Crimes sexuels sur mineurs : le Sénat adopte le texte à l’unanimité

Crimes sexuels sur mineurs : le Sénat adopte le texte à l’unanimité

La proposition de loi d’Annick Billon (UC) qui fixe un seuil d’âge de non-consentement à 13 ans, a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, ce jeudi. Le Sénat presse le gouvernement d’inscrire au plus vite cette proposition de loi à l’Assemblée nationale. Le garde des Sceaux a lui mis en garde contre toute précipitation. Récit des débats. 
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui et Simon Barbarit

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Avec 345 voix pour le Sénat a, sans surprise, adopté la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels de la présidente à la Délégation aux droits des femmes, Annick Billon. Un texte transpartisan qui deux ans après l’adoption de la loi Schiappa fixe un seuil de non-consentement en dessous duquel un mineur ne peut consentir à un rapport sexuel avec un adulte.

« La notion de consentement n’a pas sa place dans le débat lorsque la victime est particulièrement jeune », a martelé Annick Billon.

Dans son article 1er, la PPL prévoit que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ». Ainsi, « le comportement de l’enfant ne sera plus interrogé, on ne questionnera plus le consentement d’un mineur de moins de 13 ans », avance la sénatrice centriste Annick Billon.

En séance publique, un amendement de la sénatrice écologiste Esther Benbassa a étendu la notion de pénétration sexuelle au rapport bucco-génital commis par une personne majeure sur un mineur. En décembre dernier, les magistrats de la Cour de Cassation avaient écarté la qualification de viol dans une affaire d’inceste par cunnilingus au motif que la pénétration vaginale par la langue de l’auteur n’aurait pas été « d’une profondeur significative ».

Les sénateurs défendent un texte solide au regard du droit

Percuté par l’actualité et les nombreux témoignages de victimes d’inceste qui ont afflué sur les réseaux sociaux, ce texte est examiné dans un climat particulier. Sur les bancs du Sénat, la proposition de loi a reçu l’adhésion de l’ensemble des élus. Membre de la commission des lois et auteure d’un rapport sur la PPL, Marie Mercier a défendu un texte censé contourner les écueils de d’inconstitutionnalité.

Au moment de l’examen de loi dite Schiappa en 2018, l’âge de non-consentement, alors fixé à 15 ans, avait été écarté après avis du Conseil d’Etat. La juridiction soulevait de « sérieuses objections », notamment au regard des droits de la défense. Cette proposition de loi prend en compte les observations de la plus haute juridiction administrative, en créant un crime autonome de celle du viol dont l’âge de la victime est l’un des éléments constitutifs.

Le garde des Sceaux émet des doutes sur la constitutionnalité du texte

La proposition de loi résulte de deux ans de travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat et de ceux de la commission des Lois. Si le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a reconnu « le consensus sur l’idée générale », « il y a un certain nombre de points qui méritent d’être travaillés ». Durant les débats, le ministre n’a cessé d’émettre des réserves sur les dispositions du texte, tel que le seuil d’âge choisi 13 ou 15 ans, la qualification de ce nouveau crime (viol ou non ?), la prescription. « Votre proposition de loi pourrait être perçue comme un affaiblissement de la protection des mineurs de 13 à 15 ans », a notamment pointé Éric Dupond-Moretti en affirmant qu’il reste « un certain nombre de divergences et de choses qui ne sont pas encore tranchées ».

Ces réserves font craindre à la Haute assemblée une mise aux oubliettes de la proposition de loi de voir le sujet renvoyé à des « commissions Théodule », des consultations qui leur apparaissent obsolètes devant l’étendue des travaux sur le sujet. « C’est inconstitutionnel is the new je ne suis pas d’accord », a même raillé Laurence Rossignol.

« Nous comptons sur le gouvernement pour inscrire ce texte rapidement à l’Assemblée nationale. Nous ne comprendrions pas que pour des raisons politiciennes, vous ne favoriseriez un autre texte qui ne commencerait son examen que dans quelques semaines. Pouvez-vous prendre ces engagements devant le Sénat ? » a demandé, sans obtenir de réponse, la sénatrice centriste Dominique Vérien.

En effet, une proposition de loi portée par la députée LREM Alexandra Louis propose également de sanctionner tout acte sexuel impliquant un mineur de moins de 15 ans et un majeur.

