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Cédric O : « Dès les premiers téléchargements, StopCovid évite des malades et des morts »
Par Public Sénat
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On l’aurait presque oubliée. Durant le confinement, l’idée d’une application de traçage pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 avait suscité la polémique. « StopCovid », c’est son nom, avait été repoussée car elle n’était techniquement pas prête. Depuis, les Français ont déconfiné et les chiffres de l’épidémie semblent plutôt corrects, même s’il faut rester prudent. C’est pourtant le moment que le gouvernement choisi pour lancer StopCovid.
« S’il y a un vote contre et de l’Assemblée et du Sénat, nous ne déploierons pas cette application »
Un débat suivi d’un vote est prévu à l’Assemblée nationale puis au Sénat, ce soir à 21h30. Le débat est purement consultatif, mais il n’est pas là pour amuser la galerie. « S’il y a un vote contre et de l’Assemblée et du Sénat, nous ne déploierons pas cette application » assure Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé du Numérique.
Un risque limité. Tout est dans le « et ». Il n’est pas exclu que le Sénat, où le sujet a été débattu au sein de majorité sénatoriale, vote contre. A l’Assemblée, une partie des députés LREM s’est opposée à StopCovid, mais le vote devrait être favorable. Le projet de décret légalisant l’application est d’ailleurs prêt. Le Conseil d’Etat devrait donner son avis très vite, peut-être dans la journée.
« L’application fonctionne »
Face aux multiples questions posées par cette « appli », ce débat est loin d’être superflu. Le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Cédric O, défenseur de cette technologique au gouvernement, a eu droit à un tour de chauffe ce mercredi matin, au Sénat, devant la commission des lois.
Il était déjà venu répondre aux questions des sénateurs le 20 avril. Il pensait alors être prêt pour le déconfinement… Depuis, un second avis de la Cnil a donné son accord sur l’application. « Et ce qui a changé, c’est le point le plus important, c’est que l’application fonctionne » assure Cédric O. Un minimum. StopCovid a été testé 15 jours « sur bancs, sur les 100 modèles de téléphones portables les plus utilisés, 17 marques ». Des tests ont aussi été conduits en conditions « réelles ». « L’armée de terre » a été appelée en renfort et « a mis à disposition certains de ses membres pour reproduire les conditions de rassemblement intérieur, extérieur, en supermarché, dans le métro ».
Code qr, notification et hackeurs bienveillants
Pour rappel, l’application sera téléchargeable volontairement, les données seront « pseudonymisées » et supprimées au bout de 14 jours. L’appli s’arrêtera « 6 mois » après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Pour la transparence, le code source a été publié. Des hackeurs bien intentionnés vont chercher, à la demande du gouvernement, les failles à corriger.
StopCovid permettra de savoir si on a croisé une personne atteinte de Covid-19, afin de réagir vite et stopper ainsi la propagation de l’épidémie. Un « cas contact » sera une personne croisée à moins de 1 mètre pendant 15 minutes. « Dès lors que vous serez notifié, vous devrez prendre contact avec votre médecin qui vous prescrira un arrêt de travail et l’accès à un test » et une quatorzaine. En cas de test positif, un « code qr ou un scan » permettra de « se déclarer » porteur sur l’application.
Un coût de « quelques centaines de milliers d’euros par mois »
Si des entreprises privées, aux côtés du public, ont apporté leurs matières grises gratuitement pour le développement, il n’en sera pas de même pour la suite. L’application coûtera « quelques centaines de milliers d’euros par mois » affirme le secrétaire d’Etat au Sénat.
L’appli sera disponible dès lundi prochain, ou au pire mardi. Le gouvernement veut en faire un outil « de la deuxième partie du plan de déconfinement », aux côtés des brigades, dont le principe est similaire. Il est même « complémentaire et renforce le travail des brigades », car il apporte « une capacité de couvrir les cas de transmission anonymes », qui dans « plus de 50% des cas » ne se savent pas malades. Mais ici, le secrétaire d’Etat vante un moyen encore plus rapide car quasi instantané, qui permet de savoir si on a été en présence d’un malade.
« Vérifier que le jeu en vaut vraiment la chandelle »
Un comité de contrôle et de liaison indépendant sera là pour contrôler l’usage de l’application. On y trouvera notamment « un membre de la conférence nationale de santé », un du Conseil de l’ordre des médecins, un du Comité scientifique, ou encore deux députés et deux sénateurs. « C’est pour nous une condition qu’il faut remplir » a insisté Philippe Bas, président LR de la commission des lois. Cédric O n’exclut pas que le comité de contrôle créé, à la demande du Sénat, pour le système de traçage des brigades, puisse « servir de comité de contrôle » pour l'application.
