Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Le Sénat envisage un passe sanitaire territorialisé, limité jusqu’au 28 février 2022
Par Romain David
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C’est un nouveau bras de fer qui s’annonce entre le Sénat et le gouvernement, cette fois autour du passe sanitaire. La prolongation du recours à ce sésame jusqu’au 31 juillet 2022 a été adoptée de justesse à l’Assemblée nationale la semaine dernière, dans la nuit du 21 au 22 octobre. Mais le projet de loi devrait sortir profondément modifié de son passage au Palais du Luxembourg, où il sera examiné en séance jeudi. Au sein de la Chambre Haute, la majorité de droite comme les élus de gauche regardent en effet d’un très mauvais œil l’extension de ce dispositif au-delà de l’élection présidentielle et des législatives. Déposés en séance lundi, une soixantaine d’amendements - dont 18 par le seul rapporteur LR Philippe Bas - annoncent déjà la couleur : un passe territorialisé, dont le délai d’utilisation serait raccourci de cinq mois.
Limiter la durée de l’état d’urgence, « une question d’équilibre des pouvoirs »
« À compter du 16 novembre 2021 et jusqu’au 28 février 2022 inclus ». D’emblée, le rapporteur propose de modifier la première ligne du projet de loi « vigilance sanitaire », en limitant au 28 février 2022, et non plus au 31 juillet, le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui autorise du même coup le gouvernement à avoir recours au passe pour restreindre l’accès à certains lieux. « La date proposée du 31 juillet 2022 est bien trop lointaine et ne permet pas un contrôle démocratique satisfaisant », peut-on lire sur le site du Sénat quant aux raisons de cette modification. Le 13 octobre dernier, le sénateur LR de la Manche nous expliquait déjà qu’il souhaitait limiter à « seulement trois ou quatre mois de plus » la prolongation du passe.
« Nous acceptons le principe de reconduction des outils d’exception que réclame le gouvernement pour lutter contre l’épidémie, mais nous l’accompagnons d’une exigence démocratique », explique Philippe Bas auprès de Public Sénat. « Le gouvernement trouve toujours de bonnes raisons de prolonger ses pouvoirs exceptionnels. Nous n’avons pas de soupçons démocratiques, mais c’est aussi une question d’équilibre des pouvoirs. La meilleure manière de s’assurer que le gouvernement n’abuse pas des pouvoirs qui lui sont octroyés, c’est encore de les limiter. » Autre argument : une extension jusqu’en juillet ne prendrait pas suffisamment en compte « l’évolution de l’épidémie » et « la vaccination massive ».
Deux critères pour pouvoir appliquer le passe, département par département
De là un deuxième amendement, qui propose une territorialisation du recours au passe sanitaire selon deux critères : celui-ci ne pourrait entrer en vigueur que dans les départements où le taux de vaccination total de la population est inférieur à 75 % (soit 88 % des adultes de plus de 12 ans), et où « une circulation active du virus est constatée », en fonction de seuils qui seraient fixés par le gouvernement. Selon un calcul du Parisien, la mesure concernerait au 10 octobre une cinquantaine de territoires.
« Dans un avis rendu au début du mois, le conseil scientifique estime que l’instauration du passe sanitaire a été une réussite du point de vue de l’incitation à la vaccination », rappelle Philippe Bas. « Ce que je propose, c’est un système vertueux qui adapte l’incitation aux territoires : nous disons aux gens que pour se libérer du passe, il suffit d’aller se faire vacciner », fait valoir cet ancien ministre de la Santé de Jacques Chirac.
Une menace pour le secret médical
Un troisième amendement entend également faire sauter l’un des points les plus polémiques du projet de loi : la possibilité pour les directeurs d’école et les chefs d’établissement du secondaire de connaître le statut vaccinal des élèves. Cette disposition, supposée simplifier les campagnes de dépistage, a été dénoncée à droite et à gauche comme une sérieuse entorse au secret médical. De son côté, le sénateur Philippe Bas alerte contre un risque de discrimination : « Ce n’est pas au moment où l’épidémie marque le pas que l’on doit se mettre à faire des discriminations entre élèves, sur la base d’un statut vaccinal dont ils ne sont même pas responsables, puisqu’ils sont mineurs. »