« Ce que nous voulons pour les moins de 13 ans, nous devons le vouloir pour les moins de 15 ans » plaide Laurence Rossignol

Parmi les amendements attendus, Laurence Rossignol a proposé, sans succès, de relever le seuil d’âge de 13 à 15 ans. « Je crains qu’en fixant un seuil d’âge à 13 ans, on fragilise les 13-15 ans pour lesquels on admettrait en fin de compte, un éventuel consentement, qu’il n’y aurait pas viol systématiquement. Ce que nous voulons pour les moins de 13 ans, nous devons le vouloir pour les moins de 15 ans » a-t-elle argué. Mais pour Annick Billon et la rapporteure LR Marie Mercier, le seuil d’âge de 13 ans est cohérent avec l’âge de la responsabilité pénale fixée à 13 ans également. Mais surtout, selon elles, c’est un seuil qui réduit le risque d’une censure par le Conseil Constitutionnel.

Inceste : rejet de l’amendement de Marie-Pierre de la Gontrie

De même, la gauche du Sénat n’est pas parvenue à faire adopter un amendement porté par la sénatrice de Paris, Marie-Pierre de la Gontrie visant à renforcer la sanction encourue pour les violences sexuelles incestueuses. Il punit de 20 ans de réclusion criminelle une relation sexuelle incestueuse entre un majeur et un mineur de moins de 18 ans et ceci sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’elle a eu lieu avec violence, contrainte, menace ou surprise. « Aujourd’hui, l’inceste n’est qu’une circonstance aggravante d’une agression sexuelle ou d’un viol donc on retombe comme toujours dans la question du consentement […] Ce que nous proposons par ce texte, c’est que moins de 18 ans = inceste, crime » a plaidé la sénatrice qui a demandé le scrutin public.

« Avec ce dispositif, si on a un mineur de 17 ans et demi qui a un rapport consenti avec le concubin de sa sœur qui n’a que quelques années de plus […] cette relation l’enverrait directement aux assises alors qu’ils n’ont aucun lien de sang et a priori aucun rapport d’autorité […] ça peut se régler gentiment sans aller aux assises. Un tel dispositif me paraît être une sérieuse atteinte aux droits de la défense », a objecté Marie Mercier.

« C’est une époustouflante démonstration », a reconnu Éric Dupond-Moretti qui a demandé une demande de retrait prenant bien soin de ne pas braquer l’élue avec qui les relations sont plutôt fraîches.

Néanmoins, le Sénat a renforcé la sanction encourue pour les atteintes sexuelles incestueuses sur mineur, de 10 ans d’emprisonnement contre 7 ans actuellement.

Pas d’allongement des délais de prescription

La question de l’imprescriptibilité des viols sur mineurs est une demande de longue date des associations. La loi Schiappa avait allongé les délais de 20 à 30 ans à compter de la majorité de la victime. Annick Billon avait souhaité « ouvrir le débat » en déposant un amendement qui l’allonge à 40 ans. Valérie Boyer (LR) et Michelle Meunier (PS) ont déposé des amendements pour l‘imprescriptibilité. Ils n’ont pas été retenus. « Si nous envisageons l’imprescriptibilité pour le crime qui nous réunit aujourd’hui, il faudra l’envisager pour d’autres crimes, pourquoi pour les meurtres ? Pour les assassinats ? Il y a aussi la question du dépérissement de la preuve » a fait valoir le ministre de la Justice.

Le Sénat a toutefois adopté un amendement de Laurence Rossignol qui vise à interrompre la prescription lorsque l’auteur d’un crime commis sur un mineur commet le même crime sur un autre mineur.

Afin de lutter contre « l’omerta », mise en lumière par l’affaire Duhamel, les sénateurs ont en revanche adopté un amendement de la rapporteure Marie Mercier (LR) qui allonge le délai de prescription du délit de non-dénonciation de crime commis sur un mineur. De six ans aujourd’hui, il serait porté à dix ans, à compter de la majorité de la victime, en cas de délit et à 20 ans en cas de crime.

Si le texte a reçu l’unanimité des votes, la gauche du Sénat a regretté « la politique de petits pas » « la prudence exagérée » du législateur et du gouvernement au sujet des violences sexuels. « On se rend compte que ce qu’on a discuté deux ans avant était finalement adapté » a déploré Laurence Rossignol. Une référence à la question du seuil de non-consentement, au cœur des débats de la loi Schiappa en 2018 sans pour autant avoir été retenu.

 

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