« Ce n’est pas la panacée mais une avancée. » Voici comment accueille la sénatrice LR Catherine Procaccia la proposition de loi adoptée ce 5 octobre, en commission des affaires sociales du Sénat. Le texte, déposé en janvier dernier par Bruno Retailleau et tous ses collègues du groupe LR, vise à la « consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale », avec l’objectif assumé de « lutter contre les déserts médicaux ».
Le phénomène fait l’objet d’une préoccupation constante à la Haute assemblée, où nous recensons au moins 5 rapports directement centrés sur la question sur les 10 dernières années. Dans le même intervalle, la France a perdu 5 000 médecins généralistes. Leur nombre, rapporté à la population, a même diminué deux fois plus vite en deux décennies (-18 %) que pour les autres spécialités médicales. Il faudra plusieurs années pour passer ce « creux » et voir se manifester les effets de la suppression du numerus clausus pour les études de médecine. La France ne devrait pas retrouver avant 2030 le nombre de généralistes qu’elle comptait en 2020, selon le rapport de Corinne Imbert (LR), réalisé pour l’examen de la proposition de loi.
L’installation des médecins généralistes « retardée »
La proposition de loi vise d’abord à fixer à « au moins quatre années » la durée du troisième cycle des études de médecine, ce qu’on appelle couramment l’internat. Contrairement aux autres spécialités de médecine, le troisième cycle pour la médecine générale n’est fixé qu’à trois ans. La rapporteure Corinne Imbert a également constaté, en auditionnant des enseignants, que les retards de soutenance de thèses étaient « fréquents » en médecine générale, ce qui a pour conséquence de retarder « fréquemment » leur installation.
Les auditions de praticiens et d’enseignants menées par la rapporteure ont également mis en lumière une insuffisance dans le nombre de stages professionnalisants dans les cabinets médicaux. « Seuls deux des six stages que comprend le troisième cycle actuel sont obligatoirement réalisés en exercice ambulatoire », note le rapport sénatorial.
En allongeant d’un an la fin du cycle pour les aspirants médecins généralistes, la proposition de loi sénatoriale espère donc améliorer à la fois la formation, mais aussi la couverture des territoires les moins bien dotés actuellement en médecins. Le texte prévoit que la quatrième année soit une année de stage en « autonomie supervisée », réalisée « intégralement » en exercice ambulatoire, c’est-à-dire en dehors d’un hôpital. Ces stages devront être réalisés « en priorité » dans les zones en déficit de médecins, selon les critères des Agences régionales de santé.
Une proposition du gouvernement similaire, neuf mois plus tard
Lors de l’examen en commission, les sénateurs ont amendé la proposition de loi initiale pour préciser les conditions d’application. La quatrième année ne concernera pas les étudiants qui ont débuté leur troisième cycle à la date de publication de la loi. La commission des affaires sociales a rappelé que la réussite de leur réforme allait notamment reposer sur un nombre suffisant de maîtres de stages universitaires dans chaque territoire.
Débattue le 18 octobre en séance publique, cette proposition de loi a déjà fait des émules. Le gouvernement compte également ajouter une quatrième année pour l’internat de médecine générale, afin de favoriser les installations immédiates en fin de cursus. Et « encourager » sa réalisation dans les déserts médicaux. Annoncée le 26 septembre, cette proposition sera intégrée dans la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, examiné au Parlement cet automne. Les conditions de mise en place de la réforme, si elle était adoptée, se distingueraient du Sénat : le gouvernement souhaite une entrée en vigueur dès la rentrée universitaire 2023. L’annonce surprise de l’exécutif a en tout cas surpris, voire heurté, dans les rangs du Sénat.