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Climat : un traité européen pour mettre la finance au service de la transition écologique ?
Par Alice Bardo
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« Si rien n'est fait pour lutter contre le réchauffement climatique, la hausse des températures serait de l'ordre de 5°C à la fin du siècle ». Un cri d’alarme de plus sur le réchauffement climatique, poussé cette fois-ci par le climatologue Jean Jouzel et l’économiste Pierre Larrouturou, auditionnés ce mercredi au Sénat.
En décembre dernier, ils ont lancé un appel aux chefs d’Etat et de gouvernement pour négocier un traité européen visant à assurer le financement de la transition écologique, le Pacte Finance-Climat. Leur solution ? Mettre la finance au service de la lutte contre le réchauffement climatique, qui ne peut plus attendre. « Le risque n'est pas pour les générations futures, mais pour les jeunes d'aujourd'hui » rappelle Jean Jouzel. Et qu’on ne vienne pas lui dire que l’argent manque au niveau européen pour financer la transition écologique. Le climatologue et l’économiste Pierre Larrouturou sont partis du constat que, si la Banque centrale européenne avait pu injecter 1100 milliards d’euros pour aider les banques à relancer leur activité au sortir de la crise financière, les 1 115 milliards d'euros par an nécessaires, dès 2021, pour atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, comme l’a estimé la Cour des comptes européenne, ne relèvent pas de l’utopie.
« Le nombre de décès pourrait être multiplié par 50 »
Pour matérialiser leur ambition de sauver la planète, ils ont établi un plan d’action, qu’ils espèrent voir naître le plus rapidement possible. « Le nombre de décès pourrait être multiplié par 50 : de 3000 actuellement, on passerait à 150 000 en moyenne » alerte Jean Jouzel, président d’honneur du Pacte Finance-Climat, actuellement en cours d’écriture. Multiplications des feux de forêts dans le sud de la France, « risque de sécheresse sur le pourtour Méditerranéen et trous de précipitations au nord de l’Europe », disparition des récifs coralliens tropicaux… Des aléas climatiques liés « pour l’essentiel » aux activités humaines précise le climatologue. Pour enrayer ce phénomène et aller vers un « scénario sobre » tel qu’inscrit dans l’Accord de Paris sur le climat, à savoir limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C, voire 1,5 degrés, Jean Jouzel et Paul Larrouturou, soutenus par quelques 500 personnalités de divers pays et horizons, proposent d'articuler leur Pacte Finance-Climat autour de deux outils, qui « suscitent tant l’espoir que des interrogations » chez les sénateurs, comme le résume Claude Bérit-Débat (PS).
Un Banque européenne pour le climat
Le premier d’entre eux, c'est la création d’une Banque européenne du climat, dont l’objet est d'accorder des prêts à taux zéro aux pays signataires, annuellement, à hauteur de 2% du PIB du pays. Pour la France, cela représenterait ainsi une enveloppe de 45 milliards d’euros par an. Si certains sénateurs s’inquiètent de l’usage qui pourrait être fait de cette somme par les Etats, à l’image de Christine Lanfranchi Dorgal (LR), Pierre Larrouturou se veut rassurant, précisant que ce prêt à taux zéro serait accordé aux Etats pour qu’ils financent la transition climatique, seulement. Le sénateur écologiste Guillaume Gontard précise qu’un cadre contraignant serait indispensable. « Il y a besoin d’un pilotage pour vérifier que 100% de l'argent est utilisé pour financer la transition écologique », admet Pierre Larrouturou.
La sénatrice LR Christine Lanfranchi Dorgal se demande également pourquoi la Banque européenne d’investissement (BEI), qui assure des financements aux projets d’investissement durable, n’assure pas ce rôle. « Transformer la BEI va être compliqué car certaines PME ne font pas du « green » », explique Paul Larrouturou. L’économiste envisage cependant que la Banque européenne du climat puisse être une « filiale » de la Banque européenne d’investissement.
Un Budget européen pour le climat
Autre levier d’action prévu par le Pacte Finance-Climat, la mise en place d’un budget européen pour le climat, doté de 100 milliards d’euros, financés par un impôt sur les bénéfices des sociétés de 5%. Un mode de financement qui n’est pas sans crisper certains locataires du Palais du Luxembourg, dont Eric Gold (RDSE), qui craint que « les TPE et PME ne se sentent injustement taxées ». En bon économiste, chiffres à l’appui, Pierre Larrouturou relève que l’impôt sur les sociétés en France reste bien en deçà de celui appliqué aux Etats-Unis (38%, puis 24% avec la réforme de Donald Trump, contre 19% dans l’Union européenne). « On peut taxer moins les PME et lutter contre l’évasion fiscale pour que l’impôt soit plus faible », concède-t-il toutefois. Et Eric Gold de reconnaître, alors que les Gilets jaunes sont prêts à manifester lors d’un Acte XI, samedi prochain : « Il s’agit d’un budget propre, et donc il ne pèse pas sur la fiscalité des ménages. »
Reste l’utilité d’un tel budget : « 40 milliards pour un plan Marshall pour l’Afrique et la Méditerranée, 10 milliards destinés à la recherche et à l’innovation, ainsi que 50 milliards destinés à aider chacun à financer la transition écologique, via ce budget, tels des travaux de rénovation énergétique, entre autres », explique Pierre Larrouturou. De quoi permettre la création de près de 900 000 emplois, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. « Lesquels? » questionne Jean-Marc Boyer, sénateur LR. « Dans le bâtiment, les énergies renouvelables, les réparations, les transports en commun…Des emplois verts, mais pas seulement », lui répond Pierre Larrouturou.
« Reçus huit fois à l’Elysée, sans que rien ne change »
Il s’agit désormais de trouver les soutiens politiques au projet de Pacte Finance-Climat. Si le climatologue Jean Jouzel se réjouit du soutien de Brune Poirson, secrétaire d’Etat au ministre de la Transition écologique, Pierre Larrouturou regrette avoir « été reçu huit fois à l’Elysée, mais ça fait 15 mois qu'on nous dit que c'est très intéressant, sans que rien ne change ».
Sur le papier, le Pacte Finance-Climat semble faire l’unanimité, mais il en est autrement de son éventuelle application. « Vous avez esquissé de l'espoir, mais aussi des interrogations », conclut le sénateur socialiste Claude Bérit-Débat. La principale d’entre elles étant : « Et si l’Europe tient ses engagements et que le reste du monde ne suit pas ? » « Il y aura un effet d'entraînement » assure Pierre Larrouturou”. Et de conclure : « L'Union européenne est née avec le charbon et l'acier, elle pourrait renaître avec le climat et l'emploi. »