« Les choses bougent trop lentement à notre goût ». Invité de la matinale de Public Sénat, le sénateur centriste Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête sur la régulation et l’évolution des concessions autoroutières, ne veut pas que son rapport « tombe aux oubliettes ».
Mise en place l’année dernière, la commission d’enquête avait auditionné les principaux acteurs de ce dossier sensible : Dominique de Villepin, Premier ministre lors de la privatisation polémique des autoroutes (voir ici son audition), tout comme ceux à l’origine du protocole d’accord, très favorable aux sociétés d’autoroutes, signé en 2015 : Ségolène Royal, Élisabeth Borne, qui était alors sa directrice de cabinet, Christian Eckert, ou encore Alexis Kohler, aujourd’hui secrétaire général de l’Elysée.
« Au-delà de 2022, les dividendes versés atteindraient environ 40 milliards d’euros »
Dans son rapport remis en septembre, la commission d’enquête sénatoriale pointait « la rentabilité hors normes » des concessions autoroutières. Décidée en 2006, la privatisation de 2006 a rapporté à l’Etat 14,8 milliards d’euros. Une somme à comparer avec la rentabilité de l’opération pour les sociétés : « Au-delà de 2022, les dividendes versés atteindraient environ 40 milliards d’euros, dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage », constataient les élus.
La commission appelait à préparer la fin des concessions et à ne plus prolonger la durée de celles-ci comme ce fut le cas en 2015 suite à la signature d’un protocole d’accord, très favorable aux sociétés d’autoroutes. Les sénateurs écartaient aussi un rachat anticipé des concessions, face au « coût prohibitif », estimé entre 45 et 50 milliards d’euros.
« Il faut que tout le monde s’y retrouve dans cette affaire »
« Le gouvernement a été sensible aux propositions que nous avons faites mais je trouve qu’on avance doucement vers la résolution des problèmes, notamment celui de la rentabilité. Il y a toujours une discussion sur la rentabilité. Personne n’est d’accord. Ni la Cour des comptes, ni l’autorité de la concurrence, ni le gouvernement, ni les sociétés d’autoroutes », déplore Vincent Delahaye. C’est la raison pour laquelle le vice-président du Sénat propose la tenue d’une table ronde « pour qu’on puisse se mettre d’accord sur la définition de la rentabilité, savoir à quel moment les sociétés d’autoroutes auront atteint la rentabilité qu’elles s’étaient fixée au départ de la privatisation […] que les sommes acquises ensuite soient discutées afin qu’il y ait un retour vis-à-vis de l’Etat et des usagers. Il faut que tout le monde s’y retrouve dans cette affaire », demande-t-il. Parmi les pistes envisagées en faveur des usagers, la commission d’enquête préconise « un verdissement des tarifs des péages ». C’est-à-dire une réduction des prix en faveur des véhicules propres, du covoiturage ou encore des transports collectifs.
« Les sociétés d’autoroute ont intérêt à discuter avec nous », estime-t-il avant d’ajouter : « Quand on arrivera au terme des concessions, les sociétés qui voudront candidater à un renouvellement de contrat, partiront avec un handicap si elles n’ont pas voulu renégocier en amont », pressent Vincent Delahaye.
Le sénateur souhaite voir autour de la table les principales sociétés concessionnaires, le ministre des Transports de l’Economie, l’autorité de régulation des transports et des parlementaires « afin que ce ne soit pas une usine à gaz ».
En février dernier, dans la foulée des conclusions de la commission d’enquête, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau avait déposé une proposition de loi visant à mieux encadrer les tarifs des péages.