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Gérald Darmanin : « Je ne dis pas qu’il n’y a pas de lien entre immigration et séparatisme »
Par Public Sénat
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Déjà adopté par les députés, c’est au tour des sénateurs de se pencher sur le projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République. Avant l’examen prévu en séance le 30 mars, ils ont auditionné le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et sa ministre déléguée, Marlène Schiappa, ce mercredi.
Ce texte sur le « séparatisme » est large. Il vise à accroître le contrôle des associations, la transparence des cultes et de leur financement, à renforcer le principe de neutralité dans le service public, la lutte contre la polygamie, les certificats de virginité et les mariages forcés, à lutter contre la haine en ligne, ou encore à encadrer plus sévèrement l’instruction à domicile.
« Entrisme dans certains services publics »
« C’est un texte important pour la législature et pour le pays. C’est un travail considérable que de toucher un certain nombre de grandes libertés, parfois chèrement acquises […] : la liberté d’association, de culte, d’expression, la laïcité, et en même temps trouver un équilibre avec les attaques que subit la France depuis de nombres années » explique le ministre de l’Intérieur, évoquant les attentats de « Saint Michel en 1995 », « évidemment ceux de 2015/2016 et désormais ce que Gilles Kepel appelle un djihadisme d’atmosphère ». Il ajoute : « Entre la radicalisation qui mène au terrorisme et le terrorisme, il y a quelque chose, que le président de la République a qualifié lui-même de séparatisme ».
« Cet islam politique, cet islam radical – qui est une dérive sectaire que nous ne confondons en aucun cas avec une religion – n’est pas considérée aujourd’hui comme la conséquence qui peut mener à ce djihadisme d’atmosphère » ajoute le ministre, qui entend « renforcer les principes républicains qui permettent de lutter contre ce séparatisme ». Il pointe « l’entrisme dans certains services publics locaux », la « pression sur les agents » ou encore la « diffusion sur les réseaux sociaux de fatwas numériques ».
L’article 18 du projet de loi, « dit article Samuel Paty », crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée. Outre la création d’un nouveau « délit de séparatisme » avec l’article 4, le texte prévoit aussi « une simplification de la loi de 1905 » de séparation des églises et de l’Etat, « dans l’aide que nous apportons aux cultes », et ainsi « un renforcement de la laïcité », en « obligeant le plus possible les cultes à s’organiser selon les dispositions de la loi de 1905 », et non selon la loi de 1901 sur les associations. Et d’ajouter :
La laïcité est quelque part partout dans ce texte. Il y a un chapitre entier sur les lieux de culte.
Darmanin veut contrôler « 89 lieux de culte séparatistes » dès la promulgation de la loi
La vente d’un lieu de culte « à d’autres Etats étrangers » sera ainsi interdite, sans l’accord de l’Etat. Le projet de loi permet également de « fermer des lieux de culte quand ils sont soupçonnés de séparatisme ». « On évalue à 89, les lieux de culte dit séparatistes, sur 2.500 lieux de culte musulmans en France, selon les renseignements territoriaux » avance Gérald Darmanin (lire aussi ici). « Ce n’est pas une proportion très importante, mais ils posent des questions importantes pour la paix publique ». « Aujourd’hui, un seul lieu de culte est fermé pour un lien direct avec un attentat terroriste », et 17 en tant qu’établissement recevant du public. Mais en cas de discours haineux ou raciste, « la loi ne me permet pas de faire fermer ces lieux de culte. Les dispositions le permettront demain ». Dès que la loi sera « promulguée » et que « nous aurons préparé les décrets d’application, je ferai organiser le contrôle des 89 lieux de culte séparatistes, dans les semaines qui suivront », prévient le ministre de l’Intérieur. Regardez :
« Nous voulons lutter contre le séparatisme islamiste, mais aussi les ingérences étrangères » lance le ministre, qui veut se « doter d’armes très fortes, très dures et être dans le cadre de la loi de 1905 ».
