La proposition de loi pour réduire l’empreinte carbone du numérique revient au Sénat

La proposition de loi pour réduire l’empreinte carbone du numérique revient au Sénat

Issue des travaux d’une mission sénatoriale sur l’empreinte environnementale du numérique, la proposition de loi « REEN » revient au Palais du Luxembourg après avoir subi plusieurs modifications en première lecture à l’Assemblée nationale. Malgré ses réserves, la commission du développement durable a choisi d’adopter le texte en l’état, pour lui éviter d’être rendu caduc avec la fin de la législature.
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C’est à un « angle mort des politiques publiques » qu’entend s’attaquer ce texte. La proposition de loi pour « réduire l’empreinte environnementale du numérique en France » revient au Sénat, où elle sera examinée en seconde lecture mardi. Également appelée proposition de loi « REEN », elle est issue des travaux d’une mission sénatoriale d’information sur l’empreinte environnementale du numérique, et entend pousser les principaux acteurs à développer des pratiques plus respectueuses de l’environnement, alors que l’empreinte carbone du secteur représenterait à elle seule 2 % des émissions de la France. Un chiffre qui pourrait frôler les 7 % d’ici 2040, selon un calcul de la Haute assemblée. Bien que ces taux semblent peu élevés, ils sont déjà largement comparables au poids actuel des émissions issues de l’aviation. Le texte cible l’obsolescence des terminaux, smartphones, tablettes et ordinateurs, en contraignant les vendeurs à fournir sur une période plus longue les mises à jour nécessaires au bon fonctionnement des logiciels. Par ailleurs, il propose plusieurs dispositions en faveur du reconditionnement, et porte également un important volet sur la sensibilisation du grand public, notamment le monde de l’entreprise, à des usages numériques plus vertueux.

En première lecture en juin dernier, l’Assemblée nationale a largement repris les propositions du Sénat, mais a procédé à la suppression de plusieurs dispositions. Dans son rapport, publié la semaine dernière, la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable regrette cet élagage. Toutefois, les sénateurs ont choisi de ne pas toucher à la version adoptée par le Palais Bourbon pour des raisons pratiques : un calendrier parlementaire chargé en cette dernière année de législature, et qui devrait s’arrêter en février - présidentielle et élections législatives obligent -, rend incertaine la navette parlementaire. « Nous aurions encore pu améliorer la proposition de loi REEN, mais le calendrier parlementaire ne le permet plus », a relevé durant l’examen du texte le sénateur LR Patrick Chaize, à l’origine de la proposition de loi. Afin de permettre à certaines avancées de voir le jour, la commission sénatoriale a donc voté, malgré plusieurs réserves, le texte de l’Assemblée nationale.

Favoriser le reconditionnement

La proposition de loi entend développer dans les écoles, les collèges et les lycées une politique de « sensibilisation à l’impact environnemental du numérique et à la sobriété numérique ». Elle introduit dans les formations d’ingénieur un cours sur « l’eco-conception », et prévoit la création d’un observatoire de recherche sur les impacts environnementaux du numérique. Du point de vue du consommateur, une série de dispositifs incitatifs invite à se tourner vers des équipements de seconde main plutôt que du neuf, en permettant notamment le reconditionnement d’un appareil en dehors des circuits agréés par le fabricant. Le texte fixe aussi des objectifs de recyclage et de réemploi de certains équipements numériques, en particulier dans le secteur public.

Une (re) mise en conformité avec le droit européen

Parmi les suppressions faites par l’Assemblée nationale : celle du crédit d’impôt envisagé pour pousser les petites et moyennes entreprises à adapter leurs usages numériques aux enjeux environnementaux, les députés s’inquiétant des possibles « effets d’aubaine » autour de cette disposition.

Ils ont fait sauter l’allongement systématique à cinq ans, au lieu de deux, de la durée de garantie d’un terminal, et durant laquelle le consommateur doit continuer à recevoir les mises à jour nécessaires au bon fonctionnement de son appareil. À la place une formulation plus vague : les mises à jour restent disponibles durant la période « pendant laquelle le contenu numérique ou le service numérique est fourni en vertu du contrat de vente. » Il s’agit d’une mise en conformité avec une directive européenne du 20 mai 2019.

L’Assemblée nationale a également retoqué la baisse proposée par le Sénat du taux de TVA sur les produits reconditionnés et pour la réparation des terminaux numériques, là encore pour des questions de conformité avec le droit européen.

L’exonération de « rémunération pour copie privée » au cœur des désaccords

Surtout, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable regrette tout particulièrement la suppression de l’exonération proposée, sur certains produits reconditionnés, de la « rémunération pour copie privée » (RCP), une taxe collectée auprès des fabricants sur les supports de stockage, tels que les clefs USB ou les disques durs externes. « Cette décision est contradictoire avec l’objectif de la proposition de loi, dont plusieurs dispositifs visaient justement à renforcer la compétitivité du réemploi aux dépens du neuf », notent les sénateurs. Toutefois, au moins trois amendements déposés par les écologistes et les communistes sur le texte de la commission prévoient de rétablir l’exonération de RCP pour les produits reconditionnés. Un quatrième amendement propose d’en limiter le taux à 1 % du prix pour ce type de produits.

Malgré des « reculs importants », selon la formule de Jean-Michel Houllegatte (SER), l’un des rapporteurs, la commission continue de considérer ce texte comme « la première pierre à l’édifice de la régulation environnementale du numérique dans notre pays ». Hasard du calendrier : la proposition de loi sera débattue en séance publique la veille de l’ouverture des négociations de la COP23 à Glasgow.

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