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Cédric O : « Il n’y aura pas de transition environnementale sans transition numérique »
Par Pierre Maurer
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« Impensé », « angle mort de nos politiques publiques »… L’impact environnemental du numérique s’est frayé un chemin ce mercredi entre l’examen du budget 2021 et les polémiques sur la loi sécurité globale. Le secrétaire d’Etat en charge du numérique, Cédric O, était auditionné par la commission des affaires économiques et celle du développement durable du Sénat à propos de la proposition de loi (PPL) visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Portée dans une démarche « large et transpartisane » par les sénateurs Patrick Chaize (Les Républicains), Guillaume Chevrollier (LR), Jean-Michel Houllegatte (Socialiste, Ecologiste et Républicain) et Hervé Maurey (Union Centriste), elle reprend des propositions du rapport d’information « Pour une transition numérique écologique » de la mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique, adopté par la commission le 24 juin dernier. La PPL vise à orienter le comportement de tous les acteurs du numérique afin de garantir le développement en France d’un numérique « sobre, responsable et écologiquement vertueux ».
Au menu : beaucoup d’interdictions pour limiter la consommation de données – comme l’interdiction des forfaits mobiles illimités en données ou l’interdiction du défilement (scroll) infini des contenus ; et un accent particulier mis sur la lutte contre l’obsolescence programmée en encadrant, par exemple, les délais de mises à jour. Face à la croissance des data centers et de l’Internet des objets, la proposition de loi sénatoriale intègre surtout un certain nombre de pistes pour réduire la facture écologique du numérique en France. À commencer par une modération dans le renouvellement des smartphones, tablettes et autres ordinateurs de bureau. Car la fabrication des terminaux représente « 70 % de l’empreinte carbone du numérique nationale », n’ont pas manqué de rappeler les élus du Palais du Luxembourg. Pour rappel, le numérique est responsable de 2 % du total des émissions de gaz à effet de serre en 2019 dans notre pays.
Opposé à « l’interdiction des offres de téléphonie illimitée »
C’est en quelque sorte « la face cachée du numérique », a souligné Sophie Primas (LR), la présidente de la commission des affaires économiques. Alors face à ce constat, que va faire le gouvernement de cette PPL ? « Cela va dépendre du contenu. Mais je ne suis pas fermé à ce qu’on avance sur un certain nombre de points, si on arrive à trouver des points d’atterrissage. », a répondu Cédric O. Lui défend une approche « incitative » des mesures à mettre en place et moins « normative » que ce que proposent les sénateurs. Car, en quelque sorte, deux visions s’opposent. Quand Patrick Chaize insiste sur le caractère « indispensable du numérique à la transition environnementale si les gains qu’il permet ne sont pas annulés par son empreinte », Cédric O fait l’éloge du tout connecté, sans nier son impact environnemental : « Il n’y aura pas de transition environnementale sans transition numérique. On a besoin de beaucoup plus d’innovations. C’est mathématique. Pour être plus efficace, il faut innover. Dans l’ensemble des secteurs les plus polluants, la question numérique est centrale. On a besoin de connecter beaucoup plus d’objets pour être plus efficaces. » Lui estime encore qu’il faut mieux « objectiver » l’empreinte du numérique.
Selon le secrétaire d’Etat, le sujet « n’est pas tant la consommation des données », mais la « conception des objets ». Par exemple, « les Français changent de téléphones tous les deux ou cinq ans ». Il est donc fermement opposé à « l’interdiction des offres de téléphonie illimitée » que proposent les sénateurs. Du reste, il estime que « de manière générale, le gouvernement rejoint pour beaucoup les objectifs de la PPL ». Notamment sur la formation du secteur, pour laquelle les sénateurs souhaitent plus de « sensibilisation » à l’écologie. « Je suis plutôt favorable à des modules d’éco-conception des services numériques. Aujourd’hui quand on forme un développeur, on le sensibilise très rarement à l’écologie du code… », a-t-il admis.
« On a raté la révolution numérique de la 4G »
Interrogé sur le déploiement de la 5G dans le pays, sujet de vifs débats depuis le mois d’août et de réserves dans les rangs des écologistes, Cédric O a estimé que l’opposition était minoritaire. « La 5G n’est pas un sujet quand je me déplace. Les gens me demandent plutôt plus de connexions », a-t-il assuré. A ce titre, il a rappelé la position du gouvernement : contre les craintes de la Convention citoyenne pour le climat sur le sujet. Selon lui, si la 5G n’est pas rapidement déployée, la France ratera la prochaine « révolution numérique ». « Rappelez-vous que les GAFA naissent de la 4G et de la généralisation des téléphones portables. On a raté cette révolution numérique. Si on ne va pas vite sur la 5G, on va aussi rater la prochaine », a-t-il pressé les sénateurs. Dans le même esprit, il a assuré que « le télétravail est très bon pour l’environnement ». « Certes, il y a une consommation supérieure d’équipements électroniques. Mais elle est compensée par les déplacements évités », a-t-il justifié.
Autre « angle mort » du numérique abordé : la place des femmes dans cette industrie, présentes à hauteur de 6 à 10 %. « Je suis plutôt optimiste. Je trouve que la prise de conscience du secteur, qui est très en retard, est là », s’est-il réjoui. Non sans reconnaître qu’« il faut encore s’attaquer au sujet des formations. C’est un sujet de long terme ». Cela va « prendre du temps », mais Cédric O a « l’impression que l’écosystème bouge ».