Le Sénat a voulu adresser un « signal fort », selon les mots du sénateur RDSE (groupe à majorité radicale), Christian Bilhac. L’hémicycle a ajouté dans la nuit du 30 au 31 mars un article au projet de loi sur le respect des principes de la République, interdisant le port de signes religieux ostensibles par les mineurs dans l’espace public. Les sénateurs, en majorité de droite et du centre, ont adopté l’amendement, déposé par Nathalie Delattre (RDSE), qui prévoit de complémenter la loi du 11 octobre 2010, interdisant le voile dissimulant le visage dans l’espace public. L’amendement au texte luttant contre le séparatisme ne parle pas seulement de signes ou tenues ostensibles, il interdit également « le port par les mineurs de tout habit ou vêtement qui signifierait l’infériorisation de la femme sur l’homme. » Le voile en ferait partie.« Dans quelle mesure une République laïque peut-elle tolérer que des enfants manifestent des signes religieux au su et au vu de tout le monde ? Ce n’est pas aux parents d’imposer des dogmes aux enfants. Il est essentiel qu’il existe des espaces protecteurs pour ces derniers, vecteurs d’émancipation », a expliqué le sénateur de l’Hérault Christian Bilhac.D’autres amendements étaient en concurrence avec l’amendement de Nathalie Delattre, comme celui de Valérie Boyer (LR). Mais l’adoption du premier a fait tomber ceux qui étaient ensuite appelés au vote. La sénatrice des Bouches-du-Rhône avait fait évoluer son amendement, par rapport à la version déposée initialement. Il n’envisageait plus l’interdiction du port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans l’espace public pour les mineures mais « de signes allant à l’encontre de la dignité des femmes ».
La rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio aurait voulu que la disposition fasse l’objet d’un texte spécifique
Les amendements ont reçu un avis défavorable de la part du gouvernement mais également de la commission des lois. Si la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio (LR) a estimé que le sujet ne pouvait être ignoré et qu’il « nous heurtait tous », elle a néanmoins considéré que cette disposition devait s’intégrer dans un texte spécifique, sur « la protection de l’enfance ». La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann (rattachée au groupe communiste), lors des explications de vote, s’est dite elle aussi favorable à « trouver une législation qui interdise le voilement des mineurs », mais qu’il ne fallait « pas se tromper dans la méthode utilisée » pour remplir l’objectif.C’est probablement la crainte d’une lecture trop stricte de
l’article 45 de la Constitution, exigeant des amendements à conserver un lien avec le texte, qui flottait dans l’air. « Si la mesure était retoquée, il y aurait un effet d’annonce contraire à notre volonté », a insisté Marie-Noëlle Lienemann. Le président du groupe LR Bruno Retailleau a indiqué qu’à ce stade du processus législatif, l’amendement n’avait pas été refusé au titre de cet article 45. « Ce que je crains, c’est que le texte qu’on nous promettait sur la protection de l’enfance ne vienne pas dans le calendrier avant longtemps », s’est inquiété le sénateur de la Vendée. Valérie Boyer a également poussé l’hémicycle à se saisir du moment. « Nous avons l’occasion ce soir, pas demain, pas dans un mois, de protéger les mineurs ».Au terme de son examen, le projet de loi qui sortira du Sénat le 8 avril devra faire l’objet d’un examen en commission mixte paritaire avec les députés.
« Le Sénat ne peut accepter qu’une mineure soit voilée », déclare Valérie Boyer