Finis les appels à votre domicile vous proposant d’isoler vos combles pour seulement 1 euro ? C’est en tout cas le sens de la disposition phare adoptée par le Sénat, à la surprise générale. Débattant d’une proposition de loi issue du groupe centriste de l’Assemblée nationale pour limiter le démarchage téléphonique, les sénateurs ont en effet voté, comme l’Assemblée nationale, en faveur de cette interdiction dans le secteur de la rénovation énergétique. Et cela malgré l’avis négatif de la commission des Lois du Sénat. Le gouvernement lui, y était favorable.
Un vote à rebondissement
Mais ce vote n’a failli pas avoir lieu. D’abord car certains sénateurs craignaient « un risque d’inconstitutionnalité important au regard des principes d’égalité devant la loi et de la liberté d’entreprendre » comme l’a défendu le rapporteur du texte, le sénateur LR du Bas-Rhin André Reichardt. Le gouvernement de son côté rappelle, par la voix d’Agnès Pannier-Runacher, qu’ « un tiers des litiges sur la rénovation énergétique sont liés au démarchage téléphonique », une pratique très répandue dans ce secteur, avec parfois des entreprises peu recommandables.
Mais ce qui a failli empêcher ce vote, c’est surtout un cafouillage lors de cette séance qui était très limitée en temps. Alors que plusieurs amendements très proches réintroduisant ce démarchage dans la proposition de loi étaient déposés, la présidente de séance, la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret, a trouvé naturel de les rassembler. Ce qui semblait convenir à tout le monde. Le vote est sans appel, l’amendement est rejeté.
Mais s’apercevant d’un problème, le sénateur Ronan Dantec alerte les sénateurs centristes que leur amendement est ainsi aussi rejeté. Confusion, alors même que la ministre démarre une nouvelle prise de parole, la présidente de séance reprend la main. Et organise un nouveau vote qui, lui, valide cette interdiction de démarchage dans le secteur de la rénovation énergétique.
Démarchage téléphonique : le Sénat limite « une pratique qui confine au harcèlement »
Une alliance allant des communistes aux centristes a en effet permis cette adoption, approuvée par le gouvernement.
Vers une saisine du Conseil constitutionnel ?
Mais André Reichardt, qui souligne que cette mesure est surtout portée par le gouvernement, s’attend à ce que les acteurs du secteur saisissent sur ce point le Conseil constitutionnel, arguant qu’il est juridiquement difficile d’interdire cette pratique à un seul secteur.
Un préfixe unique pour les démarchages
Jean-Pierre Sueur : 'il s'agit d'instaurer un préfixe unique pour signifier qu'il s'agit d'un démarchage"
Autre point marquant de cette séance, le vote de l’obligation, pour les centres d’appels qui effectuent du démarchage, de se signaler avec un préfixe unique. Proposée par Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret, cette mesure a donc été adoptée.
Contre l’avis du gouvernement et de la commission des Lois, et à la surprise générale. Mais c’est désormais une autre menace qui plane sur cette disposition : la commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs qui se réunira sur ce texte pour trouver un accord, a, selon plusieurs acteurs du dossier, très peu de chances de conserver ce point. Pour André Reichardt, rapporteur au Sénat, « la mesure ne tient pas la route. Les fraudeurs continueront de frauder en ne respectant pas ce préfixe et seuls les acteurs vertueux seront pénalisés ».
Satisfecit des associations de consommateurs
Les associations de consommateurs se sont en tout cas réjouies de ce texte voté au Sénat. Dans un billet publié sur son site, le président d’UFC Que Choisir Alain Baziot, qui avait des craintes avant le débat en séance, avoue « être satisfait du vote des sénateurs ». Même satisfecit du rapporteur du texte au Sénat André Reichardt qui rappelle que « 60 000 emplois directs sont concernés en France par cette pratique du démarchage téléphonique ». Et pour lui ce texte qui équilibre la protection des consommateurs et la liberté d’entreprendre « est une très belle avancée ».