La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, a présenté ce mardi le deuxième volet de la réforme du « Choc des savoirs », initiée en 2023 par Gabriel Attal, et destinée à renforcer le niveau des élèves. La droite sénatoriale, qui a soutenu cette réforme, regrette des allégements vraisemblablement imposés par le contexte budgétaire. La gauche, en revanche, épingle des annonces faites sans retour sur les dispositifs déjà entrés en vigueur.
Face à « la pénurie d’enseignants », un rapport sénatorial montre que les revalorisations salariales ne suffiront pas
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Rapporteur spécial des crédits de l’enseignement scolaire au Sénat, et donc des dépenses du budget de l’Etat dans l’Education nationale, Gérard Longuet rend ce jeudi un rapport sur « la crise d’attractivité du métier d’enseignant », qui compare la situation du système scolaire français avec les autres pays européens. Le constat est clair et partagé : l’Europe – et l’ensemble des pays dits « développés » – souffrent d’une pénurie structurelle d’enseignants, même dans les systèmes scolaires les plus rémunérateurs comme l’Allemagne ou le Portugal. La population enseignante a en effet tendance à vieillir, avec un âge moyen qui a augmenté de 4 ans entre 2008 et 2018 en France par exemple. Conjuguée à un faible nombre d’entrants dans la profession, cette dynamique démographique provoque cette « pénurie d’enseignants » généralisée à toute l’Europe.
En France, la chute structurelle du nombre de candidats aux concours d’enseignement est particulièrement prégnante, avec une baisse de 30 % en 15 ans : de 50 000 candidats en 2008, on est passés à 30 000 en 2020. Avec une population scolarisée assez stable sur les dernières années (en légère baisse dans le premier degré, mais légère hausse dans le second degré), le fonctionnement normal du système scolaire français nécessiterait au moins un renouvellement des départs à la retraite, mais le nombre de candidats en chute libre aux concours de l’enseignement ne fournit pas un vivier suffisant pour recruter des enseignants qualifiés. D’autant plus que même chez les enseignants recrutés sur concours, les démissions ont triplé en 10 ans (de 1 % à 3,2 % de stagiaires démissionnaires), alors que corrélativement, le recours aux contractuels a augmenté de 1,5 % sur le dernier quinquennat.
Les modèles allemands et portugais : la preuve que le salaire ne suffit pas
Pour tenter d’ébaucher des pistes de réflexion pour résoudre cette « pénurie », Gérard Longuet adopte une démarche comparative dans son rapport, en se concentrant sur les cas allemand et portugais, deux pays qui rémunèrent bien plus leurs enseignants que la France. En Allemagne, le salaire annuel est deux fois plus élevé que la moyenne des pays de l’Union Européenne (entre 3000 et 4250 euros mensuels net selon les Länder), pour une dépense publique dans l’éducation de 2,6 % du PIB, contre 3,4 % en France. Pourtant, les enseignants français ont une rémunération de 10 000 dollars plus faible que la moyenne de l’OCDE après 15 ans de carrière, alors même qu’il faut seulement 12 ans à un enseignant danois pour atteindre son salaire maximum. L’Allemagne compense en fait les dépenses sur les salaires des enseignants par un nombre deux fois plus élevé d’élèves par établissements. Le rapporteur spécial des crédits de l’enseignement scolaire pointe tout de même des « limites au modèle allemand », sorte de revers de la médaille de ces salaires élevés, avec l’absence d’une garantie d’emploi, une mise en concurrence des candidats pour un poste, une mobilité interrégionale limitée et des missions de remplacement et de surveillances obligatoires en l’absence de vie scolaire dédiée.
Au Portugal en revanche, si les salaires sont semblables en début de carrière, ils progressent bien plus, et bien plus vite, si bien qu’en fin de carrière, un enseignant portugais gagne entre 15 et 18 000 euros de plus par an. Le sénateur LR de la Meuse salue ainsi « des choix budgétaires forts » du Portugal, qui ont permis de faire exploser les taux d’alphabétisation et de faire passer le taux de décrochage de 45 % en 2002 à 6 % en 2021, un chiffre plus faible qu’en France. Des progrès que l’OCDE qualifie « d’historiques. » Pour autant, même l’Allemagne et le Portugal connaissent des difficultés à recruter des enseignants, avec 15 000 professeurs manquant au système éducatif allemand en 2019, et la plus faible proportion de professeurs débutants de l’OCDE pour le Portugal, ce qui annonce une aggravation de ces difficultés. Il est particulièrement significatif de remarquer qu’au Portugal, les professeurs sont même largement mieux rémunérés que la moyenne des actifs : l’argument de l’attractivité salariale comparativement au secteur privé ne permet donc pas de résoudre la problématique de la pénurie d’enseignants qui touche les systèmes scolaires européens.
Formation continue, autoévaluation : les autres pistes pour rendre le métier d’enseignant plus attractif
Si une « poursuite de la hausse des rémunérations des enseignants » est donc nécessaire, Gérard Longuet tente aussi d’explorer d’autres pistes, comme l’accompagnement au-delà de l’année de stage par le mentorat pendant quelques années en début de carrière ou la bonification des rémunérations en fonction des disciplines et des territoires en tension. De même, le rapport appelle à inciter financièrement à la formation continue et à intégrer la conception « d’espaces d’échange » à la construction de futurs bâtiments scolaires, pour favoriser la coopération entre enseignants et la structuration de communautés éducatives. À cet égard, le sénateur LR évoque aussi une spécificité du modèle portugais qui consiste à ne pas nommer, mais élire les chefs d’établissements par une assemblée générale. Ainsi pourrait-on d’après lui favoriser l’autoévaluation des enseignants par leurs pairs, en en faisant une condition pour d’éventuelles bonifications salariales supplémentaires.