Carrières longues : non, le compromis en CMP ne permet pas de limiter la durée de cotisation à 43 ans pour tous

Carrières longues : non, le compromis en CMP ne permet pas de limiter la durée de cotisation à 43 ans pour tous

Malgré le compromis qui devrait être adopté en commission mixte paritaire sur la réforme des retraites, certains devront encore travailler plus de 43 ans, contrairement à ce que disent certains membres de la majorité présidentielle. Tout dépend de la date de naissance de la personne, du nombre de trimestres et de l’âge de départ anticipé pour carrière longue, qu’il faut pouvoir atteindre pour prendre sa retraite.
François Vignal

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C’est sûrement le point le plus sensible de la commission mixte paritaire (CMP) sur la réforme des retraites. Les carrières longues. L’article 8 qui porte le sujet a été adopté durant la CMP, a appris publicsenat.fr auprès de l’un de ses membres. Alors que les discussions sont toujours en cours ce mercredi à l’Assemblée, on sait déjà ce que prévoit sur le sujet le probable accord, que les sept députés et sept sénateurs sont en passe de trouver. La question est tout sauf anodine car politiquement, c’est sur ce point que le gouvernement espère trouver suffisamment de voix LR pour adopter in fine la réforme sans 49.3.

Dire que tout le monde partira après 43 années, « c’est faux »

Le compromis a un peu vite été présenté comme reprenant l’amendement Pradié. Tel que défendu à l’origine par le député du Lot, il visait à permettre de partir après 43 annuités tous ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans, même avec un seul trimestre travaillé. Une mesure qui « coûte entre 7 et 10 milliards d’euros. C’est inabordable », avait prévenu le ministre du Travail, Olivier Dussopt, samedi lors des débats au Sénat.

Lire aussi » Carrières longues : « L’amendement Pradié était très très coûteux », selon Catherine Deroche

L’amendement retenu dans la CMP est celui déposé à la fin des débats à l’Assemblée par Olivier Marleix, président du groupe LR, et dont un certain Aurélien Pradié était le deuxième signataire (le groupe Horizons avait déposé un amendement similaire). Cette mesure permet à certains de partir après 43 ans de travail, mais avec deux conditions cumulatives importantes : s’ils ont atteint le nombre de trimestre requis (4 ou 5 trimestres) et l’âge de départ anticipé auquel ils ont droit. Dans les faits, ce ne sera pas automatiquement 43 annuités pour tous ceux concernés par les carrières longues. Cela dépend de l’âge auquel on commence à travailler. Certains feront plus de 43 ans, voire 44 ans…

« C’est cumulatif. Il faut avoir les 4 ou 5 trimestres, qui dépendent du moment où vous êtes nés. Et si vous n’arrivez pas à votre âge de départ anticipé, vous êtes obligé de continuer les annuités », confirme un sénateur membre de la CMP. Certains feront donc 44 ans ? « Oui, peut-être. Cela dépend vraiment de leur date de naissance. Et du fait qu’ils sont arrivés à leur borne d’âge », insiste ce membre de la majorité sénatoriale. Dire que tous ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans ne feront que 43 annuités, « c’est faux », confirme bien ce membre de la Haute assemblée.

« Il y a environ 2/3 des gens qui n’auront que 43 ans à faire, au lieu de 44 ans. C’est pour ça que ça coûte 300 millions d’euros », selon René-Paul Savary

« Il faut à chaque borne d’âge de départ anticipé, 16 ans, 18 ans, 20 ans et 21 ans, avoir cotisé les 43 ans minimum. Ce sont des trimestres cotisés. Il faut avoir les 4 à 5 trimestres, les 43 annuités cotisées, et avoir atteint l’âge anticipé correspondant à votre borne, 58 ans, 60 ans, 62 ans ou 63 ans », explique après la CMP René-Paul Savary, qui apporte une précision utile : « La durée de cotisation revient pour tous à 43 ans. Mais il se peut que certains soient obligés d’aller jusqu’à la borne d’âge leur correspondant ». Ce qui revient à devoir travailler, dans certains cas, un ou plusieurs trimestres de plus, pour atteindre la fameuse borne. « Bien sûr », confirme le sénateur LR de la Marne.

