Le Sénat a adopté ce samedi 12 novembre les dispositions du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 pour renforcer la lutte contre la fraude sociale. Parmi elles, figure une proposition introduite par le gouvernement à l’Assemblée nationale, lequel a rappelé avoir repris une mesure déjà votée dans le passé au Sénat, grâce aux travaux de la sénatrice centriste Nathalie Goulet (relire notre article).
L’article interdit le versement d’allocations et de prestations soumises sociales à condition de résidence en France (les pensions de retraite sont donc exclues) sur des comptes qui ne seraient pas domiciliés en France ou dans la zone Sepa, l’espace unique de paiement en euros de l’Union européenne.
Initialement, la mesure devait s’appliquer au 1er janvier 2024. Les sénateurs ont accéléré le calendrier, en souhaitant en faire force de loi dès le 1er juillet 2023. Ils ont adopté l’amendement de Nathalie Goulet, soutenu par plusieurs de ses collègues de l’Union centriste, allant dans ce sens. La modification a reçu le soutien du gouvernement.
« Un des commentaires qui revenait le plus était : pourquoi attendre un an ? » : Gabriel Attal attentif aux réseaux sociaux
« Cela a été très commenté. Il y a eu beaucoup d’articles et de commentaires sur les réseaux sociaux. L’écrasante majorité des personnes étaient favorables à cette mesure. Un des commentaires qui revenait le plus était : pourquoi attendre un an », a expliqué Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics. « Depuis l’adoption du PLFSS en première lecture, nous avons échangé avec les caisses de Sécurité sociale, qui nous ont dit qu’elles pourraient être prêtes plus tôt. »
Favorables à la disposition, certains orateurs de gauche ont néanmoins reproché au gouvernement de mettre davantage d’énergie dans la chasse à la fraude individuelle que dans la chasse aux fraudes commises au niveau des entreprises. « Tout n’entraîne pas la même mobilisation et ne doit pas entraîner la même mobilisation. La fraude patronale, c’est comme l’évasion fiscale, ce sont des fraudes massives, qui déstructurent profondément une société. Dans vos engagements, on vous entend beaucoup plus sur la fraude aux prestations que sur cette fraude-là », a reproché le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS).
Gabriel Attal a réagi en encourageant les socialistes à « se réjouir » plutôt des montants records d’amendes prononcés ces derniers mois, à l’égard de grandes entreprises internationales. « Je n’oppose pas les fraudes. Je ne considère pas qu’il y a un type de fraude qu’il faut davantage poursuivre que les autres. Frauder, c’est voler, c’est miner le pacte républicain et social », a-t-il insisté.
Un futur « comité indépendant » pour évaluer l’ampleur des fraudes sociales
Le ministre s’est par ailleurs engagé à mettre en place un « comité indépendant d’évaluation de la fraude aux prestations sociales », alors que le montant fait l’objet de plusieurs années d’estimations différentes d’un rapport à l’autre. Le comité en question disposera des « moyens des administrations de Bercy et de la Sécurité sociale », et associera des « parlementaires et des personnes qualifiées ».
D’autres amendements destinés à muscler la lutte contre la fraude ont été retirés, car déjà satisfaits par la législation actuelle ou à venir. C’est notamment le cas d’un amendement de la majorité sénatoriale exigeant que « les droits d’une personne faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) » soient « immédiatement suspendus, sauf cas d’urgence médicale ».
Le rapporteur René-Paul Savary a appelé les auteurs à retirer l’amendement, affirmant que la mesure était promise par le gouvernement dans le futur projet de loi relatif à l’immigration, qui sera examiné début 2023. « Il serait souhaitable que nous poursuivions nos réflexions dans cette attente, de façon à perfectionner le dispositif et le sécuriser sur le plan juridique », a recommandé le sénateur de la Marne.
« On ne vit pas sur la même planète », dénonce un sénateur sur l’attention à porter aux personnes visées par des OQTF
De son côté, Gabriel Attal a fait savoir que ce principe était « d’ores et déjà » prévu par le droit en vigueur et que le ministère de l’Intérieur comptait introduire « davantage de leviers de contrôle d’automatisation ». « Quand vous êtes en situation irrégulière, vous n’avez de droits à prestation sociale sur notre sol […] Il peut y avoir des moments où il y a un petit délai ou un délai trop important, avant que les droits ne soient suspendus », a-t-il cependant concédé.
Philippe Mouiller (LR) a contesté l’assurance du ministre, en s’appuyant sur des témoignages de sa circonscription. « On ne vit pas sur la même planète. Les droits continuent d’être versés de la même façon. Concrètement, dans l’application, ça n’existe pas. »
Au chapitre des autres dispositions validées par le Sénat dans la lutte contre la fraude sociale, figure la simplification de la procédure de mise en œuvre d’une pénalité, en cas de fraude dans les branches famille et vieillesse de la Sécurité sociale. Le projet de loi prévoit aussi d’attribuer des pouvoirs de police judiciaire aux agents de contrôle des organismes de protection sociale et de l’inspection du travail. Ils pourront notamment enquêter en ligne sous des pseudonymes, pour constater les infractions commises par des moyens de communication électroniques.
Selon l’étude d’impact, ces mesures pourraient générer plus de 48 millions d’euros de recettes nouvelles pour la Sécurité sociale, la mesure liée au versement sur des comptes domiciliés en France n’étant pas couverte par le calcul. Selon Gabriel Attal, cette politique globale a permis de détecter des fraudes à hauteur de 1,5 milliard d’euros l’an dernier.
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