La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Elisabeth Borne : « Il est temps d’entrer dans l’ère des forces qui bâtissent ensemble »
Par François Vignal
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Les marcheurs. C’est à pied, depuis Matignon, qu’elle est arrivée jusqu’à l’Assemblée nationale, entourée de quelques ministres, dont Gérald Darmanin et Olivier Véran. Si elle est arrivée avec le sourire, c’est un discours de politique générale pas tout à fait comme les autres, qui attendait la première ministre. Car le gouvernement n’a qu’une majorité relative, ce qui va très sérieusement lui compliquer la tâche. Sa politique en sera justement impactée.
Elisabeth Borne a su malgré tout traverser cette épreuve imposée de début de quinquennat. Un discours d’une heure trente, pour fixer le cap, même changeant, au gré des accords et des vents contraires à venir. En dépit d’un ton un peu trop récité, aux intonations répétées, la première ministre a su faire preuve d’une certaine maîtrise, malgré les vives réactions de l’opposition. Pas d’excès, ni de grandiloquence, mais du solide pour Elisabeth Borne. A la fois bonne élève et un brin espiègle, elle sait aussi jouer avec l’hémicycle, sourire en coin, quand elle regarde et cite tous les présidents de groupes d’oppositions, sauf… ceux du RN, Marine Le Pen, et de LFI, Mathilde Panot. Manière de les mettre à nouveau sur le même plan et en dehors de l’arc républicain.
Un discours qu’elle « a pris le temps de travailler », explique son entourage, à Matignon. Après un déjeuner avec Emmanuel Macron lundi, elle a échangé ce matin « avec Edouard Philippe, François Bayrou et les différents membres de la majorité, et avec Gérard Darmanin, sur les enjeux de sécurité », fait-on savoir, manière de démentir toute mauvaise ambiance avec son ministre de l’Intérieur, qu’elle aurait cherché à éjecter de Beauvau.
Mais c’est finalement, et logiquement, quand Elisabeth Borne parle d’elle-même, qu’elle s’est montrée la meilleure, la plus vraie et convaincante. Elle fend alors l’armure, en déclarant : « Si je suis ici devant vous, première ministre de la France, je le dois à la République. C’est elle qui m’a tendu la main en me faisant pupille de la Nation, alors que j’étais cette enfant, dont le père n’était jamais vraiment revenu des camps ». « Je ne corresponds peut-être pas au portrait-robot que certains attendaient. Cela tombe bien, la situation est inédite », lance encore la première ministre, qui n’a « pas le complexe de la femme providentielle ».
« Une nouvelle page de notre histoire politique et parlementaire commence, celle des majorités de projet »
Ce discours de politique générale, c’était d’abord un discours de la méthode. « Les Français nous invitent à des pratiques nouvelles, un dialogue soutenu, à la recherche active de compromis » soutient la première ministre, qui ajoute : « Le compromis, ce n’est pas se compromettre. C’est accepter chacun de faire un pas vers l’autre ».
« Il est temps d’entrer dans l’ère des forces qui bâtissent ensemble », lance encore Elisabeth Borne, « une nouvelle page de notre histoire politique et parlementaire commence, celle des majorités de projet. Avec mon gouvernement, j’en serai l’infatigable bâtisseuse ». Et elle l’assure, « bâtir ensemble ne signifie pas renoncer à notre identité ».
On l’a compris, « le compromis, le gouvernement y est prêt », assure l’entourage de la locataire de Matignon. Mais pour ça, il faut que les oppositions jouent le jeu, alors qu’elles ont toutes rejeté l’idée d’une coalition. « Le compromis, c’est comme la danse de salon. C’est mieux à deux. Tout seul, on est un peu plus limité », lâche l’entourage de la première ministre. Encore faut-il que le gouvernement lâche lui aussi, de son côté, sur certains points. Mais Elisabeth Borne prévient : « Le désordre et l’instabilité ne sont pas des options ».
Des « réponses radicales à l’urgence écologique »
Sur l’écologie – troisième thème dans l’ordre de son discours – elle assume des « réponses radicales à l’urgence écologique », que ce soit « dans notre manière de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer ». « Dès le mois de septembre, nous lancerons une vaste concertation en vue d’une loi d’orientation énergie-climat », a-t-elle annoncé. « Nous allons définir ensemble un plan d’action. Un plan de bataille » pour une « révolution écologique ». Celle qui mènera la planification écologique, imposera à ses ministres une « feuille de route climat et biodiversité ». Des « objectifs de réduction d’émissions, des étapes et des moyens appropriés » seront définis « filière par filière, territoire par territoire », avec les élus locaux.
Elle assure que le « ferroviaire est, et restera la colonne vertébrale d’une mobilité propre. Nous continuerons les investissements des dernières années pour les transports du quotidien et les petites lignes ». Le gouvernement vient pourtant de faire totalement le contraire, en signant, juste avant la présidentielle, un contrat de performance avec SNCF Réseau de 2,8 milliards d’euros, où il manque 1 milliard pour assurer la pérennité de nombreuses petites lignes…
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Le texte pouvoir d’achat, « une base de travail » à discuter
Sur le texte pouvoir d’achat, qui sera présenté demain, en Conseil des ministres, elle a rappelé les mesures connues : prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, revalorisation des prestations sociales, « aide des travailleurs pour lesquelles la voiture est une nécessité ». Ces mesures, « c’est notre base de travail. Et nous les amenderons, quand des convergences » apparaîtront.
