« Je crois que nous tournons en rond les uns et les autres avec toujours la même question. C’est parce que nous ne comprenons pas votre réponse Mme la ministre ». Alors que le débat « sur la réglementation des produits issus du chanvre », était déjà bien avancé, la sénatrice écologiste, Sophie Taillé-Polian résume le sentiment ambiant.
Pour cet échange de questions-réponses dans l’hémicycle, c’est la ministre en charge de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon qui avait la charge de porter la position du gouvernement, une semaine après l’ordonnance du Conseil d’Etat qui a suspendu à titre provisoire, l’arrêté visant à interdire la vente de la fleur de CBD (cannabidiol l’une des principales substances actives du chanvre).
Malgré la réglementation européenne ou encore l’OMS qui ne classe pas le CBD comme un stupéfiant, le gouvernement met en avant des arguments sanitaires pour justifier sa position. En attendant que le Conseil d’Etat ne se prononce sur le fond, l’exécutif reste sur cette ligne. « Nous prenons acte (de cette décision) pour autant le gouvernement reste attentif à la mise en œuvre d’une réglementation adaptée aux enjeux de santé publique », a prudemment expliqué la ministre.
A une question de la sénatrice Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants) qui souhaite savoir si le gouvernement allait s’orienter vers « une réglementation alliant protection du consommateur et développement d’une filière française du CBD forte et propre », Brigitte Bourguignon a rappelé (elle le fera à mainte reprise) que la France est le premier producteur européen de chanvre industriel ».
Malgré ces capacités de production, l’incertitude autour de la réglementation française conduit à l’importation de la très grande majorité de fleurs de CBD commercialisées sur le territoire national.
« Le taux de THC de la fleur est difficilement maîtrisable ou contrôlable », selon le gouvernement
En France, la production de chanvre est autorisée dans de nombreux débouchés, (isolation, textile, literie animale, cosmétique…) « Pour autant, nous ne souhaitons pas, pour l’heure, étendre cette dérogation à la commercialisation des fleurs et feuilles brutes. La commercialisation de fleurs, même à teneur de 0,3 % de THC présente des risques sanitaires élevés. Le taux de la fleur est difficilement maîtrisable ou contrôlable […] Nos forces de l’ordre doivent conserver leur capacité opérationnelle et distinguer rapidement si les produits relèvent ou non de la politique pénale de lutte antistupéfiants », a mis en avant Brigitte Bourguignon.
« C’est un aveuglement idéologique », s’agace Marie-Noëlle Lienemann
« Vous entretenez la confusion. Ce n’est pas un débat sur la légalisation du cannabis. Cette confusion, c’est un aveuglement idéologique pour faire croire aux Français que vous êtes super raides vis-à-vis des drogues. Avec des dispositions antiéconomiques et qui ne sont pas du tout fondées d’un point de vue sanitaire », s’est agacée Marie-Noëlle Lienemann.
En réponse, la ministre maintient « que le CBD est une substance qui n’est pas inerte pharmacologiquement »
Le président LR de la délégation aux entreprises, Serge Babary a rappelé la multiplication des commerces de CBD, 2 000 spécialisés en France. « On assiste à l’émergence d’une véritable filière CBD, filière malheureusement dans l’incertitude quant à la légalité de son activité ». « Quand allez-vous définir un cadre légal adapté ? »
« Un débat qui a montré une incompréhension transpartisane de la politique gouvernementale »
Une nouvelle fois, Brigitte Bourguignon rappelle qu’il est « impératif de concilier l’objectif de sécurisation des activités économiques autour du chanvre avec deux autres objectifs prioritaires : garantir un haut niveau protection de santé des consommateurs et préserver la politique ambitieuse de lutte contre les trafics de stupéfiants ».
En conclusion, le sénateur écologiste, Daniel Salmon s’est félicité de la teneur du débat « même s’il a parfois tourné en rond ». « Mais c’est un débat qui a montré une incompréhension transpartisane de la politique gouvernementale », s’est-il félicité. « Ce débat a aussi mis en lumière de nombreuses contradictions et l’hypocrisie de la législation actuelle. On pourrait même parler d’une espèce d’enfumage », conclut-il.