Blocage de sites pornographiques : « La procédure est complexe », reconnaît l’Arcom devant le Sénat

Blocage de sites pornographiques : « La procédure est complexe », reconnaît l’Arcom devant le Sénat

La mission d’information du Sénat sur les dérives de l’industrie pornographique organisait ce mercredi une table ronde afin d’évaluer les solutions techniques permettant de restreindre l’accès de ces contenus aux mineurs. Deux ans après la promulgation de la loi, le dispositif n’est toujours pas mis en œuvre.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Ce mercredi, des représentants de l’Arcom, de Google, de la fédération française des télécoms (FFT), de la Cnil ou encore du Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) étaient auditionnés par la mission d’information du Sénat sur les dérives de l’industrie pornographique pour répondre à une question majeure. Pourquoi l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 peine à toujours s’appliquer ?

Pour mémoire, cette disposition, votée à l’initiative du Sénat, contraint les sites pornographiques de mettre en place un contrôle de l’âge de leurs visiteurs. L’Arcom (ex CSA) a la charge d’adresser une injonction de mise en conformité aux sites frauduleux. A défaut, l’Arcom peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris afin qu’il ordonne aux fournisseurs d’accès à Internet le blocage de ces sites depuis la France. Dès 2020, plusieurs associations de protection de l’enfance avaient fait pression sur le CSA pour qu’il agisse, mais faute de décret d’application, arrivé tardivement le 7 octobre 2021, ce n’est qu’en décembre dernier, que cinq sites pornographiques (Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos, et Xnxx) ont reçu l’injonction de se mettre en conformité.

» Lire notre article : Porno : le Sénat veut bloquer l’accessibilité des sites aux mineurs

Blocage des sites pornographiques : l’audience fixée au 6 septembre

C’est en mars 2022 que l’Arcom a saisi le président du tribunal judiciaire. « L’audience était fixée au 24 mai dernier. Mais en raison d’une erreur de procédure, qui a conduit à une annulation de l’assignation des fournisseurs d’accès à Internet, une nouvelle date d’audience a été fixée au 6 septembre 2022 », a expliqué Guillaume Blanchot, directeur général, de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique).

Le représentant de l’Arcom a reconnu que la procédure votée par le Parlement « était complexe ». « Il faut entourer nos décisions de toutes les garanties juridiques nécessaires […] les sites pornographiques visés par ces procédures se sont entourés de meilleurs avocats de la place de Paris et sont dans une approche que l’on peut qualifier de contentieuse à notre égard », a-t-il précisé rappelant que ces sites avaient déjà saisi les juridictions européennes et avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité.

Lire notre article : Porno : « C’est du proxénétisme à l’échelle industrielle », dénoncent les associations féministes auditionnées au Sénat

« Tout blocage fait par les opérateurs a ses limites »

Du côté de la Fédération française des télécoms (FFT), son directeur général Michel Combot rappelle que tout site illégal est bloqué mais sur la base d’une décision de justice. Il va donc falloir attendre l’audience de septembre pour voir une potentielle première mise en application de la loi. « Sachant que tout blocage fait par les opérateurs a ses limites », a-t-il souligné en faisant référence au VPN « des outils qui permettent de court circuiter les systèmes de blocage des opérateurs. C’est un vrai sujet d’inquiétude pour nous ».

« Je ne vois pas quelles sont vos solutions efficaces pour limiter l’accès aux mineurs »

La co-rapporteure de la mission d’information, Laurence Cohen a déploré « la prudence » des acteurs de la régulation.  « Je ne vois pas quelles sont vos solutions efficaces pour limiter l’accès aux mineurs », leur a-t-elle fait part.

Google France a mis en avant l’outil « safe search » qui permet de filtrer les recherches sur la plateforme « activée par défaut pour tous les utilisateurs connectés sous contrôle parental, pour tous les utilisateurs qui ont un compte de moins de 18 ans et pour tous les utilisateurs que nous suspectons d’avoir moins de 18 ans sur la base d’une analyse automatisée », a détaillé Olivier Esper, responsable des relations institutionnelles.