Entre le texte sorti du Sénat et celui de la CMP, la différence vient de la durée de cotisation. « Cela change car c’est une durée de cotisation de 43 ans, au lieu de 44 ans (dans certains cas), c’est quand même une avancée. Il y a environ 2/3 des gens qui n’auront que 43 ans à faire, au lieu de 44 ans. C’est pour ça que ça coûte 300 millions d’euros », selon René-Paul Savary. Autrement dit, davantage de personnes ne feront que 43 ans, mais d’autres devront quand même aller plus loin. « 43 ans, c’est un plancher, ce n’est pas un plafond », souligne le rapporteur LR du Sénat.

« On est bien à 43 ans, mais forcément, selon les cas, certains vont faire presque 44 ans, en fonction du jour d’anniversaire, du jour où ils ont démarré, et s’ils ont bien les 5 trimestres », confirme aussi la sénatrice LR de l’Aisne Pascale Gruny, membre de la CMP en tant que suppléante. La vice-présidente du Sénat souligne au passage qu’au-delà du seul cas des carrières longues, « il y a beaucoup de dérogations globalement, en comptant aussi celles pour invalidité par exemple. Au total, quatre personnes sur dix n’iront pas jusqu’à 64 ans », soutient Pascale Gruny.

« 32 % » des personnes concernées feront plus de 43 annuités, selon les députés PS

On l’aura compris, tout dépend au fond de l’âge auquel on commence à travailler et de l’âge de départ anticipé. C’est pour pouvoir atteindre cet âge de départ anticipé, fixé à 58 ans, 60 ans, 62 ans et 63 ans, selon l’âge auquel vous avez commencé à travailler, que certains devront faire plus de 43 annuités.

Combien de personnes sont concernées ? Selon le groupe socialiste de l’Assemblée, qui a fait le calcul dans le cas général (hors règles transitoires), « dans 32 % des situations de personnes ayant commencé entre 15 et 21 ans, la durée de cotisation est strictement supérieure à 43 ans. La durée de cotisation est même égale à 44 ans ou + dans 7,5 % des cas ! » a tweeté le député Olivier Faure, premier secrétaire du PS.

Les concessions faites aux LR sur les carrières longues s’élèvent au total à 700 millions d’euros

Cette mesure coûte environ 300 millions d’euros. Beaucoup moins que les 7 à 10 milliards de l’amendement Pradié d’origine. Elle permet de ne pas alourdir outre mesure l’équilibre financier de la réforme, auquel est attaché le gouvernement, comme les sénateurs LR.

Cette disposition à 300 millions s’ajoute à une première main, que le gouvernement a tendue aux LR au début des débats à l’Assemblée, qui permet à une personne qui a commencé à travailler entre 20 et 21 ans de partir après 43 annuités. C’est la création d’une borne d’âge supplémentaire à 21 ans. Elle coûte 400 millions d’euros. Après les débats au Sénat, les sénateurs LR défendaient uniquement cette concession, préférant dépenser sur d’autres mesures, comme la surcote des femmes. Au total, les concessions faites aux LR sur les carrières longues s’élèvent donc à 700 millions d’euros.

Politiquement, dire qu’il s’agit de l’amendement Pradié peut avoir pour objectif de permettre au député du Lot, comme à ses collègues tentés de voter contre, de garder la face et ainsi de soutenir la réforme. Pour le gouvernement, l’enjeu est de taille. C’est à ce prix qu’il pourra éviter de recourir au 49.3 pour adopter sa réforme. Mais après le flou sur la retraite minimale à 1.200 euros, il faudra voir si tout le monde soutient cette nouvelle présentation optimiste de la réforme.

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