La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Conseil constitutionnel : les précédents d’une censure totale
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À quelques heures de la publication de la décision du Conseil constitutionnel sur les recours déposés sur la réforme des retraites, rarement les projecteurs médiatiques auront été autant braqués sur l’institution. Et sur sa jurisprudence. Les téléphones des constitutionnalistes doivent en effet être en train de chauffer pour démêler les enjeux de la décision que le gouvernement dépeint comme la « fin du cheminement démocratique » de la réforme. En plus de sa décision sur le (premier) référendum d’initiative partagée (RIP), le Conseil va devoir statuer sur la conformité de la réforme des retraites à la Constitution avant sa promulgation (contrôle dit « a priori »), où il a été saisi par le gouvernement, les parlementaires de gauche et les députés du Rassemblement national.
Les griefs faits au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 sont principalement liés au véhicule législatif choisi par l’exécutif et à la tenue des débats parlementaires, puisqu’a priori, reporter l’âge légal de départ à la retraite n’a – sur le fond – rien d’inconstitutionnel. C’est donc sur la procédure que la réforme du gouvernement est attaquée, avec des motifs sérieux d’après les constitutionnalistes, certains évoquant même le spectre d’une censure totale. Les précédents d’une censure a priori pour des motifs procéduraux sont pourtant rares, même s’ils ne sont pas inexistants. Sur 17 décisions de non-conformité totale d’une loi, 8 ont été rendues pour des motifs procéduraux, explique sur Twitter le politiste Damien Lecomte, citant ce communiqué du Conseil constitutionnel.
Le précédent sur une loi de finances : le projet de loi de finances (PLF) de 1980
C’est l’exemple le plus connu, et le plus proche du dossier des retraites puisqu’il concerne aussi une loi de finances. Le 24 décembre 1979, le Conseil constitutionnel fait un beau cadeau de Noël au gouvernement de Raymond Barre en censurant totalement le projet de loi de finances (PLF) 1980.
Le motif : lors de l’examen à l’Assemblée nationale, les députés n’avaient pas voté sur la première partie du budget fixant les recettes avant de voter sur les dépenses, une obligation pourtant fixée par la loi organique relative aux lois de finances qui était en vigueur à l’époque. Rien de tel n’a été évoqué par les recours déposés sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023.
Le nom de l’un des auteurs de la saisine résonne particulièrement avec la situation actuelle, puisque le deuxième signataire de la saisine des parlementaires n’est autre que… Laurent Fabius, actuel président du Conseil constitutionnel et député socialiste d’opposition à l’époque.
La censure du projet de loi de règlement de 1983
Cité par le constitutionnaliste et maître de conférences à l’Université Paris Nanterre, Thibaud Mulier, la loi de règlement définitif du budget de 1983 a aussi été censurée totalement pour motif procédural. Une loi de règlement est une étape des lois de finances qui vient arrêter définitivement les équilibres budgétaires en fin d’année, une sorte de loi-bilan en somme.
Or, contrairement aux projets de loi de finances ou aux projets de loi de financement de la Sécurité sociale, elle ne bénéficie pas d’une procédure accélérée « de droit », c’est-à-dire que pour qu’elle soit examinée une seule fois à l’Assemblée et une seule fois au Sénat, le gouvernement doit expressément engager la procédure accélérée. Sinon la loi doit être examinée selon la procédure normale, soit deux fois dans chaque chambre du Parlement.
Or, sur le projet de loi de règlement de 1983, le gouvernement n’avait pas engagé la procédure accélérée sur le texte et une commission mixte paritaire avait pourtant été convoquée après une seule lecture à l’Assemblée puis au Sénat. Le Conseil constitutionnel avait donc rendu une décision de non-conformité totale de la loi, censurant ainsi l’ensemble du texte. En ce qui concerne la réforme des retraites actuelles, la procédure accélérée est bien de droit.
1990 : Censure d’une loi organique sur le financement de la campagne
Dans une décision un peu technique, le Conseil constitutionnel a censuré en 1990 la « loi organique relative au financement de la campagne en vue de l’élection du Président de la République et de celle des députés. »
Plusieurs motifs de forme ont été soulevés par le Conseil constitutionnel. D’abord, la loi organique s’appuie sur des dispositions prévues par une loi « nouvelle », qui a été déposée au même moment sur le bureau de l’Assemblée nationale. Dit plus prosaïquement, le gouvernement avait mis la charrue avant les bœufs. Ce défaut de coordination a entraîné des manquements « substantiels » de procédure, amenant à une censure totale du Conseil constitutionnel, résume Thibaud Mulier.
2011 : censure totale de la loi fixant le nombre de conseillers territoriaux
Le Sénat est la chambre des collectivités locales, et pas seulement par son mode d’élection. Constitutionnellement, un projet de loi relatif aux collectivités territoriales doit être examiné en priorité au Sénat, avant d’être transmis à l’Assemblée nationale.
Or, lors de la création des « conseillers territoriaux » par Nicolas Sarkozy en 2011, qui devaient être amenés à siéger à la fois au sein du conseil général (devenu conseil départemental depuis) et du conseil régional, le gouvernement Fillon dépose le projet de loi fixant le nombre de conseillers territoriaux d’abord à l’Assemblée nationale. La réforme des conseillers territoriaux a de toute façon été abrogée depuis, mais le Conseil constitutionnel avait bien prononcé une censure totale sur cette loi.
Sincérité des débats parlementaires : la loi Duflot sur le logement de 2012
La dernière décision de non-conformité totale à ce jour concerne la loi Duflot relative au logement social du 24 octobre 2012. Le Conseil constitutionnel avait alors considéré « que l’exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires » n’avait pas été respectée.
Lors de l’examen au Sénat, la commission n’avait eu que la matinée du lundi 11 septembre pour amender le texte, et lors de l’examen en séance le soir même, c’est pourtant le texte transmis par l’Assemblée nationale, non amendé par la commission, qui avait été examiné. Le Conseil constitutionnel avait même déclaré « l’ensemble de la loi contraire à la Constitution », « sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs. »
Les recours au Conseil constitutionnel ont mis en avant que, lors de l’examen au Sénat, diverses manœuvres de la majorité sénatoriale avaient permis d’écourter les débats sur le fameux article 7 en déclarant irrecevable les 4000 sous-amendements déposés par la gauche lors d’une nuit agitée. « Comment, en l’espace de 30 minutes, des amendements déclarés recevables par la commission, sont devenus irrecevables en sous-amendements ? » avait par exemple interrogé le sénateur communiste Pierre Laurent. Un exemple qui semble tout de même plus limité que de présenter un texte en séance qui n’est pas celui adopté par la commission.
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