Darmanin évoque « un local public » à Marseille, occupé par une association « soupçonnée de radicalisation »
Côté association, un « contrat d’engagement républicain » sera créé. Celles qui souhaiteront avoir une subvention publique devront s’engager « à respecter les principes et valeurs de la République. Et en cas de non-respect, la subvention pourra être arrêtée et être reprise » explique pour sa part Marlène Schiappa.
Sur ce point, Gérald Darmanin évoque ce qu’il a vu « à Marseille, dans certains secteurs de la mairie ». « Quand je vois dans un local public – ça ne tient pas de la majorité actuelle, je tiens à le préciser – […] un contrat de bail avec une association sportive et qu’il y a un sous-bail pour un lieu de culte, lui très clairement soupçonné de radicalisation et que les renseignements, la DGSI, les services de police, après de multiples alertes à la mairie de secteur, voient que le bail n’a pas été résilié, je m’inquiète parfois des discours nationaux et de la vie locale » affirme le ministre de l’Intérieur.
« Les pratiques dites coutumières n’ont pas leur place en France » affirme Schiappa
Autre point du texte : « Les pratiques dites coutumières, qui n’ont pas leur place en France : mariages forcés, polygamie, la discrimination des filles face à l’héritage, pratique des certificats ou tests de virginité » prévient Marlène Schiappa.
Le sénateur PS Jean-Pierre Sueur a insisté de son côté sur « les contraintes qui arrivent » pour l’ensemble des cultes, les « représentant des protestants demandant pourquoi diable on nous impose tout ça ». Interrogations aussi du sénateur LR Philippe Bas, qui pense qu’« on risque d’avoir embêté tous les cultes sans distinction », y compris ceux « qui ne posent aucun problème à la République, pour un résultat dérisoire dans la volonté de faire reculer le séparatisme ». Gérald Darmanin leur répond qu’« un texte qui n’aurait concerné que les musulmans aurait été contraire à la loi de séparation des églises et de l’Etat ». « Nous ne pouvons pas distinguer les cultes. Bien sûr que ça peut gêner. Mais ne soyons pas faussement naïfs » soutient-il, assumant « le fait que la loi s’adresse à tous les cultes ». Le ministre ajoute :
Nous avons devant nous un danger, le séparatisme islamiste en général, mais il peut y avoir d’autres séparatismes.
Jacqueline Eustache-Brinio (LR) veut « réfléchir à la politique de peuplement des quartiers »
La socialiste Marie-Pierre de la Gontrie pointe plusieurs manquements dans le texte, « il n’y a rien sur les droits sociaux, les droits économiques, la mixité scolaire ». La sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, corapporteure du texte, estime pour sa part qu’il faudrait aussi « réfléchir à la politique de peuplement des quartiers. […] Arrêtons l’hypocrisie du levier des ressources, parlons de la vraie diversité ».
« Vous avez mille fois raison » lui répond le locataire de la Place Beauvau. « Je ne dis pas qu’il n’y a pas de lien entre immigration et séparatisme. Je dis que ce lien n’est pas égal. Mais bien sûr qu’une partie de l’immigration non-contrôlée, de gens non-intégrés, mène au séparatisme. Bien sûr que l’urbanisme, la politique du logement – je ne dis pas qu’il y a un lien égal – contribuent aussi au séparatisme » (voir la première vidéo).
Darmanin évoque « la grande susceptibilité » et « la grande blessure des musulmans » face aux amalgames
Alors que le sujet est sensible et vite glissant vers les amalgames, le ministre de l’Intérieur fait, à sa manière, du « en même temps », affirmant qu’« il ne faut pas sous-estimer la grande susceptibilité (sic), pour ne pas dire parfois la grande blessure des musulmans, quand ils sont confondus entre leur religion et ce qu’ils ne sont évidemment pas. Et personne ici ne compte faire cette confusion. On peut par ailleurs être rigoriste dans sa religion, sans être contraire aux valeurs de la République » (voir vidéo ci-dessous). Au final, pour le ministre, « ce projet de loi est équilibré », en préservant « un certain nombre de libertés », tout en apportant « des réponses aux acteurs de terrains, et singulièrement aux élus locaux ».