Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
La loi Santé définitivement adoptée
Par Ariel Guez
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« Certes, le texte de la CMP n’est pas parfait […] mais à l’heure où la demande de l’accès aux soins est forte sur nos territoires et où nous pouvons tous constater la souffrance des personnels hospitaliers, il aurait été dramatique de ne pas nous accorder sur la volonté de répondre à ces difficultés ». Alain Milon, sénateur LR du Vaucluse et rapporteur général du projet de loi Santé, a salué, malgré les réserves faites devant ses collègues, le texte issu de la commission mixte paritaire (CMP) et qui était présenté cet après-midi au Sénat. Les élus du palais du Luxembourg ont voté, à l'exception des groupes CRCE et socialiste, la version définitive du texte.
Applaudie par les élus du palais du Luxembourg, la ministre de la Santé s'est dite satisfaite de l'accord trouvé en CMP, car « il y a urgence à réformer notre système de santé ». « Cette loi permettra de garantir une offre de soins égale et de qualité pour tous, de répondre aux inquiétudes des Français, aux sollicitations des élus et aux aspirations des professionnels de santé », a-t-elle lancé.
L'accord trouvé en commission mixte paritaire et son équilibre ont été soulignés par divers parlementaires comme Véronique Guillotin, oratrice du groupe RDSE ou Michel Amiel, orateur du groupe LREM. Si Alain Milon a salué le texte de la commission mixte paritaire, il a aussi pointé quelques regrets. « Nous n'avons pu maintenir quelques propositions sénatoriales qui nous paraissaient importantes. Je pense notamment à la composition des commissions médicales des groupements hospitaliers de territoire (GHT) […] et à la question des plateformes d'accueil diversifiées et d'urgence exerçant en EHPAD ».
Un compromis trouvé sur les stages obligatoires
Le Sénat avait introduit dans le texte l'obligation pour les étudiants de faire un stage d'un an en exercice ambulatoire dans les zones sous-denses lors de leur dernière année d’études. Une mesure qui était au cœur des débats en mai 2019. La commission mixte paritaire s'est accordée à réduire la durée du stage à un semestre obligatoire, qui pourra être prolongé si l'étudiant le souhaite. Concernant l'encadrement, il sera effectué sous le régime de « l'autonomie supervisée », « dont les contours seront définis par décret, notamment pour ouvrir la possibilité d'une supervision à distance », expliquait Alain Milon lors des débats de la CMP.
« Non, le Sénat n’est pas tombé sur la tête ce jour-là »
Malgré le recul sur la version sénatoriale, le rapporteur de la chambre haute avait salué ce compromis. « Ça permettra aux territoires qui ont des difficultés à trouver des médecins, d’avoir sur place près de 3 500 étudiants formés, qui pourront aller travailler aux côtés de médecins maîtres de stage, et apporter du soutien à la population qui en a besoin », avait-il expliqué sur notre antenne.
Ses propos ont été réitérés cet après-midi dans l’hémicycle, ainsi que par d’autres sénateurs, des Républicains au PCF, l’initiative étant transpartisane, « Non, le Sénat n’est pas tombé sur la tête ce jour-là. Une nouvelle fois, le Sénat à fait honneur à sa réputation, à son esprit constructif et à la qualité de ses propositions », a salué Corinne Imbert, absente et citée dans l’hémicycle par René-Paul Savary (LR).
Daniel Chasseing, sénateur Les Indépendants, abonde : « Notre groupe se félicite du maintien de cette disposition […] la mobilisation des jeunes étudiants et professionnels dans les zones sous-dotées représentent un levier d’action important pour améliorer le problème de l’accès aux soins dans les territoires ». Côté socialiste, Yves Daudigny a rappelé que grâce à cette mesure, « le gain en temps médical disponible pour les habitants sera immédiat ». « Bien sûr, personne ne pense que tout est réglé, mais un sillon a été creusé dans la lutte contre les déserts médicaux », affirme le sénateur de l’Aisne.
« Vous faites un premier pas dans la bonne direction », a elle aussi reconnu Laurence Cohen (PCF) qui prévient néanmoins que « ces 3 500 étudiants devront trouver des médecins maîtres de stage pour exercer dans les déserts médicaux ». « Or, les maîtres de stages vont préférer choisir les hôpitaux spécialisés », alerte-t-elle.
