre lecture de cette écriture, même si nous préférons la nôtre », a affirmé le ministre de la Santé, Olivier Véran. Plutôt de bon augure pour la commission mixte paritaire qui se tient jeudi matin.
« Société de surveillance généralisée »
Si les débats n’ont pas été chaotiques, comme à l’Assemblée, où la majorité présidentielle s’est divisée, ils ont été riches. Les opposants au pass sanitaire, le sénateur centriste Loïc Hervé en tête, ont donné de la voix. En vain, puisque le Sénat a rejeté les amendements de suppression.
« Mettre en place le pass sanitaire est une mauvaise idée car nous créons un précédent. Sans doute pour la première fois dans notre histoire nationale, nous allons devoir justifier de notre état de santé », dénonce le sénateur centriste Loïc Hervé, qui craint qu’il soit ensuite « généralisé », « on aura alors basculé dans une société de surveillance généralisée » (voir la vidéo ci-dessous). Ce membre de la Cnil pose aussi la question de l’âge à partir duquel on sera soumis au pass, et « dans les discussions que j’ai eues de manière informelle avec le gouvernement, on m’a évoqué l’âge de 11 ans. C’est beaucoup trop tôt ».
Loïc Hervé salue néanmoins « la rédaction bien meilleure et plus robuste juridiquement pour bien encadrer le pass », de la commission des lois et du rapporteur Philippe Bas. Le centriste s’inquiète aussi, comme le sénateur PCF Pascal Savoldelli, qu’un bénévole d’un festival ou un agent puisse effectuer le contrôle. Les sénateurs ont néanmoins adopté un amendement socialiste qui impose que la personne soit « spécialement habilitée » à contrôler.
« Le pass sanitaire vient diminuer les libertés publiques »
« Le pass sanitaire vient diminuer les libertés publiques », est venue appuyer la sénatrice LR, Sylviane Noël. « Je ne suis pas d’accord avec un système qui contraint un peu plus chaque jour notre population », lance Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, qui pense qu’« on triera les Français. On aura les Français de première zone et les Français de seconde zone. On connaît déjà ça avec les Français de milieu urbain ou rural ». Alain Houpert, sénateur LR de Côte-d’Or, enchaîne :
Le pass sanitaire est en réalité un pass vaccinal qui ne dit pas son nom. […] Vous nous rendez une liberté, mais c’est une liberté conditionnelle.
Alain Houpert ajoute que « si on mettait au pouvoir un parti extrémiste, il aura déjà en main tous les outils d’un Etat autoritaire, et c’est vous qui les aurez forgé ». Ce à quoi Stéphane Ravier, unique sénateur RN, qui s’est visiblement senti concerné, réplique : « C’est une mesure liberticide qui n’est pas appliquée par un parti extrémiste. […] Nous n’avons pas besoin de parti extrémiste, nous avons déjà le gouvernement qui a saisi cette crise sanitaire pour créer une crise démocratique ».
« L’accès au Puy du fou sera-t-il soumis à un pass sanitaire ? »
Annick Billon, sénatrice UDI de Vendée, s’inquiète : « L’accès au Puy du fou sera-t-il soumis à un pass sanitaire ? A l’entrée ? Ou à l’entrée des attractions avec plus de 1.000 participants ? » Du côté du groupe écologiste, divisé sur le sujet, Guy Benarroche souligne que « l’état d’urgence sanitaire a été prolongé X fois. Le pass sanitaire pourra être prolongé également ». « Nous ne pouvons pas rentrer dans l’engrenage proposé par le pass », dit de son côté la sénatrice Générations. s, Sophie Taillé-Polian, quand les sénateurs PS sont pour leur part plus ouverts au pass, à condition d’y instaurer clairement une jauge de 1.000 personnes, comme a défendu en vain Marie-Pierre de La Gontrie. En conséquence, le groupe PS a finalement voté contre l’article.
A contre-courant d’une partie de son groupe, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, est venu défendre le pass sanitaire, « compte tenu que c’est un dispositif exceptionnel, temporaire, en excluant tous les actes de la vie quotidienne, et avec les garanties apportées par la commission des lois du Sénat » (voir la première vidéo). A la demande du groupe LR, le vote sur les amendements de suppression s’est fait par scrutin public, ce qui permet de voter par délégation pour les absents. Malgré un hémicycle partagé dans ses prises de paroles, les amendements ont été ainsi largement rejetés, avec seulement 43 voix pour et 222 contre.
« Il ne s’agit pas de fliquer les gens », assure Olivier Véran
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a assuré se « retrouver dans une bonne partie des doutes émis ici ». Mais il rappelle que le pass ne s’appliquera pas pour la vie quotidienne, comme un restaurant. Et d’ajouter : « Il ne s’agit pas de fliquer les gens, de montrer un pedigree, de montrer dans la durée qu’on est protégé contre le virus, mais de permettre de rouvrir des événements qui, sinon, ne pourraient pas se tenir ». Regardez :
Discothèques : Véran évoque une réouverture « au cœur de l’été » sous « conditions très dérogatoires »
Concernant la jauge, si le « gouvernement s’est prononcé clairement » pour que le pass concerne les grands événements de plus de 1.000 personnes, le ministre de la Santé s’oppose à l’inscription dans la loi pour conserver plus de « souplesse » et faire du « cas par cas ».
Il évoque au passage « les discothèques », pour lesquelles il a « pris l’engagement que d’ici fin juin, on puisse aborder les conditions de réouverture », rappelle Olivier Véran, avant d’ajouter : « On ne peut pas exclure non plus, même si on n’a pas de plan caché, qu’avec l’évolution des connaissances scientifiques, de l’expertise sur le pass, qu’au cœur de l’été, on puisse être amenés à se poser des questions pour d’autres types d’établissements recevant du public, exclus aujourd’hui des réouvertures, dont on pourrait envisager qu’ils soient ouverts avec des conditions très dérogatoires et très fines »… De quoi laisser entrevoir une réouverture des discothèques durant l’été, même s’il faut rester prudent (lire aussi ici sur le sujet).
Pass sanitaire : il sera possible de « demander un test PCR en plus de la vaccination » pour « certaines destinations », affirme Cédric O
Un amendement de la socialiste Marie-Pierre de La Gontrie a été adopté pour préciser clairement dans l’écriture que les preuves au sein du pass, qui permettront de voyager ou d’accéder à certains lieux, ne font pas cumulatives. C’est soit avoir été vacciné, soit en présentant un test négatif, soit un certificat de rétablissement après une contamination au covid-19, et non les trois.
Amendement auquel s’est opposé le secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique, Cédric O. « Il pourrait être nécessaire » de ne pas préciser cette distinction, car « certaines ARS veulent se garder la possibilité de demander un test PCR en plus de la vaccination. S’il y avait certains variants en Guyane par exemple, la vaccination pourrait ne pas suffire et on pourrait vous demander un test PCR en plus », a lâché devant le Sénat Cédric O. Il serait donc « possible d’introduire, pour certaines destinations, en plus de la vaccination, un test PCR ». Ceinture et bretelles en somme. « Des révélations faites par le ministre », qui ont pour le moins étonnée Marie-Pierre de La Gontrie. « Il vient de nous être révélé qu’il était possible qu’il y ait plusieurs preuves réclamées simultanément », alerte la sénatrice de Paris, qui n’a pas prévu d’amendement contre les tours de passe-passe.