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Menus végétariens dans les cantines : le Sénat préfère l’expérimentation à la généralisation
Par Héléna Berkaoui
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« Une solution de sagesse », c’est ce qu’a voulu porter le Sénat, mardi soir, sur la question des menus végétariens dans les cantines scolaires. Dans le cadre de l’examen de la loi Climat, les sénateurs ont choisi de reporter la généralisation des repas hebdomadaires sans viande, une mesure qui fait l’objet d’une expérimentation introduite par la loi Egalim de 2018.
Le débat à première vue consensuel peut vite devenir explosif, on l’a vu avec la décision du maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, d’instaurer des menus uniques sans viande à la cantine. Le ministre de l’Agriculture s’est lui-même emporté en séance ce mardi contre des sénateurs ayant eu l’outrecuidance d’évoquer les problèmes liés à l’élevage intensif (voir la vidéo ci-dessous).
Outre cela, les sénateurs ont soulevé certaines limites comme les difficultés rencontrées par les petites communes pour mettre le dispositif en place. Débutée en novembre 2019, l’expérimentation des repas hebdomadaires sans viande a été mise en place dans 94 % des communes. Pourtant, un sondage conduit par l’Association des maires de France (AMF) avance que 75 % des élus locaux s’opposent à la pérennisation du dispositif.
La rapporteure du texte, Anne-Catherine Loisier (Union centriste), juge que l’évaluation de l’expérimentation ne saurait être fiable puisqu’elle « s’est principalement déroulée durant le confinement ». Pis, selon elle, « le choc de demande en produits végétariens induit par ces expérimentations » pourrait se traduire « par un recours accru à des denrées importées, comme des produits transformés à base de soja sud-américain ». En outre, « le dispositif a rencontré des réticences et a posé des difficultés aux opérateurs ».
D’autres sénateurs, comme Dominique de Legge (LR), ont posé la question de la libre administration des collectivités. « Est-ce que c’est le rôle du Sénat de vouloir faire les menus dans les cantines municipales ? », a interrogé le sénateur d’Ille-et-Vilaine. Lui, comme la sénatrice Françoise Gatel, voit en cet amendement une incohérence avec la volonté de la majorité sénatoriale d’aller vers davantage de décentralisation.
La gauche et les écolos tentent en vain d’aller plus loin
Sur les bancs de la gauche et des écologistes en revanche, les sénateurs n’y trouvent pas leur compte. « Le problème qu’il y a dans notre société concernant les enfants c’est, au niveau des inégalités, un manque de fruits et légumes et de viandes de qualité. En France, il n’y a pas de sous-consommation de viande mais plutôt le contraire », a tenté de faire valoir la sénatrice PS, Angèle Préville.
Avec plus de six amendements déposés, l’écologiste Joël Labbé a, lui aussi, essayé de jouer des coudes en maintenant le principe de la généralisation tout en excluant les cantines servant moins de 200 couverts par jour. « Le sondage de l’AMF, sur lequel s’est basée la commission pour revenir sur la généralisation porte, en très large majorité, sur des petites villes : 69,2 % des répondants du sondage sont des villes de moins de 2000 habitants, et 24,2 % des villes entre 2 000 et 9 999 habitants », justifie-t-il, en vain. Plusieurs amendements ont même plaidé pour élargir le dispositif, avec tout aussi peu de succès.
« Il y a deux questions qui nous sont posées au travers de ces amendements : faut-il pérenniser ou non l’expérimentation en cours dans la restauration scolaire ? Faut-il aller plus loin qu’un menu végétarien par semaine en restauration collective ? », a résumé Anne-Catherine Loisier (LR) avant de réaffirmer le bien-fondé de son propre amendement.
En face, le ministre de l’Agriculture a lui aussi défendu sa position. « Aujourd’hui, nous avons suffisamment de retours pour dire que de l’expérimentation de loi Egalim, on peut passer à la généralisation, assure Julien Denormandie. Certes, il y a eu une période spécifique avec la Covid mais pendant cette période, à part pendant le premier confinement, les cantines de notre pays ont continué à fonctionner ».
« Mes deux maîtres mot, c’est le choix et la qualité », a-t-il aussi affirmé, rappelant que plus de 60 % de la viande consommée dans nos cantines est importée. « L’enjeu est de favoriser des productions locales, pareil pour les protéines végétales. Nous importons des protéines végétales mais 120 millions d’euros ont été investis dans la stratégie protéine lors du plan de relance », explique le ministre de l’Agriculture.
« Soyons fiers de nos élevages, arrêtons de caricaturer ! »
En marge de cette discussion, le ministre s’est emporté contre le sénateur écologiste Daniel Salmon qui a évoqué l’élevage intensif dans sa région, la Bretagne. « Je ne peux pas laisser passer ce qu’a dit le sénateur Salmon », a affirmé Julien Denormandie. « Dès lors que vous parlez de ces élevages intensifs, tous ceux qui regardent se disent qu’en France on a des élevages intensifs. Je vais même aller plus loin. J’ai été outré quand une association comme L214 mettait, en plein Covid, des grandes affiches avec un masque qui disait « au lieu de gérer les conséquences, luttons contre les causes : élevage intensif » ! », a assené le ministre de l’Agriculture avant de tonner : « Soyons fiers de nos élevages, arrêtons de caricaturer ! »
« Monsieur le ministre fait de la diversion ! », a répliqué l’écologiste, Ronan Dantec, rappelant que le ministre n’en était pas à sa première colère dans la Haute assemblée. « Nous sommes dans une loi sur le climat, nous parlons climat, la forêt amazonienne disparaît parce que nous n’avons pas les protéines pour nourrir nos propres troupeaux […] c’est ça la réalité du monde et si on prend toujours les choses par le petit bout de la lorgnette, on y arrivera jamais », a tancé le sénateur.
Le Sénat, qui entamait là le titre V « Se nourrir », continue l’examen de la loi Climat jusqu’au 29 juin.