La première partie de l’examen du budget 2023 a été adoptée ce 24 novembre au Sénat, par 216 voix contre 91 (37 abstentions). Les sénateurs ont ainsi terminé le volet du projet de loi de finances consacré aux recettes de l’Etat, c’est-à-dire à la perception des différentes taxes et impôts. Les politiques publiques menées par des crédits d’impôts sont donc aussi concernées par cette partie du budget. Un vaste sujet, qui aura occupé les sénatrices et les sénateurs pendant une semaine, avant de s’attaquer aux dépenses et aux différentes « missions budgétaires » à partir de ce jeudi soir. Tour d’horizon des différentes mesures votées par le Sénat.
Rejet de la taxation des superprofits
C’est une question qui revient depuis les débats de cet été à propos du pouvoir d’achat. Lors du projet de loi de finances rectificative pour 2022, le Sénat, tout comme l’exécutif, avaient déjà rejeté cette idée qui faisait pourtant des émules au MoDem à l’Assemblée et chez les centristes au Sénat.
Malgré une alliance de circonstance entre les centristes et la gauche, la mesure a une nouvelle fois été rejetée par le Sénat, alors que le gouvernement n’avait pas gardé l’amendement de Jean-François Mattei, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, dans le texte considéré comme adopté après l’usage du 49-3.
Dans ces circonstances, une éventuelle taxation des superprofits ne devrait pas figurer dans le budget 2023, en dehors du mécanisme européen de plafonnement des « rentes », transposé dans le budget par le gouvernement.
Rejet surprise de la suppression de la CVAE prévue par le gouvernement
Sur ce sujet en revanche, le Sénat n’a pas suivi l’exécutif, qui avait inscrit, à l’article 5 du projet de loi de finances, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt de production collecté par les collectivités locales.
La majorité sénatoriale est par principe favorable à la suppression d’impôts de production, et la mesure aurait donc dû en contenter plus d’un à la chambre haute. Mais le sujet des collectivités étant particulièrement clivant au Sénat, l’examen de cette mesure n’a pas été sans surprise.
La commission des Finances et son rapporteur LR Jean-François Husson, entendaient au départ simplement reporter la suppression de la CVAE d’un an, mais la majorité sénatoriale s’est retrouvée divisée et l’article 5 a finalement été rejeté. La CVAE a donc été maintenue dans la version du texte votée par le Sénat.
Débats mouvementés au Sénat sur les transports
La taxation des transports a été un sujet qui a particulièrement rythmé les débats lors de l’examen de cette première partie du budget 2023 au Sénat.
Contre l’avis du gouvernement, les sénatrices et les sénateurs ont ainsi voté un amendement de Philippe Tabarot (LR) réduisant la TVA sur les transports en commun à 5,5 % au lieu des 10 % actuels. Le but avancé était d’éviter une trop forte hausse des tarifs et de redonner des marges budgétaires aux collectivités pour qu’elles puissent investir afin de développer ces modes de transport. Le gouvernement a jugé le dispositif inefficace, et devra être convaincu pour que la mesure survive à la navette parlementaire.
Sur une éventuelle taxation supplémentaire des jets privés ou des yachts, en revanche, la majorité sénatoriale a suivi l’exécutif, en refusant, malgré des débats mouvementés, toute taxe de ce type. Face aux protestations de la gauche de l’hémicycle, Gabriel Attal a notamment expliqué préférer « investir » dans la décarbonation de ces modes de transports particulièrement polluants que « taxer. »
Enfin, la situation inquiétante des transports franciliens et de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités a retenu l’attention des sénateurs. Après de longs débats reconnaissant l’urgence de financement des transports en région parisienne, aucun accord n’a été trouvé au Sénat sur l’augmentation du « versement mobilité » payé par les entreprises. Un vote qui s’est fait malgré le désarroi des sénateurs de la droite francilienne, exhortant leurs collègues de la majorité sénatoriale de répondre à « l’urgence », quitte à exceptionnellement augmenter la fiscalité des entreprises.
Une refonte de la fiscalité des carburants
Le budget 2023 comporte aussi beaucoup de niches fiscales que le gouvernement entend « adapter à la transition écologique », c’est-à-dire renchérir les produits les plus polluants et au contraire favoriser fiscalement les alternatives, avec par exemple l’alignement du régime fiscal du kérosène sur les carburants routiers.
Le Sénat a ainsi changé son fusil d’épaule sur l’utilisation d’huiles usagées comme carburant, une mesure qu’il avait rejeté cet été, et qui a été validée à titre d’expérimentation dans ce budget 2023.
La chambre haute a aussi voté, contre l’avis du gouvernement, un tarif réduit des carburants pour les aides à domicile travaillant dans des structures associatives en milieu rural.
Le Sénat vote une augmentation du soutien aux collectivités
C’était « la ligne rouge » fixée par les sénateurs avant le début de l’examen du budget : lâcher du lest pour les finances des collectivités locales, mises à mal par l’inflation et l’explosion des coûts de l’énergie.
Le Sénat a finalement voté, contre l’avis de la commission des Finances et du gouvernement, la revalorisation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de l’inflation prévue pour 2023, soit 4,2 %. Le Sénat ainsi acté une hausse de 1,1 milliard d’euros de l’enveloppe versée par l’Etat aux communes, aux intercommunalités et aux départements, contre une hausse de 320 millions initialement prévue par le gouvernement. Jean-François Husson, rapporteur général LR du budget, a tout de même réussi à éviter le vote par ses collègues d’une indexation pérenne de la DGF sur l’inflation, comme c’était le cas jusqu’à 2010.
Le gouvernement proposait aussi un « filet de sécurité » aux collectivités dans ce projet de loi de finances 2023, en permettant à l’Etat de prendre en charge une partie de la hausse de dépenses d’énergie des collectivités les plus touchées. Un dispositif salué par le Sénat, mais dont la chambre haute a largement élargi les critères d’éligibilité. Les critères prévus par le gouvernement auraient exclu 40 % des collectivités, d’après Jean-François Husson, et les sénatrices et les sénateurs les ont donc supprimés, ouvrant le dispositif à toutes les collectivités territoriales.