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Institutions : faut-il élire à nouveau le Président pour 7 ans et une seule fois ?
Par Public Sénat
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En matière d’institutions, ce ne sont pas les idées qui manquent. Le débat sur la réforme institutionnelle, repoussée à deux reprises pour cause d’affaire Benalla puis de grand débat, sera certainement nourri par une proposition : le retour du septennat. Le sénateur LR Roger Karoutchi met ainsi sur la table l’idée d’un septennat non renouvelable.
« Le chef de l’Etat est devenu aussi le chef de la majorité, ce n’est pas possible »
« Depuis le quinquennat et l’élection législative qui suit, le chef de l’Etat est devenu aussi le chef de la majorité. Il est à la fois l’exécutif et le législatif. Et ça, ce n’est pas possible car c’est la négation même de la démocratie » a estimé ce lundi matin le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, sur Public Sénat (voir la vidéo). A ses yeux, « le quinquennat a été une erreur, il faut le dire. Il faut qu’on revienne à un septennat sec, avec une seule élection. Le Président est là pour 7 ans, il a le temps des réformes et n’est pas tenu par le côté électoraliste ».
Avec un mandat de 5 ans, le chef de l’Etat se retrouve presque en campagne électorale perpétuelle, avec les travers qui l’accompagnent. Dans l’esprit de Roger Karoutchi, les députés resteraient élus pour 5 ans. Ils ne seraient ainsi « plus dépendants du président de la République. Il faut faire revivre le législatif ».
En 2000, Jacques Chirac instaure le quinquennat
C’est Jacques Chirac qui avait instauré le quinquennat en 2000. Les Français en ratifient le principe par référendum. La première élection avec un mandat de 5 ans a lieu en 2002. Les élections législatives, qui découlent de la présidentielle, sont fixées deux mois après. Cette inversion du calendrier accentue la primauté du scrutin présidentiel. Le chef de l’Etat peut s’assurer d’une majorité solide et la possibilité d’une cohabitation devient très faible.
Mais les limites du nouveau système se font sentir au fil des ans. Le débat d’un retour au septennat émerge. Il n’est pas nouveau. En 2014, au Sénat, les radicaux de gauche proposent déjà un septennat non renouvelable (voir notre article). Le texte, rejeté alors par la commission des lois, est déposé par le président du groupe RDSE, Jacques Mézard. Trois ans après, il devient ministre d’Emmanuel Macron. Il vient d’être nommé au Conseil constitutionnel par le chef de l’Etat.
Proposition de loi constitutionnelle
Roger Karoutchi, qui rassemble mercredi des sénateurs LR sur ces questions, pense déposer « à terme une proposition de loi constitutionnelle » pour instaurer le septennat non renouvelable et pour « que le Sénat ait le dernier mot sur les textes qui concernent les territoires et collectivités locales ». La Haute assemblée a actuellement le premier mot, c’est-à-dire qu’il commence l’examen des textes liés aux collectivités, mais le dernier mot, c’est-à-dire le vote final, revient aux députés.
D’autres sénateurs seraient-ils prêts à suivre le sénateur LR sur le septennat ? « La question ce n’est pas faut-il un quinquennat ou un septennat, mais c’est l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le Parlementaire » souligne Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, pour qui ce changement ne serait qu’« une conclusion logique » de la réflexion. A titre personnel, il se dit « partagé » sur le septennat : « Cela permettrait de mener un combat jusqu’au bout, mais le Président pourrait aussi être irresponsable car potentiellement, il n’aurait plus à rendre de comptes ».
Le PCF pour un Président « élu par le Parlement »
Le groupe CRCE, à majorité communiste, voit pour sa part d’un bon œil la proposition de Roger Karoutchi. « Le PCF a toujours été opposé à l’élection au suffrage universel du Président. Notre idée, c’est qu’il soit élu par le Parlement réuni en Congrès » explique Eliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Pour rappel, dans la première version de la Constitution de 1958, le Président était élu au suffrage universel indirect par un collège de 80.000 grands électeurs, comme pour les sénateurs. En 1962, de Gaulle propose l’élection au suffrage universel direct, principe ratifié par référendum.
A défaut d’un Président élu par le Parlement, Eliane Assassi est aussi « favorable, comme alternative, à un mandat de 7 ans non renouvelable et déconnecté des législatives ». Manière de sortir « du fait du prince » et de donner plus d’espace « à la démocratie citoyenne ».
« Finalement, les périodes de cohabitation n’ont pas été dramatiques »
Si les défenseurs de la Ve République, telle qu’elle existe, souligne sa stabilité, la sénatrice PCF de Seine-Saint-Denis renvoie à « ce qui se passe dans le pays… Aujourd’hui, il y a de l’instabilité ». Elle ajoute :
« Cette victoire par défaut à la présidentielle d’Emmanuel Macron, avec un Président qui se dote ensuite d’une très large majorité aux législatives, cela a tendance à bloquer le débat public. Il reste le Sénat comme contre-pouvoir ».
Avec des législatives tous les 5 ans et décorrélées de la présidentielle, « ce serait un pouvoir de contrôle populaire, un outil de contrôle démocratique » imagine Eliane Assassi.
Mais avec un risque de retour des cohabitations. Pas forcément gênant, estime Patrick Kanner : « Finalement, les périodes de cohabitation n’ont pas été dramatiques. C’est dans la cohabitation qu’on a vu la vraie place du Président, telle que le voulait de Gaule, avec les grands sujets régaliens, et un premier ministre qui conduit la politique de la Nation ».
« Ça va sans doute faire partie des remontées du grand débat »
L’idée pourrait-elle être reprise par le gouvernement ? Le septennat ne fait pas partie de la réforme constitutionnelle. Lors du début de l’examen du texte, en juillet 2018, le gouvernement s’était opposé aux amendements déposés par plusieurs députés pour un retour au septennat… Mais entre-temps, la crise des gilets jaunes et le grand débat sont passés par là.
Pour François Patriat, président du groupe LREM du Sénat, le sujet « peut faire l’objet d’une réflexion. Wait and see ! » « On verra ce qu’il en ressort, mais ça va sans doute faire partie des remontées du grand débat » ajoute le sénateur de Côte-d’Or. François Patriat souligne qu’« il y a d’autres formules possibles » en termes de durée de mandat.
De quoi nourrir la réforme, du moins la réflexion. D’autant que les initiatives se multiplient sur tous les sujets. A la demande de Gérard Larcher, un groupe de travail a planché sur la démocratie participative. Plutôt que le RIC voulu par les gilets jaunes, les sénateurs veulent rendre plus facilement applicable le référendum d’initiative partagée, en abaissant le nombre de signatures nécessaire (voir notre article). On vous le dit, en matière institutionnelle, les idées ne manquent pas.