Contrôle de l’état d’urgence : le Sénat appelle à la vigilance

Contrôle de l’état d’urgence : le Sénat appelle à la vigilance

Les commissions permanentes du Sénat ont mis en place des groupes de suivi thématiques des ordonnances prises depuis le vote de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, depuis le 25 mars, la commission des lois a commencé à contrôler les mesures prises en matière de sécurité, de justice ou encore à destination des collectivités locales. Ces ordonnances prises par l’exécutif sont « globalement » conformes aux lois d’habilitation, mais les sénateurs appellent à la vigilance sur plusieurs points. Revue de détails. 
Quentin Calmet

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

De mémoire d’administrateur du Sénat, c’est une première dans l’histoire du Parlement. C’est en effet par visioconférence que les sénateurs de la commission des lois ont adopté un rapport, jeudi soir. « Nous avons expérimenté de nouvelles méthodes de travail pour continuer à assumer notre fonction dans cette période de confinement » rapporte le président (LR) de la commission, Philippe Bas, joint vendredi par téléphone. 

Depuis le vote de l’état d’urgence sanitaire, la commission des lois a installé un comité de suivi de l’action de l’État. Onze sénateurs se sont ainsi répartis les sujets à surveiller. Dans un communiqué publié jeudi soir, « la mission constate que les textes pris par le Gouvernement respectent globalement le cadre juridique fixé par la loi d’urgence du 23 mars 2020. Elle relève toutefois plusieurs points d’attention concernant la proportionnalité et l’efficacité de ces mesures. » 

Philippe Bas complète : « C’est notre devoir au Sénat de faire un inventaire précis des dispositions qui sont prises. Globalement, elles sont conformes aux textes d’habilitation. Mais sur un certain nombre de points, nous considérons que les dispositions prises pourraient aller trop loin… »

 

Fonctionnement des juridictions 

Premier point évoqué par la commission des lois du Sénat : les conditions dans lesquelles la Justice est rendue depuis le début du confinement. « On a souligné que certains moyens donnés aux tribunaux ne devaient être utilisés qu’en dernier recours », précise Philippe Bas. 

Audiences tenues par visioconférence ou par téléphone, sessions renvoyées, la commission alerte sur la nécessité de respecter les « garanties fondamentales offertes aux justiciables ». Le vice-président PS, Jean-Pierre Sueur, ajoute « il y a des sujets par rapport à la justice qui nous préoccupent », avant de citer le cas de décisions de justice qui auraient été rendues sans audiences. 

Tensions dans les prisons

Les sénateurs soulignent également les tensions dans les prisons, où « certaines mesures décidées pour mettre en œuvre le confinement, comme la suspension des parloirs, ont entraîné des tensions, que l’administration pénitentiaire a jusqu’ici réussi à maîtriser mais qui impliquent le maintien d’une grande vigilance ». «Nos prisons sont sous tension, il faut apporter un traitement humain à ces problèmes » renchérit le président de la commission des lois.

Continuité de la vie municipale

Autre point important soulevé par les sénateurs : « Dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour, l’élection du maire et des adjoints doit être la plus rapide possible pour respecter le vote des électeurs et permettre aux nouvelles équipes municipales de commencer à travailler », note ainsi le communiqué de la commission. 
Les sénateurs ont ainsi critiqué directement certaines ordonnances liées au fonctionnement des collectivités locales. Quorum, délégations de vote, certains assouplissements « apparaissent excessifs à la mission » sanctionne la commission. Un constat partagé par Jean-Pierre Sueur, au sujet des quorums et des délégations, « il y a une ordonnance qu’il faut modifier ». 

Appel à la prudence sur le « tracking »

Enfin le sujet du traçage, également appelé « tracking », a été évoqué par la commission. Cette possibilité offerte par les outils numériques laisse les sénateurs circonspects : « Le tracking pose d’énormes questions de libertés publiques. (...) Ce dispositif-là est impossible dans notre droit. Nous avons une extrême vigilance sur ce sujet-là… » explique Jean-Pierre Sueur. Un constat partagé par le président de la commission : « Notre droit n’a pas prévu ce genre de choses, si on devait s'engager dans cette voie, le législateur aurait à prononcer ». 

Mission de contrôle

Cette analyse sur les dix premiers jours de l’état d’urgence a été transmise au Premier ministre. Et la commission entend poursuivre cette mission de contrôle en auditionnant plusieurs ministres dans les prochains jours. À commencer par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, qui sera questionnée par visioconférence le jeudi 9 avril. L’audition de son collègue du gouvernement, Christophe Castaner, est déjà prévue pour la semaine suivante.

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Contrôle de l’état d’urgence : le Sénat appelle à la vigilance
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Contrôle de l’état d’urgence : le Sénat appelle à la vigilance
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le