« L’avenir du réseau ferroviaire est plus que jamais préoccupant. » Présenté ce 16 novembre en commission des finances, le rapport des sénateurs Hervé Maurey (Union centriste) et Stéphane Sautarel (Les Républicains) sur le budget des transports pour 2023 affiche une grande insatisfaction, alors que les investissements étaient déjà considérés comme « notoirement insuffisants ». Cet été, le nouveau de performance de SNCF Réseau a largement été décrié au Sénat, notamment au regard de l’insuffisance des moyens consacrés pour la régénération d’infrastructures vieillissantes. Il manquerait au bas mot au moins un milliard d’euros chaque année.
Les deux sénateurs s’attendaient à un signe dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. « Ils ne l’ont pas trouvé. » La nouvelle trajectoire budgétaire reste suspendue aux conclusions du Conseil d’orientation des infrastructures et elle ne devrait pas être annoncée avant l’année prochaine. Plus inquiétant, les deux parlementaires notent que le ministère des transports ne poursuit désormais plus qu’un objectif de maintien de l’état du réseau. « Même cet objectif apparaît irréaliste », insistent-ils. Le 9 novembre, lors des questions d’actualité au gouvernement, le ministre Clément Beaune défendait pour sa part un « effort très important ». « On est loin des mesurettes ou des cacahuètes budgétaires », rétorquait-il.
Les deux rapporteurs déplorent par ailleurs le manque considérable de moyens accordés à des programmes de modernisation du réseau, comme le système européen de signalisation ferroviaire. Les besoins se chiffrent à 20 milliards d’euros, mais ils permettraient d’améliorer sensiblement la performance des lignes. « Cette situation n’est pas acceptable et doit rapidement être résolue faute de quoi le réseau français pourrait irrémédiablement décrocher », écrivent-ils, paraphrasant le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, auditionné au Sénat le 14 septembre dernier.
Le niveau des investissements menacé par l’inflation, plus forte encore pour les travaux
L’accélération de l’inflation et le maintien de cette dernière à des niveaux élevés assombrissent également le tableau, du point de vue sénatorial. D’après le rapport, SNCF Réseau évalue les surcoûts liés à l’augmentation des prix des matériaux et des travaux à 500 millions d’euros. L’index de référence pour les travaux publics est en effet en hausse de 20 %. En clair, si la trajectoire du contrat de performance était inchangée, « les conséquences sur l’état du réseau seraient dramatiques », avertissent les sénateurs. La future trajectoire « devra absolument tenir compte de cet enjeu », selon eux.
Les préoccupations sont les mêmes sur le fret. Les nouvelles aides à l’exploitation du transport de marchandise par train seront prolongées en 2023 pour la deuxième année consécutive. Là encore, l’inflation – sur les prix de l’énergie – mine l’optimisme du secteur, puisque les surcoûts sont évalués à 400 millions d’euros l’an prochain. « Un mécanisme de soutien public sera indispensable si l’on veut que l’objectif d’un doublement de la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 reste une ambition crédible », encouragent Hervé Maurey et Stéphane Sautarel.
Le duo s’étonne par ailleurs d’une sous-consommation des moyens attribués à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT). L’agence a revu à la baisse ses dépenses d’investissements, avec une réduction de 500 millions d’euros en autorisation d’engagement. Le retard pris par certains chantiers est l’une des explications.
Les sénateurs « scandalisés » par le comportement des sociétés concessionnaires d’autoroutes
Parmi les sources de financement de cette agence, les sénateurs poussent un coup de gueule sur la perception de la taxe d’aménagement du territoire. En raison d’un contentieux avec l’État sur son niveau, les sociétés d’autoroutes « ont littéralement pris en otage l’AFIT en refusant de lui verser une contribution de 60 millions d’euros qu’elles lui doivent chaque année », se scandalisent-ils. Depuis 2021, le manque à gagner pour l’AFIF se monte à 120 millions d’euros, soit plus de 3 % du montant de ses dépenses prévues l’an prochain.
Une attention particulière a été portée à l’autorité de régulation des transports (ART). Ces dernières années, cette autorité a vu le périmètre de ses missions s’étendre, et le nombre de ses effectifs bondir en conséquence, passant de 62,5 emplois (équivalents temps plein) à 102 en l’espace de 7 ans. Problème : sa subvention est restée quasiment stable dans cet intervalle. 2022 a vu une petite augmentation. Les rapporteurs proposeront dans un amendement de rehausser la subvention à cette autorité de 4,6 millions, pour qu’elle atteigne 18,6 millions d’euros.