Reste que les sénateurs se posent encore beaucoup des questions. Philippe Bas est attentif à « ce que les moyens ne soient pas disproportionnés » face « à l’impératif de la protection de la vie privée et des données personnelles ». Le sénateur de la Manche veut bien même « considérer que les risques sont limités, que les données personnelles sont limitées, mais c’est encore trop si ça ne devait être qu’un gadget ». Il entend « vérifier que le jeu en vaut vraiment la chandelle ».
« On a franchi une ligne rouge », « on rentre potentiellement dans un nouveau type de société »
« Très loin encore d’être convaincu de l’utilité de StopCovid », le sénateur UDI Loïc Hervé, membre de la Cnil, s’interroge sur le timing. « On met en place une application près d’un mois après le début du confinement. Cela altère son utilité » dit-il, soulignant « l’échec » des applications à Singapour et en Autriche. Surtout, sur le principe, cette appli crée un précédent. « On a franchi une ligne rouge et on a inventé – et on a fait inventer par Google et Apple – des applications qui pourraient servir à d’autres fins » craint le sénateur (voir la vidéo ci-dessous). « On rentre potentiellement dans un nouveau type de société, fusse-t-il pour les meilleures raisons du monde » met aussi en garde Eric Kerrouche, sénateur PS des Landes.
Le sénateur PS Jérôme Durain évoque le risque de « pression sociale » des entreprises pour télécharger le système. Sa collègue socialiste Marie-Pierre de la Gontrie voit elle « une obstination » du secrétaire d’Etat pour son appli.
« Si on a 20% ou 30% des populations des grandes villes qui téléchargent, c’est très bien »
Cédric O n’a pas de doute sur l’utilité. « Il pourrait y avoir l’impression qu’après tout, c’est fini et que l’application ne sert plus à grand-chose. Mais les épidémiologistes », qui affirment que StopCovid « est utile et nécessaire », « disent que le jour où l’épidémie repart, il sera trop tard ». Pour le secrétaire d’Etat, c’est clair : « Dès les premiers téléchargements, ça évite des malades, des hospitalisés et des morts » (voir la première vidéo).
Justement, le volontariat ne risque-t-il pas de rendre l’application peu efficace ? Sans compter les personnes « qui n’ont pas d’ordiphone », comme le souligne en bon français Philippe Bas, ou « ne le maîtrisent pas ». Une difficulté que la Cnil avait soulignée, lors de son audition au Sénat.
Là encore, le secrétaire d’Etat s’appuie sur les scientifiques. Il cite les résultats d’une étude d’Oxford et de l’Imperial college :
A partir de 56% de la population dans un bassin de vie, à elle seule, sans geste barrière, sans masque, sans confinement, l’application met fin à l’épidémie.
Dit comme ça, c’est la solution miracle. Mais « l’application ne sera pas présente à 60% dans la population », anticipe Cédric O. « Si on a 20% ou 30% des populations des grandes villes, c’est très bien. En termes de gain marginal, c’est non négligeable, c’est même très utile » selon le secrétaire d’Etat au Numérique. D’autant que la population visée n’est « pas prioritairement les personnes âgées », mais plutôt ceux qui font circuler le virus : « Les jeunes urbains qui vont au supermarché, dans les bars ou prennent les transports ». Ils sont plus de 97% à posséder un smartphone.
« Il est probable qu’il y ait des personnes faux positifs qui soient prévenues »
Reste que malgré toute l’énergie qui a été mise, l’appli ne sera pas infaillible. Cédric O reconnaît une « difficulté » qui a été de calibrer le Bluetooth à 1 mètre, alors que l’outil peut capter jusqu’à « 10 mètres » et au travers des murs, souligne Marie-Pierre de la Gontrie. StopCovid sera efficace en réalité à « 80% » explique Cédric O. Conséquence : « Il est probable qu’il y ait des personnes faux positifs qui soient prévenues, car elles étaient à 2 mètres et pas 1 mètre par exemple ». Mais Cédric O assume et « préfère avoir quelques faux positifs et que ça marche, que de limiter les faux positifs et de ne pas attraper assez de gens ». Il insiste : « Je préfère avoir un taux de vrais positifs bas et de sécurité sanitaire haut, plutôt que l’inverse ». Autrement dit, le filet aura des trous dans la raquette, mais c’est mieux que rien.
Quant à ceux qui chercheraient à imposer le téléchargement de l’application, le secrétaire d’Etat souligne qu’ils seront « passibles de poursuites pénales ». Autre question de Philippe Bas : StopCovid ne va-t-il pas vider la batterie ? Laisser brancher le Bluetooth peut en effet réduire plus rapidement la durée d’utilisation de son téléphone. Sur ce point, le Monsieur numérique du gouvernement se veut rassurant : « Globalement, ça marche bien et ça ne vide pas votre batterie », même s’il n’exclut pas des problèmes sur de vieilles versions d’Android ou de l’iOS. Le gouvernement n’a pas prévu d’offrir un nouveau portable à chaque téléchargement. Ça pourrait pourtant donner un coup de pouce à StopCovid.