Économie circulaire : le Sénat adopte à la quasi-unanimité sa version du projet de loi

Économie circulaire : le Sénat adopte à la quasi-unanimité sa version du projet de loi

Après quatre jours de débats, le Sénat a adopté, à la quasi-unanimité, le projet de loi contre le gaspillage et sur l’économie circulaire. Consigne, responsabilité élargie du producteur, interdiction de destruction des invendus non-alimentaires, les échanges auront été parfois tendus entre Brune Poirson et les sénateurs.
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Le Sénat a largement adopté par 342 contre une voix sa version modifiée du projet de loi contre le gaspillage et sur l’économie circulaire. « Malgré une forme physique qui n’était sans doute pas la meilleure qu’elle est connue, la ministre a fait front face à un hémicycle engagé » a commenté Hervé Maurey, le président centriste de la commission du développement durable. « Je crois que vous représentez une voix très importante dans la démocratie qui est celle des collectivités » a remercié, bonne joueuse, Brune Poirson, car c’est peu dire que les débats ne se sont pas déroulés dans les meilleures conditions, pour la secrétaire d’État.

Économie circulaire : le Sénat adopte à la quasi-unanimité sa version du projet de loi
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En effet, malgré sa voix cassée, Brune Poirson avait affiché son volontarisme lors de la discussion générale. « Je suis persuadée qu’une véritable transition écologique ne peut voir le jour que si elle est un véritable instrument de résorption de la crise sociale » (…) « Les déchets, c’est la ressource territoriale par excellence. C’est l’un des très grands champs d’action publique des élus locaux que vous représentez. Il m’apparaît donc évident que les débats commencent ici » avait-elle pris soin de rappeler au début de l’examen en première lecture de son projet de loi.

La consigne de la discorde

Des ambitions affichées qui ne sont pas parvenues à faire oublier la profonde division qui l’oppose à la Haute assemblée sur son projet de consigne de bouteilles en plastique, réécrit par les élus, en commission, dans l’article 8 bis. Les sénateurs qui craignaient une consigne en faveur « des lobbys de la boisson », qui « légitimerait » par conséquent le recours au plastique et entraînerait un manque à gagner pour les collectivités territoriales car privées de cette ressource valorisable (PET) dans les bacs jaunes.

Brune Poirson a tenté de rectifier le tir en déposant un amendement en début de semaine, visant à apporter « un gain financier pour les collectivités compris entre 50 et 124 millions d’euros ». Les sénateurs l’ont rejeté par 300 voix contre et 7. À la place d’une consigne pour recyclage, ils lui ont préféré un dispositif de consigne pour réemploi ou réutilisation des produits consommés.

« Inscrire dans la loi un cadre pour la consigne pour recyclage reviendrait à subir les velléités de quelques acteurs (…) La généralisation d’une consigne pour recyclage est un non-sens environnemental, social et économique » a expliqué Marta de Cidrac, rapporteur LR du texte avant de rappeler que les bouteilles en plastique ne représentaient moins de 1% des déchets ménagers qui étaient bien collectés aujourd’hui.

Brune Poirson défend son projet de consigne pour recyclage au Sénat
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Les débats, sur ce sujet, ont été ponctués d’échanges acerbes entre la ministre et les sénateurs. « Réfléchissez deux minutes. Je sais je suis un peu idiote. Je suis jeune. J’ai moins d’expérience que vous (…) Pourquoi je me battrais pour mettre en place un système qui viendrait pérenniser le plastique, qui viendrait voler les collectivités ? » a ironisé Brune Poirson avant de mettre en garde les sénateurs sur des systèmes de consigne privés qui viendront un jour siphonner tout le PET. « De grâce, arrêtez de caricaturer. Arrêtez d’invectiver (…) Vous venez nous donner des leçons. C’est insupportable (…) Ce que j’aimerais savoir c’est cette consigne pour recyclage vous la souhaitez ou vous la subissez ?» s’est interrogé Hervé Maurey président centriste de la commission du développement durable.

Consigne :" j’aimerais savoir c’est cette consigne pour recyclage vous la souhaitez ou vous la subissez ? » Hervé Maurey
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L’obligation de « réparabilité » des appareils électroniques

Au-delà de ce point de crispation qui a occupé une bonne part des débats, le projet de loi porte également sur différents enjeux comme l’information du consommateur sur la réparabilité des équipements électriques et électroniques. Le gouvernement entend également faciliter l'utilisation de pièces détachées d'occasion, avec l'objectif de lutter contre l'obsolescence programmée. Sur ce sujet, le Sénat a adopté une série d’amendements visant à inscrire l’obligation de « réparabilité » des appareils, y compris électroniques. « Cet amendement vise à interdire les techniques employées par certains fabricants pour programmer l’obsolescence des biens qu’ils fournissent (…) exemple, les smartphones, ordinateurs ou tablettes, sont parfois conçus avec des composants collés ou soudés qui empêchent toute réparation, même par des professionnels. Cet amendement vise à faire respecter le droit à la réparation en interdisant les pratiques visant à la rendre impossible » a exposé le sénateur écologiste Joël Labbé.

