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Le Sénat adopte le projet de loi ASAP, texte de simplification qualifié de « fourre-tout »
Par Océane Herrero, avec Guillaume Jacquot
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Après une longue interruption de six mois sur ce texte, le Sénat a adopté ce 27 octobre les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi « d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP). Il devra à présent être soumis au même exercice à l’Assemblée nationale. Examiné en procédure accélérée, ce texte est un ensemble de mesures assez diverses pour « simplifier le quotidien des Français » et fluidifier leur relation avec l’administration. Comportant des dispositions disparates, il a été qualifié de « fourre-tout », aussi bien par le rapporteur LR de la commission mixte paritaire Daniel Gremillet que par les oppositions de gauche au Sénat.
Le texte a été adopté avec les voix de la majorité sénatoriale (Les Républicains et Union centriste), mais aussi du groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants (ex-LREM), et des Indépendants. Le groupe RDSE (radicaux) a voté en majorité favorablement. La sénatrice Christine Lavarde, s’exprimant pour son groupe, a précisé que le vote favorable des Républicains n’empêchait pas des « réserves » et un suivi « attentif » quant à la mise en œuvre des dispositions, après un examen « dans la précipitation » et l’introduction de 34 nouvelles dispositions par le gouvernement à l’Assemblée nationale, à la suite de la lecture au Sénat.
Les groupes de gauche (socialistes, communistes et écologistes) ont en revanche voté contre le texte. Les socialistes ont déploré les nombreux « reculs et dispositifs négatives », dans une procédure accélérée qui a empêché une étude précise des articles. Les écologistes ont dénoncé un texte qui détricote la protection de l’environnement et les communistes une logique de « dérégulation ».
Le projet de loi ASAP doit « incarner le premier pilier du macronisme, à savoir libérer les Français et les entreprises », selon le député de la majorité Guillaume Kasbarian, rapporteur texte à l’Assemblée. Décidé au lendemain de la crise des « Gilets jaunes », ce projet de loi devait incarner un gouvernement à l’écoute, en simplifiant l’accès aux services publics. Son parcours législatif a été largement perturbé par la crise sanitaire : l’examen a été interrompu pendant plus de six mois. « On peut se féliciter de ce compromis qui fut accouché dans la douleur... », a souligné Daniel Gremillet, élu Les Républicains et rapporteur du texte au Sénat, sans aménité : « Depuis que je suis sénateur, je n’ai jamais vu un texte aussi hétéroclite ». En séance, la ministre chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, a précisé que le texte s’était « enrichi » de mesures additionnelles pour « aider à la relance du pays ».
Un texte touffu
Ce projet de loi propose, pêle-mêle, de permettre une inscription en ligne pour le permis de conduire, de supprimer le certificat médical obligatoire pour la pratique sportive des mineurs, de renforcer la lutte contre les squatteurs ou encore de réformer l’Office National des forêts. « Fourre-tout », dénoncent certains membres de l’opposition, à propos d’un projet de loi qui a été généreusement enrichi par l’Assemblée nationale. « C'est devenu assez commun, mais cela est facilité par la nature de ces textes, très disparates, a observé Jean-François Longeot, sénateur et président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Composé initialement de 50 articles, le texte en comprenait 86 après son adoption en première lecture par le Sénat, le 5 mars dernier. Il en compte 167 aujourd'hui, après l'examen à l'Assemblée nationale ».
Sur le fond, certains points ont été âprement négociés par les sénateurs, notamment en ce qui concerne l’information des maires à propos de l’installation d’éoliennes sur le territoire de leur commune, ou encore sur la vente en ligne de médicaments. Les pharmaciens pourront vendre des médicaments sur Internet sans autorisation préalable. Ils auront seulement besoin d’une déclaration d’ouverture de site. Mais le Sénat a supprimé deux dispositions gouvernementales, à savoir la possibilité de « plateformes mutualisées » entre officines, et l’interdiction du stockage de médicaments dans un lieu distinct de l’officine. Les députés ont accepté de faire ces concessions. « Mais à 95 %, je retrouve le texte adopté par l'Assemblée nationale. Si je pouvais voter aujourd'hui, je m'opposerais aux conclusions de la commission mixte paritaire », a cependant critiqué le député socialiste Jérôme Lambert.
Le risque des cavaliers législatifs
Les sénateurs sont en outre nombreux à s’offusquer de la méthode. « À part la loi Bioéthique, aucun texte n'a échappé à la procédure accélérée qui, pourtant, dans notre Constitution et dans nos règlements, est présentée comme exceptionnelle », s’alerte le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur. Le caractère très hétéroclite des mesures expose généralement le texte à une censure, si le Conseil constitutionnel est saisi. En effet, l’institution sanctionne les « cavaliers législatifs », ces mesures introduites dans un projet de loi mais sans lien avec l’esprit global et l’objectif du texte. « Voilà un texte dont le titre même indique qu'il comporte diverses dispositions sur tout. C'est le contraire de la rigueur qu'on nous impose, puisque sa circonférence est partout et son centre, nulle part : il porte sur tout sujet », ajoute encore Jean-Pierre Sueur.
Des critiques balayées par la majorité. « L'enrichissement du texte est plutôt le signe d'un travail parlementaire de qualité, estime Vincent Thiébaut, député LREM du Bas-Rhin. Le texte est certes copieux, mais il est très attendu, notamment dans le contexte économique actuel lié à la crise sanitaire ».