Virulente lors de l’étude du projet de loi en mai, une intersyndicale d’internes a dénoncé cette mesure, même après la modification effectuée en CMP. « En encrant une telle obligation dans la loi, il existe un risque non-négligeable et intolérable qu’un manque de terrain de stage empêche l’obtention du diplôme pour certains étudiants », s’inquiète l’ISNAR-IMG.
Agnès Buzyn, qui était opposée à la version initiale du Sénat, a quant à elle jugé équilibrée la version de la commission mixte paritaire sur cet article. « Je suis heureuse qu’un compromis ait été trouvé pour maintenir une formation encadrée tout au long des études », a-t-elle expliqué.
Le numerus clausus sera supprimé
Autre mesure phare du projet de loi : la fin du numerus clausus. Dès 2020, il n'y aura plus de première année commune aux études de santé (PACES) pour les étudiants. Seulement un quart des inscrits réussit cette première année ultra-sélective. Daniel Chasseing a rappelé que l'objectif était qu'à terme, « chaque maison de santé ait un médecin ».
« Les études médicales telles qu'elles sont réformées semblent davantage correspondre aux aspirations de nos jeunes », a souligné Véronique Guillotin (RDSE) qui voit dans les mesures votées cet après-midi un « véritable changement de philosophie de formation, qui s'ouvre aux territoires ». Élisabeth Doineau (UC), voyait quant à elle dans la première année de PACES un « péage injustement trop sélectif ». La sénatrice de la Mayenne a rappelé que, désormais, « le nombre d'étudiants sera décidé au niveau de chaque université en lien avec les agences régionales de santé ». Michel Amiel, lui, a tempéré et a rappelé que les effets de cette mesure ne seront visibles que dans dix à quinze ans.
Le texte prévoit également la labellisation de 500 à 600 « hôpitaux de proximité » sur les quelque 3 000 hôpitaux et cliniques existants, recentrés sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation, avec de la chirurgie sur autorisation strictement encadrée. Mais pour Laurence Cohen, « cela veut dire en réalité deux fois plus d'hôpitaux qui ne réaliseront plus d'activités de chirurgie ». « Sous prétexte que les hôpitaux de proximité manquent de praticiens, vous préférez acter la carence et les amputer de leurs principales missions », a-t-elle lancé.
Yves Daudigny, tout en dénonçant le renvoi massif à des ordonnances qui « contournent le débat démocratique et qui réduit l'apport possible des parlementaires à l'extrême », a pointé de son côté « trop d'incertitudes génératrices de craintes pour les acteurs locaux sur la future carte des hôpitaux de proximité ».
Les communistes votent contre, les socialistes s’abstiennent
La droite et le centre ont très majoritairement voté en faveur du projet de loi. En réalité, seuls les quelques sénateurs communistes présents dans l’hémicycle ont voté contre. « Vous poursuivez dans la même logique que vos prédécesseurs : réduire les dépenses publiques », a dénoncé Laurence Cohen, affirmant que cette loi n’allait pas résoudre les problèmes touchant le secteur de la santé en France. L’élue du Val-de-Marne a également rappelé que le Sénat et la ministre avaient refusé d’adopter l’amendement présenté par Laurence Rossignol, qui visait à faire passer la durée légale de l’IVG de 12 à 14 semaines. Elle a été rejointe sur ce point par la socialiste Nadine Grelet-Certenais, qui, comme ses collègues de son groupe, a décidé de s’abstenir.
Si les sénateurs de droite et du centre ont salué le texte issu de la CMP, le compromis en commission mixte paritaire a aussi vu la disparition d’une mesure votée en première lecture au palais du Luxembourg : l’exonération de cotisations sociales, incitant les jeunes médecins à s’installer dans un territoire dans les trois années suivant l’obtention de leur diplôme. Dans les débats de la CMP, Thomas Mesnier, député et rapporteur pour l'Assemblée nationale, justifiait cette suppression en expliquant que cette mesure avait plutôt sa place dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale. « Nous suivrons avec attention les mesures que vous nous proposerez lors du prochain PLFSS », a lancé lors de son exposé Alain Milon à Agnès Buzyn. Plusieurs sénateurs l’ont également mentionné. Rendez-vous à l’automne.