Economie circulaire : le Sénat vote l’interdiction de l’obsolescence programmée (Joel Labbé)
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Interdiction de destruction des invendus

L’article 5 du projet de loi sur la lutte contre le gaspillage et économie circulaire crée une obligation de réemploi (incluant le don), de réutilisation ou recyclage des invendus de produits non alimentaires neufs, par les producteurs, importateurs et distributeurs, y compris pour la vente à distance. Les sénateurs ont ajouté au texte initial un barème de sanctions (amende allant jusqu'à 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale). Le Sénat a en outre adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement PS prévoyant une peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la sanction. « En complément de la sanction pécuniaire nous prévoyons une publicité car certains acteurs préfèrent payer que suivre la loi mais sont très frileux vis-à-vis du name and shame » a appuyé la sénatrice socialiste, Angèle Préville. Concernant les invendus alimentaires, le Sénat a adopté, avec un avis favorable du gouvernement, un amendement de la sénatrice écologiste Esther Benbassa rehaussant à 10.000 euros (contre 3.750 euros) l'amende forfaitaire sanctionnant la destruction de denrées alimentaires consommables.

Principe du « pollueur payeur »

Autre point fort du projet de loi : la mise en place de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), ce qu’on appelle plus communément le principe « pollueur-payeur ». Le projet de loi introduit en particulier une nouvelle filière à responsabilité élargie - ou un dispositif équivalent - pour les produits ou matériaux de construction, à compter du 1er janvier 2022.

Seront aussi concernés les jouets, les articles de sport et de loisir, les articles de bricolage et de jardinage, de même que les huiles lubrifiantes ou industrielles. Pour les produits du tabac équipés de filtres, la filière sera créée dès le 1er janvier 2021. 30 milliards de mégots seraient jetés en France chaque année, dont plus de 40% dans la nature, selon le ministère.

À compter du 1er janvier 2024, une filière REP sera introduite pour les lingettes pré-imbibées pour usages corporels et domestiques. Près de 47 000 tonnes de ces lingettes sont consommées chaque année en France, représentant « près de 4,5% » des charges supportées par les collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets. Les sénateurs ont étendu cette filière à l'ensemble des textiles sanitaires (couches, serviettes...).

Le Sénat a adopté un amendement transpartisan créant un Fonds pour le réemploi solidaire, vers lequel serait orientée une partie des contributions gérées par les éco-organismes.

Le Sénat a failli voter l'interdiction du plastique à usage unique en 2040

À l’initiative du sénateur écologiste, Guillaume Gontard, un amendement a fixé la date de 2040 pour interdire purement et simplement l’utilisation de plastique à usage unique. « Un délai largement suffisant pour les industriels afin de s’adapter à ce choix de société » a-t-il estimé. Mais à la fin de l’examen du projet de loi, le gouvernement a demandé une seconde délibération sur cet amendement, avec un avis favorable de la commission. L’amendement a finalement été supprimé au grand regret de Guillaume Gontard. « Les 18 amendements adoptés du groupe CRCE l'ont été parce qu'ils le méritaient. Nous avons joué le jeu constructif du débat ; s'il y a eu coup politique, c'est celui qui se produit maintenant. Je suis amer que l'on revienne sur un amendement fixant la suppression des plastiques à 2040. Sur les réseaux sociaux, on me dit que c'est 2022 qu'il faudrait. Le groupe CRCE votera ce texte important et attendu. Hélas le Gouvernement - c'est une habitude - reste au milieu du gué. Souhaitons qu'il n'y ait pas d'autres reculades à l'Assemblée nationale » a-t-il fait valoir.

Le Sénat a, aussi, mis fin, à compter du 1er janvier 2020, il est mis fin à la distribution gratuite de bouteilles d'eau plate en plastique dans les établissements recevant du public et dans les locaux à usage professionnel.

Dépôts sauvages : pouvoirs du maire renforcés

En réaction à la mort du maire de Signes, cet été, le Sénat a renforcé les pouvoirs de police du maire en matière de dépôts sauvages, de déchets du bâtiment et des ménages. De tels dépôts sont sanctionnés sur le plan pénal mais sont souvent classés sans suite. Quant aux sanctions administratives, elles sont « d’une complexité décourageante » a relevé le sénateur centriste, Jean-François Longeot. Son amendement permettra désormais au maire de demander au contrevenant de réaliser d’abord les travaux de nettoyage avant de lui réclamer la somme de la contravention, plutôt que l’inverse comme c’est le cas actuellement.

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