En introduction de la séance, le vice-président communiste du Sénat, Pierre Laurent a mis aux voix la demande de la commission de lois de se doter pour une durée de 6 mois, des prérogatives d’une commission d’enquête sur « les dysfonctionnements constatés dans l’organisation des élections départementales et régionales de juin 2021 ».
Une formalité, car depuis lundi, à gauche comme à droite, les sénateurs ne sont pas avares en critiques sur les ratés de l’envoi des plis électoraux constatés dans de nombreux territoires. De nombreux Français n’ont en effet rien reçu avant le premier tour des élections régionales et départementales. C’est pour tirer au clair ce dysfonctionnement que, dès mardi le président du Sénat, Gérard Larcher, avait annoncé lors de la réunion du groupe LR, son souhait de voir la commission des lois être dotée des prérogatives d’une commission d’enquête.
La commission d’enquête se penchera sur « les rouages de l’Etat »
Chaque groupe politique aura dans cette commission d’enquête un représentant. Pour le PS, ce sera le sénateur Éric Kerrouche, qui a travaillé sur les évolutions du vote, notamment le vote à distance. Pour le groupe LR, ce sera Stéphane Le Rudulier, sénateur des Bouches-du-Rhône.
François-Noël Buffet, le président LR de la commission des lois, avait, le même jour, dénoncé « un véritable fiasco ». La commission d’enquête se penchera sur « les rouages de l’Etat », « le rôle des préfets ». Car s’il y a un prestataire mis en cause, « le gouvernement est à la manœuvre » pour l’organisation des élections », avait-il souligné.
« Jusqu’à 13 % de non-distribution dans certains départements plus urbanisés »
Le prestataire en question, l’entreprise privée Adrexo, spécialisée dans la distribution d’imprimés publicitaires, assure avoir remis 44 millions de plis pour le premier tour, mais a fait état d’une attaque informatique pour expliquer ses difficultés. « La Poste n’est pas non plus exempte de toute critique, société pourtant plus habituée à cette distribution. 9 % de plis n’ont pas été distribués par la Poste : cela peut correspondre aux personnes décédées ou qui ont déménagé, mais ce n’est pas un pourcentage habituel. […] C’est le même montant pour la société Adrexo. », a expliqué le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin auditionné devant la commission des lois, avant de préciser que certains départements couverts par Adrexo étaient bien au-dessus de cette moyenne des plis non distribués, « jusqu’à 13 % de non-distribution dans certains départements plus urbanisés ».
En conséquence, le ministre s’est dit favorable à ce qu’il n’y ait « pas de concurrence » dans la distribution des documents électoraux. Depuis une loi de 2005 transposant deux directives postales européennes, la distribution des documents électoraux est soumise à la concurrence.
« Si demain le Parlement souhaitait que nous reprenions en régie un certain nombre de choses, notamment pour assurer le service public des élections, personnellement je n’y verrais pas d’inconvénient », a-t-il avancé sans convaincre les élus qui l’ont d’ailleurs visé lors des questions d’actualité au gouvernement du Sénat.
« La responsabilité du ministre de l’Intérieur est pleinement engagée »
« Est-ce qu’on a tiré les enseignements du premier tour ? Et comment les corriger ? On n’a pas de réponse précise. Je pense qu’ils s’attendent à de très grandes difficultés pour le second tour », s’est inquiété le président du groupe PS Patrick Kanner, à la sortie de l’audition. « Le ministre de l’Intérieur a répondu à côté des questions qui lui étaient posées » […] « La responsabilité du ministre de l’Intérieur est pleinement engagée et nous attendons autre chose que de le voir imputer la responsabilité à d’autres que lui-même », a estimé après coup le sénateur LR Philippe Bas.
Quelques heures après cette audition, La Poste a annoncé qu’elle reprendrait la distribution de 5 millions de plis de propagande électorale confiés à l’origine à la société Adrexo pour le second tour des régionales.
Mais Gérald Darmanin a prévenu lors de son audition. « Il est évident que l’on ne passera pas à 100 % en 3 jours. Mais nous visons une amélioration générale. »