Bertrand Pailhes, directeur des technologies et de l’innovation à la Cnil a, lui, rappelé le point fort de l’avis émis par la Commission nationale informatique et libertés sur le décret d’application de la loi. A savoir l’importance « du mécanisme de double tiers pour gérer les preuves d’identité ». « Le principe de ce dispositif reporte la vérification de l’âge vers un autre service sur lequel l’utilisateur est automatiquement redirigé. Il fournit une preuve de son âge à ce service tiers. Le service génère en retour un jeton à destination du service requérant qui indique le résultat de cette vérification », a expliqué Florent Laboy, directeur adjoint du Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN). « Pour les sites pornographiques, il faut absolument éviter une collecte directe des données par les sites pornographiques comme les cartes nationales d’identité », a complété le représentant de la Cnil.

« On ne veut pas que le système d’estimation d’âge soit détourné pour capturer des vidéos à l’insu des personnes »

A ce sujet, Julie Dawson, directrice des affaires réglementaires de l’agence Yoti a présenté aux sénateurs un outil permettant d’estimer l’âge des utilisateurs grâce à l’analyse faciale. A ne pas confondre avec une reconnaissance faciale, qui est un traitement de données interdit par principe, mais avec des dérogations, par le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). « Il faut faire preuve de vigilance pour éviter une collecte de données qui crée de nouveaux problèmes. On ne veut pas que le système d’estimation d’âge soit détourné pour capturer des vidéos à l’insu des personnes pour faire du chantage à la webcam », a alerté Bertrand Pailhes.

Mercredi 15 juin, la mission d’information procédera à une dernière audition avant de remettre son rapport et ses préconisations. « Nous attendrons Laure Beccuau, procureur de la République au parquet de Paris, afin de voir de façon pratique comment veiller à ce que les sites qui n’obéissent pas ne nuisent plus », a annoncé Dominique Vérien, sénatrice centriste, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes.

> > Lire notre article : Porno : « Il faut cesser de traiter la pornographie comme un problème en soi », plaide une sociologue devant le Sénat

Dans la même thématique

Blocage de sites pornographiques : « La procédure est complexe », reconnaît l’Arcom devant le Sénat
3min

Politique

Le féminisme est une « révolution inéluctable, en marche, qui ne sera jamais arrêtée » pour Coline Serreau

Féminisme, écologie, fin du patriarcat, polyamour sont autant de sujets que Coline Serreau a traité avec humour dans ses films. Alors qu’une version restaurée de son film culte Trois hommes et un couffin sort au cinéma dans les semaines qui viennent, dans l’émission Un monde, un regard, elle livre au micro de Rebecca Fitoussi une leçon d’optimisme face à la montée des forces de « reflux », comme elle les nomme.

Le

Blocage de sites pornographiques : « La procédure est complexe », reconnaît l’Arcom devant le Sénat
3min

Politique

Guerre en Ukraine : « Nous sommes une Union de paix, mais notre projet maintenant ce sera la défense » plaide le président finlandais

ENTRETIEN EXCLUSIF. Au lendemain du sommet de la « coalition des volontaires » organisé à l’initiative de la France et du Royaume-Uni à Paris, le 27 mars 2025, le président de la République de Finlande, Alexander Stubb, interrogé par Caroline de Camaret, dit vouloir accentuer la pression sur Moscou sans pour autant faire de la question de l’envoi de troupes européennes en Ukraine le principal moyen d’y parvenir. Un entretien exclusif à voir en intégralité dans l’émission Ici l’Europe sur Public Sénat.

Le

« On attend cette décision sereinement » : le RN confiant sur le jugement de Marine Le Pen
6min

Politique

« On attend cette décision sereinement » : le RN confiant sur le jugement de Marine Le Pen

À trois jours de la décision du tribunal correctionnel dans l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national, les élus du parti alternent entre discrétion ou sérénité. Plusieurs espèrent que leur candidate sera en mesure de se présenter à la présidentielle, alors que le réquisitoire défend une inéligibilité avec application immédiate.

Le

SIPA_01200509_000052
6min

Politique

Procès des assistants RN : Marine Le Pen peut-elle se prévaloir de la décision du Conseil constitutionnel ?

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision au sujet d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par un élu local de Mayotte qui contestait sa peine d’inéligibilité « assortie d’une exécution provisoire », c’est-à-dire non suspensive en cas d’appel. Si la décision est sans impact juridique pour Marine Le Pen qui encourt, elle aussi, une peine d’inéligibilité immédiate, elle envoie néanmoins un message aux magistrats.

Le