Objectif « plein emploi »
Le deuxième défi qu’Elisabeth Borne se fixe, c’est le plein-emploi. Selon les économistes, il se situe à un taux de 5 % de chômage. Ce « n’est pas un objectif inatteignable », grâce, pense-t-elle, à l’action des cinq années passées, entre recul du chômage, réforme de l’apprentissage, du marché du travail et de l’assurance chômage.
La réforme des retraites maintenue mais « pas ficelée » à l’avance
Sujet sensible, la réforme des retraites n’est pas enterrée. « Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite », soutient Elisabeth Borne, mais « elle ne sera pas ficelée, pas à prendre ou à laisser ». Il faudra cependant « travailler progressivement, un peu plus longtemps », prévient-elle. Mais jusqu’à quel âge ? On ne sait pas, mais elle ne parle plus d’un report jusqu’à 65 ans.
Réforme de l’allocation adultes handicapés et déconjugalisation
C’est un changement à 180 degrés pour l’exécutif. Elisabeth Borne a annoncé une réforme, « avec les associations, de l’Allocation adultes handicapés » (AAH). « Nous partirons du principe de la déconjugalisation », a-t-elle précisé. Le gouvernement avait pourtant rejeté à l’Assemblée une proposition de loi sur cette déconjugalisation. Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était ensuite dit prêt à « bouger » sur le sujet.
EDF nationalisé
C’était une possibilité, c’est acté : EDF va être nationalisé. Une décision en direction de la gauche. « Je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’Etat de détenir 100 % du capital d’EDF. Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique », a déclaré la cheffe du gouvernement. L’Etat détient déjà actuellement 84 % du capital de l’électricien. 15 % sont détenus par des actionnaires institutionnels.
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L’entreprise a subi des déboires. La construction de son nouveau modèle de réacteur EPR est un gouffre financier. En cours d’installation à Flamanville (Manche), il a plus de dix ans de retard et son coût a quasiment quadruplé. S’ajoutent des problèmes de corrosion d’une partie de son parc de réacteurs. Sa situation financière s’est également dégradée avec la décision du gouvernement de le contraindre à vendre davantage d’électricité bon marché à ses concurrents, pour contenir la facture d’électricité des ménages et des petits professionnels.
8 milliards d’euros pour les entreprises via la suppression de la CVAE
Il y a un sujet qui est tranché : Emmanuel Macron entend continuer sa politique pro entreprises. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un des impôts de production payé par les entreprises, sera bien supprimée « dès la loi de finances 2023 », a annoncé la première ministre. Une réforme d’envergure pour les finances publiques : « Concrètement, ce sont près de 8 milliards d’euros qui permettront de renforcer la compétitivité de nos entreprises, aux trois quarts des PME et des ETI », a-t-elle précisé. Promis, la perte engendrée pour les ressources des collectivités sera compensée.
Retour sous les 3 % de déficit en 2027
La première ministre espère « commencer à baisser la dette en 2026 » et, « en 2027, ramener les déficits sous les 3 % ». Sujet qui parlera à la droite. Elle reconnaît que « nous atteindrons ces objectifs avec des conditions de croissance fortes, durables ». Autre solution, qui serait beaucoup moins populaire et aux conséquences beaucoup plus lourdes : une cure d’austérité. Mais Elisabeth Borne n’a rien annoncé de tel.
Immigration : le gouvernement va « simplifier et moderniser les procédures » d’expulsion
Sur l’immigration, si « la France restera fidèle à sa tradition d’asile », le gouvernement compte « simplifier et moderniser les procédures » pour « reconduire plus rapidement ceux dont la demande d’asile a été refusée ». Une annonce qui peut paraître être en direction des députés RN, qui ont fait leur arrivée en force dans cette législature, avec un groupe de 89 membres.
Des « réponses fortes » pour la sécurité du quotidien
Elle promet des « réponses fortes » pour la sécurité du quotidien. « L’insécurité, c’est une inégalité qui touche violemment ceux qui sont déjà fragilisés par la vie », affirme la cheffe de gouvernement, qui a rappelé l’arrivée prochaine du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI). Une loi de programmation de la justice, avec l’embauche de 8.500 magistrats et personnels de justice, est aussi annoncé.
Elargissement du pass culture aux élèves de 6e
Promesse de campagne du président de la République, le pass culture, actuellement réservé à partir de la quatrième, sera étendu aux élèves de sixième.
Retour du conseiller territorial
La réforme était dans les cartons, elle est confirmée. Le conseiller territorial, réforme de Nicolas Sarkozy supprimée par François Hollande, fera son retour. « Il peut être un moyen de construire les complémentarités indispensables entre départements et régions. Cela passera par une concertation approfondie, lancée l’an prochain », annonce Elisabeth Borne, qui veut aussi continuer « la logique de différentiation » dans les territoires.