Fonction publique : le Sénat impose trois jours de carence et allonge le temps de travail

Fonction publique : le Sénat impose trois jours de carence et allonge le temps de travail

Dans le cadre du budget 2020, la majorité sénatoriale de droite a adopté une série d’amendements « à la serpe » sur les fonctionnaires. Ils ont tous été votés contre l’avis du gouvernement, qui reviendra dessus à l’Assemblée. Ces mesures n’entreront donc pas en vigueur.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les fonctionnaires vont adorer. A chaque budget, la majorité sénatoriale de droite et du centre a une marotte : les fonctionnaires. Dans son collimateur, on trouve aussi bien leur nombre que leur coût. Manière, pour les sénateurs LR et UDI, de marquer leurs différences sur cette question, qui reste l’un des marqueurs classiques de la droite. Lors de l’examen du projet de loi de finances 2020, cela n’y a pas coupé. Le Sénat a adopté une série d’amendements sur le sujet, tous contre l’avis du gouvernement.

Trois de jours de carence « par équité avec le privé et pour des raisons d’économies »

Le plus débattu a été le passage d’un à trois jours du nombre de jour de carence pour les fonctionnaires, en cas d’arrêt maladie. « Il s’agit de porter le porter le jour de carence d’un jour, comme avait fait le gouvernement, à trois jours, par équité avec le secteur privé et pour des raisons d’économie. Quand le jour de carence avait été supprimé, il y avait eu une forte augmentation de l’absentéisme dans la fonction publique. Et nous voulons lutter contre cet absentéisme » a fait valoir Albéric de Montgolfier, rapporteur LR du budget (voir la première vidéo). Le Sénat avait déjà adopté une telle mesure plusieurs fois, comme en 2017. Concrètement, les fonctionnaires ne seraient pas payés durant les trois premiers jours, en cas d’arrêt.

Que les fonctionnaires se rassurent : le gouvernement, opposé au principe, reviendra certainement sur ce vote lors du retour du texte devant les députés, qui ont le dernier mot dans la procédure parlementaire.

En 2017, l’exécutif ne s’était cependant pas empêché de rétablir un jour de carence, « mais en ayant en tête que la situation des agents du public et celle des salariés du privé ne sont pas la même en termes d’accès à la protection complémentaire » a souligné Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Comptes publics, qui suit particulièrement le dossier de la fonction publique.

« Haro sur la dépense publique », « démarche purement idéologique »

L’amendement du rapporteur est évidemment mal passé à gauche. « C’est haro sur la dépense publique. On n’entend que ça depuis le début de la loi de finances » enrage Pascal Savoldelli, sénateur PCF du Val-de-Marne. Il ajoute : « Je ne peux pas vous laisser dire qu’il faudrait un alignement avec le privé. (…) Vous savez très bien que dans le privé, les deux tiers des salariés sont couverts pour les jours de carence, car il y a des conventions collectives, des accords d’entreprises ». Regardez le sénateur PCF :

Avec la droite, c’est « haro sur la dépense publique » dénonce Pascal Savoldelli (PCF)
02:23

Le sénateur LREM, Julien Bargeton, a pour sa part dénoncé des « amendements extrêmement stigmatisants vis-à-vis des agents de la fonction publique ». Le sénateur de Paris y voit « une démarche purement idéologique ».

Un positionnement assumé par le sénateur LR de l’Oise, Jérôme Bascher. « Je veux bien que nos amendements soient peut-être un petit peu à la serpe. Mais on ne fait rien sur la fonction publique. 47 emplois (supprimés dans la fonction publique en 2020), ce n’est pas raisonnable. Il faut bien, à un moment, mettre du symbole. On est dans le symbole évidemment » soutient le sénateur LR. Regardez :

On est obligé d’être « un petit peu à la serpe » sur la fonction publique, selon le sénateur LR Jérôme Bascher
00:37

Passage aux 37,5 heures par semaine

Autre amendement voté, « bien connu du Sénat, qui l’a adopté chaque année », rappelle Albéric de Montgolfier : l’alignement « du temps de travail dans la fonction publique sur le temps moyen travaillé dans le privé », soit 37,5 heures. Le sénateur LR d’Eure-et-Loir y voit une mesure « d’équité et d’efficacité ». Et d’économie. Cette hausse du temps de travail du secteur public permettrait « un gain de 5 milliards d’euros », selon l’objet de l’amendement, soit, « rapportée à la seule fonction publique de l’État », une économie qui « s’élèverait à 2,27 milliards d’euros ».

Gel des « primo recrutements »

Le rapporteur de la commission des finances a aussi fait adopter un amendement visant à geler les « primo recrutement » dans l’administration publique centrale. Dénonçant les seules 47 suppressions de poste décidées par le gouvernement pour l'année prochaine, Albéric de Montgolfier vise ici 1.347 équivalents temps plein en moins, selon le texte de l’amendement. De quoi économiser environ 80 millions d’euros en année pleine.

Fin de l’augmentation à l’ancienneté

Le Sénat a enfin adopté un amendement du sénateur UDI Vincent Delahaye, visant à « diminuer par deux l’effet "glissement vieillesse technicité", c’est-à-dire l’augmentation à l’ancienneté automatique. On préférerait l’augmentation au mérite » a défendu le sénateur de l’Essonne. Vincent Delahaye résume le mécanisme : « Suspendre pendant 6 mois ces mesures pour économiser 650 millions d’euros ».

Alors que l’exécutif est loin d’avoir de bonnes relations avec les fonctionnaires et leurs syndicats, depuis le début du quinquennat, Olivier Dussopt profite des amendements sénatoriaux pour se faire leur défenseur : il pointe « un amendement beaucoup trop dur pour le pouvoir d’achat et le déroulement de carrière des agents ». A trois jours d’une grande journée de mobilisation contre la réforme des retraites, ce n’est pas le moment d’avoir un mot de trop.

Dans la même thématique

Tondelier 2
8min

Politique

Malgré des critiques, Marine Tondelier en passe d’être réélue à la tête des Ecologistes

Les militants du parti Les Ecologistes élisent leur secrétaire national. Bien que critiquée, la sortante Marine Tondelier fait figure de favorite dans ce scrutin où les règles ont été changées. La direction s’est vue accusée par certains de vouloir verrouiller le congrès. Si les écolos ne veulent pas couper avec LFI, le sujet fait débat en vue de la présidentielle.

Le

SIPA_01208671_000002
5min

Politique

Prisons attaquées : vers une nouvelle loi pour permettre l’accès aux messageries cryptées par les services de renseignement

Après la série d’attaques visant plusieurs établissements pénitentiaires, coordonnées au sein un groupe de discussion sur Telegram, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez regrette que la disposition de la loi sur le narcotrafic, permettant aux services de renseignement d’avoir accès aux messageries cryptées, ait été rejetée les députés. La mesure pourrait réapparaître dans une nouvelle proposition de loi du Sénat.

Le

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

FRA – ASSEMBLEE – 4 COLONNES
13min

Politique

Congrès du PS : les tractations se concentrent sur « Boris Vallaud, qui a des propositions de dates tous les jours »

Alors que les amis de Nicolas Mayer Rossignol, d’Hélène Geoffroy et de Fatima Yadani et Philippe Brun discutent pour fusionner, dans une union des opposants à Olivier Faure qui demandent la « clarté », le président du groupe PS de l’Assemblée, Boris Vallaud, se retrouve au centre des attentions. Mais « son but n’est pas d’être faiseur de roi, c’est de rassembler le royaume socialiste », soutient Rémi Branco, son porte-parole.

Le