Compte personnel de formation : le Parlement adopte l’interdiction du démarchage commercial

Compte personnel de formation : le Parlement adopte l’interdiction du démarchage commercial

Le Sénat a adopté à l’unanimité, et sans modification, une proposition de loi issue de l’Assemblée nationale luttant contre la fraude au CPF. Ce texte consensuel devrait donc être promulgué rapidement et rentrer en vigueur dans les prochaines semaines.
Guillaume Jacquot

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« Consultez votre solde et réclamez votre formation intégralement financée. » Comme beaucoup de Français, vous avez probablement déjà dû être importuné par ce genre de SMS intrusif. Des invitations suspectes à utiliser vos droits sur le compte personnel de formation (CPF). Ce genre de sollicitation, au mieux insistante ou au pire malhonnête, sera bientôt de l’histoire ancienne. Le Sénat a adopté à son tour une proposition de loi, initiée par des députés de la majorité présidentielle, pour lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires. Voté également à l’unanimité au Sénat, et sans modification, le texte est donc considéré comme définitivement adopté, ouvrant la porte à une promulgation rapide. Ses dispositions devraient devenir force de loi dès le début de l’année 2023.

Amendes dissuasives

La proposition de loi interdira la prospection commerciale des titulaires du CPF, que soit par téléphone, SMS, email ou sur les réseaux sociaux, sauf si la sollicitation concerne une action de formation en cours. Les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront habilités à rechercher et constater les infractions. Les amendes administratives en cas de comportements frauduleux promettent d’être dissuasives : 75 000 euros pour une personne physique, 375 000 euros pour une personne morale.

Il faut dire que l’entrée en vigueur de la réforme de l’accès à la formation professionnelle en 2018, avec la monétisation des droits et l’installation d’un service dématérialisé, le recours au CPF n’a cessé d’augmenter. De 500 000 formations financées en 2019, le nombre de dossiers a franchi la barre du million en 2020 avant d’atteindre 2,1 millions l’an dernier. Les fraudes progressent exponentiellement également. La Caisse des dépôts et consignations a chiffré le préjudice détecté à plus de 43 millions d’euros en 2021, cinq fois plus en un an.

« Dans un domaine qui est en train de devenir un véritable Far West, il nous faut légiférer »

Certes, le montant reste relativement peu élevé face au total du budget de la formation professionnelle (2,85 milliards d’euros). Mais, selon le rapporteur du texte au Sénat, Martin Lévrier (Renaissance), « la situation pourrait néanmoins s’aggraver en l’absence d’action rapide et ferme pour faire cesser ces agissements. »

La nécessité d’agir vite est partagée sur tous les bancs, sans exception, gouvernement et parlementaires poursuivant le même objectif. « Ce démarchage agressif nuit aux finances, à la confiance et à l’image de l’outil », a déploré Carole Grandjean, la ministre chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. « Dans un domaine qui est en train de devenir un véritable Far West, il nous faut légiférer », a martelé Joël Guerriau. Le sénateur de Loire-Atlantique a même rapporté le cas d’un conseil municipal, où pas un seul membre n’a échappé au démarchage pour le CPF.

Pour améliorer la détection de formations frauduleuses, le texte va faciliter la coordination entre l’État et les différents opérateurs. Les croisements seront facilités entre les différentes autorités, en matière de vérification d’identité, de contrôle de l’habilitation ou de fausses domiciliations. « Il semble que les outils numériques auraient dû permettre depuis longtemps le recoupement systématique des données », s’est étonnée la centriste Nadia Sollogoub. La Caisse des dépôts et consignation aura par ailleurs la possibilité de recouvrir plus rapidement les sommes indûment perçues, sans saisine préalable de la justice administrative.

« Dès 2018, le Sénat a exprimé ses réserves sur la monétisation du CPF »

Soucieux d’éviter tout angle mort, les auteurs du texte ont également encadré le recours à sous-traitance, en les soumettant au respect des mêmes conditions que celles exigées du donneur d’ordre, afin d’être référencés sur la plateforme. Sur ce sujet, la ministre a déclaré qu’il fallait réguler les pratiques dans ce « nid à fraudes potentielles ».

Malgré cette union sacrée contre les dérives qui entourent le CPF, beaucoup de sénateurs, dans l’opposition au gouvernement, ont insisté sur les effets pervers de la monétisation des droits à la formation intervenue. Pour l’écologiste Mélanie Vogel, cette réforme participe de cet « environnement qui fait prospérer ces arnaques ». La gauche n’était pas la seule inquiète. « Dès 2018, le Sénat a exprimé ses réserves sur la monétisation et la désintermédiation du CPF », a souligné Dominique Estrosi Sassone (LR).

La vice-présidente du groupe LR a d’ailleurs rappelé l’une des propositions d’un rapport transpartisan publié en juin 2022, invitant à instaurer une contribution « même modique » des utilisateurs du CPF. « Ce qui est gratuit n’a pas de valeur. Si nous voulons que les salariés participent plus activement à la lutte contre la fraude mais aussi à leur parcours professionnel sans se contenter de répondre à un appel ou un message leur signalant qu’ils ont du crédit sur le CPF, il faudra en passer par un reste à charge encadré sans pour autant en faire une barrière tarifaire », a-t-elle expliqué.

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