Dans la Somme, les maires face aux vents contraires des éoliennes

Dans la Somme, les maires face aux vents contraires des éoliennes

Ils n’ont aucun pouvoir en matière d’implantations d’éoliennes mais sont au cœur du sujet. Les maires sont pourtant confrontés au développement de l’éolien, en particulier dans la Somme, qui accueille plus de 10 % des éoliennes du pays. Dans le reportage « Eoliennes, vents contraires pour les maires », Jérôme Rabier part à la rencontre des élus qui s’opposent à ces implantations comme de ceux qui ont accompagné le déploiement de l’éolien.
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Par Jérôme Rabier

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France Chlon David a tout quitté en 2020. Son mandat de maire de Bayonvillers, et même la commune puisqu’elle est allée s’installer à l’autre bout du département, en baie de Somme. Élue maire en 2014 de ce petit village de 350 habitants, elle a rapidement été confrontée à un épineux dossier qui lui a gâché une bonne partie du mandat. « Quand je suis arrivée, j’avais un dossier sur mon bureau, c’était un projet éolien » raconte-t-elle. Le promoteur éolien qui souhaite implanter des éoliennes sur quatre communes dont la sienne lui explique alors que le dossier est déjà bien avancé. Mais pour elle, tout de suite, il y a une évidence. Elle doit demander l’avis de la population.

Pression du promoteur éolien

Une consultation est alors organisée et le non aux éoliennes l’emporte largement. Le tout sous l’œil d’un huissier dépêché par le promoteur éolien pour s’assurer que le scrutin se déroule dans les règles. Mais loin de calmer les porteurs du projet, cela envenime les relations. « Ils m’ont dit que cela ne changeait rien, que ce n’était pas aux habitants de décider » se remémore France Chlon David. Courriers menaçants, pressions, le promoteur persiste. Mais la jeune élue ne baisse pas les bras.

Elle mobilise jusqu’en Australie car les huit éoliennes seraient visibles depuis un lieu de mémoire important de la Première Guerre mondiale, le mémorial australien de Villers-Bretonneux, situé à six kilomètres.

Comme pour chaque projet, une enquête publique est menée, et l’avis du commissaire-enquêteur est sans appel. Il est défavorable au projet. Mais la seule autorité compétente en matière d’éolien, c’est la préfecture de la Somme, qui peut délivrer ou refuser les projets. Dans le cas de Bayonvillers, le représentant de l’Etat émet lui aussi un avis défavorable. Une décision assez rare pour être soulignée. Le projet semble alors être enterré, mais en 2021, c’est la stupeur. La cour d’appel de Douai désavoue la préfecture et valide le projet qui pourra donc voir le jour.

Un droit de veto des maires ?

Des histoires comme celle de Bayonvillers, il y en a de plus en plus dans la Somme, le département le plus éolien de France avec près de 1 000 éoliennes déjà construites. « Le symbole de tout ce qu’il ne faut pas faire » déplore Laurent Somon, sénateur LR de la Somme et ancien président du conseil départemental. Pour lui comme pour la majorité de droite et du centre au Sénat, les maires ne peuvent rester de simples spectateurs dans l’implantation des éoliennes. Il a donc voté, comme une majorité de sénateurs, un amendement permettant aux maires d’opposer un droit de veto dans ce domaine. C’était en juin dernier, lors de l’examen du projet de loi Climat au Sénat.

Mais ni la majorité à l’Assemblée Nationale, ni le gouvernement ne soutiennent cette proposition qui « n’incite pas à la concertation pour trouver des solutions ensemble » selon les mots de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. L’amendement sénatorial ne sera finalement pas retenu dans la version finale adoptée en juillet.

Une meilleure concertation

« Trouver des solutions ensemble », c’est ce que défendent d’autres élus de la Somme. Jean-Marie Blondelle est maire de Guyencourt-Saulcourt, et vice-président de la communauté de communes de la Haute Somme. Au milieu des années 2000, plusieurs promoteurs éoliens le démarchent. En concertation avec les autres élus du territoire, il lance un appel à projets pour choisir un seul candidat. « On a voulu que le promoteur éolien devienne un acteur économique du territoire, qu’il fasse appel à des entreprises locales, qu’il fasse vivre nos associations aussi » détaille Jean-Marie Blondelle. Il a aussi travaillé à une meilleure répartition des retombées financières. Même les communes qui n’ont pas d’éoliennes sur leur territoire mais qui sont à proximité touchent une partie de la fiscalité. De quoi dissiper les tensions.

« Quand il y a un projet conçu avec les élus, pour le territoire et les habitants, généralement cela se passe bien » appuie Rémi Cardon, sénateur socialiste du département. « Mais il manque une vision régionale et départementale » ajoute-t-il. « Aujourd’hui chacun peut faire un peu comme il le souhaite et cela peut aboutir au phénomène de saturation » insiste Rémi Cardon, qui mène depuis plusieurs mois un travail sur l’encadrement du développement éolien pour le groupe socialiste du Sénat.

Une répartition géographique nationale

Quelle que soit leur couleur politique, la majorité des élus considèrent désormais que la Somme ne pourra plus connaître un déploiement éolien de la même ampleur dans les prochaines années. « Il faut désormais que d’autres départements prennent le relais » plaident en chœur les sénateurs de la Somme. Une nécessité puisque selon tous les scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudra massivement augmenter la production éolienne dans les prochaines années. L’exemple de la Somme pourra servir de retour d’expérience sur ce sujet, tant par les blocages rencontrés que par les solutions trouvées.

>> « Sénat en Action / Éoliennes : vents contraires pour les maires » est diffusé samedi 18 décembre à 19H

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