Gafa : « Si vous reconnaissez les droits voisins, reconnaissez-les jusqu’au bout », demande David Assouline

Gafa : « Si vous reconnaissez les droits voisins, reconnaissez-les jusqu’au bout », demande David Assouline

Auditionnés par la commission de la Culture, les représentants de Facebook et Google ont été interrogés sur les avancées des tractations concernant la mise en application de la directive sur les droits voisins.
Public Sénat

Par Jules Fresard

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Dire que les représentants des deux Gafa ont été accueillis avec scepticisme au Sénat mercredi 23 juin serait un euphémisme. Car comme l’a rappelé le sénateur centriste du Val-de-Marne Laurent Lafon aux cadres de Facebook et Google France auditionnés ce jour au Palais du Luxembourg, « d’un côté, vous fournissez des services très appréciés, vous contribuez au progrès, en facilitant l’accès aux connaissances… Mais de l’autre, vous êtes régulièrement mis en accusation, avec des critiques concernant votre domination, l’assèchement du marché publicitaire que vous causez… ».

Ces critiques, Laurent Lafon, en sa qualité de président de la commission de la Culture, les avait déjà entendues de vive voix le 14 avril, lors d’une table ronde organisée sur la problématique des droits voisins. De nombreux représentants d’organes de presse s’étaient émus de la rigidité des géants du numérique sur la question, qui vise in fine à rémunérer les médias lorsque des extraits de leurs contenus sont réutilisés, sur Google notamment. Et face aux montants consentis par les géants de la Silicon Valley, l’ancien eurodéputé Jean-Marie Cavada avait évoqué de la « monnaie de sortie de messe ».

Facebook et Google défendent leurs positions

Sébastien Missoffe, à la fois vice-président et directeur général de Google France a d’abord tenu à afficher son « soutien aux éditeurs de presse » en évoquant « l’importance de nous engager sur ce point-là ». Pour lui, les montants déjà alloués par son entreprise sur la question ne sont pas de la « monnaie de sortie de messe », bien au contraire. « Dès 2013, nous avons mis en place le fonds Google, avec 85 millions d’euros versés aux éditeurs ». Et face à l’application de la nouvelle loi française sur les droits voisins, « nous avons été les premiers à avoir trouvé un accord. Mais nous l’avons entendu lors des récentes auditions, nous aurions pu faire mieux. Je tenais donc à vous redire notre engagement sur la question ».

Anton’Maria Battesti, responsable des affaires publiques chez Facebook France, a de son côté tenu à défendre les partenariats noués avec certains organes de presse dans la lutte contre la désinformation, afin de montrer qu’une collaboration est bien possible entre les Gafa et les éditeurs. « Nous avons mis en place des dispositifs de partenariat avec l’AFP, avec des informations faisant l’objet de fact-checking ».

Le scepticisme des sénateurs

« Je suis content de vous entendre dire que vous reconnaissez le droit voisin, cela n’a pas toujours été le cas. A l’époque, vous vouliez simplement aider la presse, mais en aucun cas reconnaître un droit aux éditeurs. C’est un grand progrès sur le fond », a salué David Assouline. Avant d’immédiatement nuancer son propos. « Mais je vais vous poser une question très directe. Quand on voit depuis le début de la pandémie les bénéfices et les sommes colossales que vous avez accumulés, ne pensez-vous pas que l’accord secret que vous avez négocié avec une toute petite partie de la presse française ne soit pas ridicule ? », le sénateur socialiste de Paris faisant ici référence au partenariat noué notamment avec Le Monde, dont les sommes, bien que confidentielles, sont présentées de toutes parts comme minimes.

Pour David Assouline, les Gafa doivent reconnaître "jusqu'au bout" les droits voisins
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D’autant que comme l’a rappelé David Assouline, « créer de l’information coûte cher pour qu’elle soit fiable. Envoyer un reporter de guerre sur le terrain coûte de l’argent » a-t-il tenu à faire savoir à Facebook et Google, qui ont un peu avant unanimement défendu la nécessité de mettre en avant des contenus « fiables » produits par des « médias de référence ». « En conclusion, on peut faire fi du passé. Mais si vous reconnaissez le droit voisin, reconnaissez-le jusqu’au bout » a enjoint le sénateur.

Constat partagé par Michel Laugier qui a réaffirmé la volonté du Sénat pour « que les éditeurs puissent retrouver l’investissement qui est le leur ». Le sénateur des Yvelines a tenu à attirer l’attention de Google et Facebook sur la situation des agences de presse. Au Sénat en avril, Fabrice Fries, président de l’Agence France Presse, avait, concernant la loi sur les droits voisins, déclaré, « pour nous, d’application, il n’y a pas ».

Un point qui a amené une réponse pour le moins évasive de la part des représentants de Google, déclarant « sur les agences de presse, nous avons signé un accord avec Reuters. En France, les discussions avancent, les équipes se mobilisent », admettant au passage que la firme « reconnaissait évidemment que les publications des agences de presse entraient dans le droit voisin ». Une déclaration à prendre avec précaution. En avril, Fabrice Fries déclarait « L’AFP ne se voit toujours pas reconnaître le bénéfice du droit voisin par Google », évoquant des négociations s’apparentant à « la danse des sept voiles pour nous faire oublier ce droit ».

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