Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Le Sénat adopte à nouveau le passe vaccinal, avec deux amendements emblématiques
Par Public Sénat
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Sénateurs et députés ont failli s’accorder sur une version commune du projet de loi instaurant un passe vaccinal, lors de la commission mixte paritaire. Après la réécriture à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture des députés la nuit dernière, les sénateurs n’étaient cependant pas prêts à voter « conforme », c’est-à-dire adopter à l’identique le texte.
C’est un projet de loi à nouveau modifié que les sénateurs ont adopté ce 15 janvier, par 187 voix pour, et 66 contre (88 abstentions). « Puisque l’Assemblée a retrouvé sa liberté, nous allons aussi, dans une certaine mesure, retrouver la nôtre », a annoncé le rapporteur (LR) Philippe Bas, en ouverture des débats. Ce douzième texte d’urgence depuis le début de la pandémie va désormais repartir ce dimanche à l’Assemblée nationale pour une dernière lecture, où les députés auront le dernier mot.
« Il est impossible qu’un quart de la population ait pour mission de contrôler les trois autres quarts »
Au cours des débats, le Sénat a tenu à réaffirmer ses lignes rouges, et notamment les deux principales. Comme en première lecture, il a retiré la possibilité pour les personnels des établissements, où le passe vaccinal est requis, de pouvoir contrôler l’identité d’une personne, en cas de doute sur l’authenticité. « Autant il faut prendre toutes les précautions sanitaires, autant il est impossible qu’un quart de la population ait pour mission de contrôler les trois autres quarts, de rentrer dans une société du contrôle de chacun par chacun », a par exemple insisté le socialiste Jean-Pierre Sueur.
Une autre disposition, introduite par le gouvernement en première lecture à l’Assemblée, a été effacée une nouvelle fois par le Sénat. Il s’agit du nouveau régime d’amendes administratives (en plus des amendes judiciaires actuelles) visant les entreprises qui ne respecteraient pas les principes de prévention en cas de risque d’exposition. La concession des députés — réduire le plafond de l’amende, de 1 000 à 500 euros par salarié — n’a pas suffi. « Ce nouveau régime n’est ni souhaitable ni utile […] Non à une mesure inutile d’immixtion de l’inspection du travail dans la gestion du télétravail par les entreprises », a plaidé la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche (LR).
Or ces deux dispositifs sont jugés « importants » par le gouvernement, « car il s’agit de renforcer l’efficacité des règles sanitaires », a insisté Brigitte Bourguignon. La ministre a affirmé que le texte issu de l’Assemblée nationale était un « texte équilibré, adapté à la gravité des circonstances », reprenant « plusieurs apports du Sénat ». Parmi lesquels de nouvelles précisions sur les modalités du passe appliquées aux mineurs, ou encore l’autorisation d’un seul des deux parents pour la vaccination en dessous de 12 ans.
Contrairement à la première lecture, le groupe socialiste, écologiste et républicain, a refusé de soutenir le texte et s’est abstenu. Selon l’un de ses membres, Bernard Jomier, le texte a « perdu de sa cohérence ». Lui et ses collègues ont notamment été surpris qu’un amendement, dont le rapporteur LR était lui-même à l’origine initialement, n’ait pas été adopté. Il s’agissait de fixer des critères d’extinction du passe sanitaire, comme le seuil de 10 000 hospitalisations au niveau national. « Puisque vous avez renoncé au vote conforme, vous étiez libres d’adopter un certain nombre de progrès, notamment l’idée qu’il y ait une date de sortie », s’est étonné Jean-Pierre Sueur.
En dehors de cette évolution, les grands équilibres sont restés les mêmes par rapport au vote final du texte de la première lecture. « Nous avons tenu notre ligne de responsabilité. Nous disons oui au passe, car nous voulons inciter les Français à la vaccination, les choses sont absolument claires », a conclu Bruno Retailleau. Philippe Bas avait insisté, lors de l’ouverture de la séance, sur « l’exigence fondamentale » selon laquelle « l’acception du passe, dans son principe » devait « l’emporter » sur les désaccords autour des modalités de sa mise en œuvre.
Plusieurs membres de la majorité sénatoriale de droite et du centre ont d’ailleurs déploré les retards entraînés par l’échec de la commission mixte paritaire (CMP), qui avait été marquée par l’irruption d’un tweet sénatorial. « On aurait pu s’épargner les palinodies de la CMP. On peut expliquer, comme M. Véran, qu’on ne peut plus opérer les gens, que les personnels de santé n’en peuvent plus, que les hôpitaux sont au bord de la rupture, et prendre son temps comme nous pouvions passer plusieurs semaines à discuter », a reproché Hervé Marseille, président des sénateurs centristes.
Philippe Bas annonce un important contrôle parlementaire, « dès la semaine prochaine »
Plusieurs sénateurs favorables au projet de loi ont néanmoins exprimé leurs doutes sur la capacité de ce texte à répondre à l’urgence actuelle. « Il n’est pas de nature à porter un coup d’arrêt à la diffusion d’Omicron », a reconnu Philippe Bas. Le rapporteur a annoncé qu’un contrôle parlementaire, « contrepartie » de l’acceptation du passe vaccinal, serait mis en place « dès la semaine prochaine » au Sénat. Il s’agira notamment de « vérifier » si ce passe vaccinal se montre réellement « utile » dans la lutte contre l’épidémie.
Les oppositions au texte ont une fois de plus manifesté leur hostilité aux nouvelles dispositions prévues. « La stratégie de la restriction des libertés publiques n’a pas marché contre la propagation du virus », a argumenté la présidente du groupe communiste, Éliane Assassi, qui a vilipendé un « texte anachronique ». « Le passe vaccinal disparaîtra sans doute, mais il aura existé dans notre droit. Cela laissera des traces beaucoup plus graves que l’outil lui-même », s’est inquiété le centriste Loïc Hervé, qui bataillait déjà contre le passe sanitaire l'an dernier.
Le sénateur de Haute-Savoie s’est par ailleurs inquiété de la situation des Français expatriés, ayant reçu des vaccins non reconnus dans l’Union européenne. Ces derniers pourraient se retrouver « en difficulté », a-t-il redouté. Cette seconde lecture au Sénat a été l’occasion de rappeler que plusieurs questions étaient toujours en suspens. « La question des contre-indications n’est toujours pas stabilisée », a averti Bernard Jomier, quand Hervé Marseille se mettait à craindre le pire pour le mois d’avril. « Nous n’avons rien prévu dans ce texte pour que les gens puissent voter en toute sécurité. »
Des interrogations juridiques se posent aussi sur plusieurs points du projet de loi. Après l’adoption définitive ce dimanche par les députés, le projet devra passer par le filtre du Conseil constitutionnel. Philippe Bas a, par exemple, qualifié le dispositif de repentir pour les non-vaccinés « d’incongruité constitutionnelle ».