IVG : le Sénat opposé à l’allongement du délai légal

IVG : le Sénat opposé à l’allongement du délai légal

Mercredi 20 janvier, les sénateurs doivent examiner la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Porté par d’anciens députés LREM, voté en première lecture par l’Assemblée nationale, le texte prévoit un allongement du délai légal pour une IVG. A la Haute assemblée, le débat risque de tourner court : la majorité sénatoriale y est opposée.
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Par Steve Jourdin

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La droite vent debout

Le débat en séance devrait être bref. Et pas seulement à cause de la taille du texte examiné. Si la proposition de loi portée par la députée Albane Gaillot (ex-LREM, Val-de-Marne) ne comporte que trois articles, c’est sur le terrain philosophique que la discussion risque d’achopper. Faut-il étendre les délais légaux d’accès à l’interruption volontaire de grossesse de 12 à 14 semaines ? « Nous n’y sommes pas favorables. A quatorze semaines, le sexe de l’enfant est parfois déjà défini. On n’intervient pas sur le même fœtus à douze et à quatorze semaines », estime la sénatrice Catherine Deroche (LR). Une position partagée par l’ensemble des élus LR de la commission des affaires sociales, dont elle est présidente.

L’argument s’appuie sur les recommandations de l’Académie nationale de médecine, qui considère qu’un tel allongement risque d’entraîner des « manœuvres chirurgicales dangereuses pour les femmes » et une « augmentation significative des complications à court ou à long terme ». Étendre les délais d’accès à l’IVG pourrait aussi avoir pour conséquence d’ouvrir la boîte de Pandore. « Dans deux ans, on nous dira que quatorze semaines ce n'est pas suffisant, que des femmes ont toujours des problèmes d’accès à l’IVG et qu’il faut passer à seize semaines », prévient Catherine Deroche (LR), qui met en avant le faible nombre de femmes ayant recours à l’IVG après la dixième semaine. Selon la DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), seulement 5 % des IVG seraient en effet réalisées entre les dixième et douzième semaine de grossesse.

 

La gauche en appelle au gouvernement

Des arguments irrecevables pour Laurence Rossignol (PS), rapporteure du texte au Sénat. « Nous souffrons d’une hypocrisie générale sur ce sujet en France. Chaque année, on accepte que 1 500 à 2000 femmes se rendent à l’étranger pour pratiquer une IVG après la douzième semaine de grossesse. » Certains pays européens ont en effet une législation plus souple. En Espagne, le délai d’accès à l’IVG est de 14 semaines. Aux Pays-Bas, pays le plus progressiste en la matière, le délai s’étend même jusqu’à 22 semaines.

Pour Laurence Rossignol (PS), l’extension du délai de 12 à 14 semaines répond à des situations très concrètes. « Trois quarts des IVG concernent des femmes sous contraception. Les moyens contraceptifs ne sont donc pas infaillibles. Beaucoup de jeunes filles découvrent tardivement qu’elles sont enceintes, soit parce qu’elles ne sont pas conscientes de ce qui leur arrive, soit pour cause d’irrégularité de leur cycle menstruel », note l’ancienne ministre chargée de la Famille.

La discussion s’arrête là : mercredi, le groupe LR prévoit de déposer une question préalable, ce qui aura pour effet de renvoyer le texte à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture. Afin de désamorcer l’opposition de la droite sénatoriale, Laurence Rossignol (PS) demande que le gouvernement engage une procédure accélérée sur le texte. Peu de chance a priori qu’elle soit entendue : pris à revers par cette initiative de l’ancien groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS), le gouvernement tente depuis le début de ménager la chèvre et le chou dans ce dossier.

 

La suppression de la clause de conscience spécifique

Outre l’extension du délai d’IVG, le texte propose de permettre aux sages-femmes de réaliser des IVG chirurgicales jusqu’à la dixième semaine de grossesse. « Un dispositif déjà autorisé à titre d’expérimentation dans le cadre du PLFSS » (budget de la Sécurité sociale), rappelle Catherine Deroche (LR), qui préfère attendre le terme de cette expérimentation prévue sur trois ans avant de se prononcer sur une éventuelle pérennisation.

Enfin, la proposition de loi prévoit de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG pour les médecins. Une demande récurrente des associations féministes, relayée par Laurence Rossignol (PS). « Tous les soignants disposent déjà d’une clause de conscience générale, qui leur permet de refuser d’effectuer des actes contraires à leurs convictions. Pourquoi maintenir une deuxième clause de conscience spécifique à l’IVG ? Cela sert simplement à faire de l’IVG un acte à part, et à montrer aux femmes qu’un avortement est quelque chose d’anormal. Il est grand temps de normaliser l’IVG ! ».

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