Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Discours de politique générale : les sénateurs LR vont «s’abstenir» annonce Bruno Retailleau
Par Public Sénat
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Le « piège » est bien tendu mais les sénateurs LR ne veulent pas y tomber. Le piège, c’est le recours à l’article 49.4 de la Constitution, qui permet au gouvernement de demander aux sénateurs de voter après le discours de politique générale, que tient ce jeudi au Sénat le premier ministre Edouard Philippe. Les sénateurs LR, dont certains sont tentés par l’abstention et d’autres par le vote contre, y voient clairement une manière de les diviser. Et de mettre un coin entre eux et les sénateurs centristes, encore plus enclins à l’abstention (voir notre article).
Réunis mercredi soir en réunion de groupe exceptionnelle, après le discours d’Edouard Philippe à l’Assemblée, les sénateurs LR pensent avoir trouvé la parade : s’abstenir. Une position prise après un vote à main levée, en présence du président du Sénat, Gérard Larcher.
Eviter de diviser le groupe LR et maintenir l’unité de la majorité sénatoriale
Une décision qu’annonce à publicsenat.fr Bruno Retailleau, président du groupe LR : « Peut-être que le gouvernement avait pour objectif de nous tendre un piège pour nous diviser. Et on n’est pas obligé de tomber dans un piège. Le groupe sera très majoritairement sur une même position qui sera l’abstention ». Une position soutenue par Gérard Larcher.
Cette stratégie permet d’éviter au groupe de se diviser et de maintenir l’unité de la majorité sénatoriale, formée avec les centristes. Mais elle ne fait pas totalement l’unanimité. Quelques sénateurs LR souhaitent un vote contre, ce qui pourrait laisser des traces au sein du groupe. Mais la sagesse sénatoriale a prévalu. Il faut avant tout sauver le groupe, tiraillé depuis la défaite des européennes. C’est aussi les prochaines sénatoriales qui se jouent, au moment où certains centristes sont attirés par les sirènes d’Emmanuel Macron.
Une stratégie défendue ouvertement par le sénateur LR Alain Joyandet, qui fait au passage un joli lapsus… « En même temps, si je puis dire, c’est aussi l’occasion de préserver la majorité présidentielle de la droite et du centre… Excusez-moi, la majorité sénatoriale. C’est un lapsus qui n’est pas révélateur. Je sais où j’habite » lance avec le sourire le sénateur de la Haute-Saône. Regardez :
« Ce ne sera pas systématiquement non, ni systématiquement oui »
De son côté, Bruno Retailleau prévient que cette abstention « n’est absolument pas un chèque en blanc, puisque l’objectif du Sénat, le rôle du Sénat, n’est pas de renverser le gouvernement. D’ailleurs, nous n’en avons pas constitutionnellement le pouvoir. Le rôle du Sénat est d’améliorer les textes quand nous le pouvons » (voir les images de Marvin Guglielminetti).
« Concrètement, ça signifie que ce ne sera pas systématiquement non, ni systématiquement oui. Nous voulons avoir notre totale liberté pour dire que lorsque les choses vont bien, ça va dans le bon sens et on encourage. Et quand ça ne va pas dans le bon sens pour la France, on dit non. On triera texte par texte » explique le sénateur de Vendée, qui souligne qu’« il y a des bonnes choses qui ont été annoncées. Je ne vois pas en quoi le Sénat devrait se mettre dans une posture de critique systématique. On doit faire avancer le pays », comme sur « les retraites ».
Reste que ce vote pourra manquer de lisibilité pour le grand public. Surtout qu’à l’Assemblée, les quatre cinquièmes des députés LR (81) ont voté contre la confiance, et seuls 22 se sont abstenus. Où se situe la droite sénatoriale ? Toujours dans l’opposition à Emmanuel Macron ? Pour Bruno Retailleau, oui, mais avec des nuances :
« La majorité sénatoriale est dans l’opposition. (…) Notre rôle n’est pas binaire, (…) nous sommes dans l’opposition mais nous voulons être dans une opposition intelligente ».
Avec cette position, la majorité sénatoriale retrouve finalement sa position d’opposition constructive, telle que Gérard Larcher l’avait définie en 2017. Elle a été mise en pratique sur plusieurs textes.
Sur la réforme de la Constitution, « c’est oui ou c’est non »
La volonté décentralisatrice et la question du statut de l’élu, sujets qu’Edouard Philippe va développer demain devant le Sénat, ne sont sûrement pas étrangers à cette position d’abstention. En revanche, sur la réforme constitutionnelle, le dialogue reste compliqué. Le premier ministre affirme qu’un accord est « proche » avec le Sénat, tout en soulignant un point de blocage qui reste sur la baisse du nombre de parlementaires. Que lui répond Bruno Retailleau ? « Je n’ai rien compris à ce qu’il a dit. On ne peut pas nous laisser croire qu’à cause d’une différence de 20 sénateurs (ndlr : le même argument développé par Gérard Larcher, voir notre article), il puisse y avoir un désaccord. C’est faux. Ou bien le gouvernement assume ce désaccord et ne veut pas faire cette révision. Ou alors il nous tend la main. On a une seule exigence : que l’Outre-Mer ou les territoires de la France périphérique puissent continuer à être défendus par des parlementaires. (…) Il faut désormais que le gouvernement nous réponde. C’est oui ou c’est non ». Ou l’abstention ?
Les centristes partagés entre vote « pour » et « abstention »
Du côté des 51 sénateurs du groupe Union centriste, l’abstention sera un minimum. Plusieurs comptent voter « pour » dans ce groupe où la liberté de vote est la règle. « A l’heure où je vous parle, une bonne partie de nos sénateurs voteront favorablement les propositions du gouvernement. Et la plupart des autres s’abstiendront » annonce à Public Sénat Hervé Marseille, président du groupe centriste. Regardez (images d’Alizée Boissin) :
« Nous avons trouvé beaucoup de choses qui vont dans un sens que nous souhaitons. (…) Nous sommes favorables pour accompagner beaucoup de ces mesures » souligne le sénateur UDI des Hauts-de-Seine, après s’être réuni avec les membres de son groupe pour faire le point. Hervé Marseille souligne cependant qu’il reste « beaucoup d’interrogations », notamment sur « la réforme des institutions » et les collectivités. Mais il attend le discours demain devant le Sénat, où le vote qui devrait rassembler le plus de voix sera… l’abstention.