« Il faut bien comprendre que les mesures annoncées par le gouvernement peuvent surprendre dans la population. Certains s’attendaient à ce que le 11 mai soit un peu plus libératoire. Mais je crois que c’est raisonnable d’envisager ce déconfinement de manière extrêmement progressive pour éviter le rebond ». Face aux sénateurs de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, Jean Rottner, président de la région Grand Est, n’a pas caché son inquiétude alors que la date de la fin du confinement se rapproche. Et pour cause, à Mulhouse, l’un des épicentres français de l’épidémie, le taux de mortalité a augmenté de 122% au mois de mars 2020 par rapport à l’année dernière, à la même époque a-t-il indiqué. « Un véritable tsunami s’est abattu sur l’Alsace » complète Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin.
« Nécessité de développer les tests sur des publics ciblés »
Après avoir fait « face à ce rouleau compresseur viral », Jean Rottner estime qu’il faut désormais « prendre toutes les précautions nécessaires » dans le déconfinement. En premier lieu, le président de la région Grand Est milite pour une généralisation des tests : « Dans les EHPAD, dans les structures confinées, dans les services de psychiatrie, dans les prisons ». « Il y a vraiment nécessité de développer ses tests sur des publics ciblés, pas que sur des publics symptomatiques ».
« Si une deuxième vague arrive, nos personnels soignants n’y résisteront pas »
« Le déconfinement c’est aussi la préparation d’une potentielle deuxième vague » ajoute-il évoquant des problèmes « qui ne sont pas encore résolus » comme la disponibilité des masques, des médicaments, des blouses, des sur-chaussures. « Si une deuxième vague arrive, nos personnels soignants n’y résisteront pas. Notre économie non plus. Un nouveau confinement serait extrêmement difficile à imposer » prévient-il. C’est d’ailleurs le sens de la tribune qu’il a co-signée avec Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou, dans le Figaro.
« Les circuits d’information ont mis beaucoup de temps à se mettre en place »
Covid-19: Brigitte Klinkert, présidente du conseil départemental du Haut-Rhin: "les remontées d'informations ont mis beaucoup de temps à se mettre en place"
Parmi les enseignements de cette crise, les ARS (Agences régionales de Santé) ont été particulièrement visées par les élus locaux, ce matin. Nous avons perdu énormément de temps lors des premiers jours de la crise car nous avions affaire à des autorités sanitaires qui sont plus des gestionnaires que des fonctionnaires opérationnels en capacité de gérer une crise d’une telle ampleur » a expliqué Brigitte Klinkert. La présidente du conseil départemental du Haut-Rhin a rappelé que lors des premières réunions de la cellule de crise rassemblant l’ARS et le préfet, « nous n’avions pas de bilan humain, aucune visibilité sur l’importance de la crise dans le département. Les circuits d’information ont mis beaucoup de temps à se mettre en place » a-t-elle déploré avant de préciser : « nous n’avions aucune information sur la livraison de masques (…) Le directeur général de l’ARS s’était engagé à me rappeler sur ces questions (…) J’attends toujours son appel ».
« Il doit y avoir une vraie réflexion en matière de santé et d’organisation des crises qui doit reposer sur un seul patron. Je plaide pour que ce soit le préfet de région qui a les moyens militaires, logistiques et qui est capacité de décider » souligne Jean Rottner.
Ouverture des écoles : la responsabilité des maires en question
Covid-19: Stéphane Beaudet s'interroge sur la responsabilité des maires si le virus se diffuse dans les écoles
Alors que le gouvernement compte travailler main dans la main avec les élus locaux dans l’organisation du déconfinement, Stéphane Beaudet, maire d’Évry-Courcouronnes, président de l’Association des maires d’Ile-de-France (AMIF) considère que le discours du Premier ministre devant les députés « apporte plus de questions que de réponses ». « Si nous avons quelques réponses sur l’ouverture des écoles à compter du 11 et du 12 mai, il reste des questions sur la dichotomie qui existe entre le nombre d’enseignants disponibles et le nombre d’enfants qui pourraient venir. Quel maire prendra sur lui d’interdire ou non l’accès à l’école ? » rappelle-t-il. Mais surtout, c’est toute la question de la responsabilité pénale et civile des maires qui est ici en suspens. « Si par exemple la maladie se diffuse dans l’école » a-t-il pris comme exemple.
Cette question de la responsabilité des maires, qui peut être étendue aux chefs d’entreprise vis-à-vis de leurs salariés, a d’ailleurs été posée à Nicole Belloubet, mercredi, par le président de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-Marie Bockel. « Face aux inquiétudes persistantes, envisagez-vous un éventuel aménagement des règles de responsabilité, hors les cas de faute grave, dans un contexte d’état d’urgence sanitaire prolongé ? » lui a demandé le sénateur du groupe centriste lors des questions d’actualité. La garde des Sceaux s’est dite prête « à réfléchir » à des clarifications textuelles » si cela devait être nécessaire.