Assassinat de Samuel Paty : faut-il créer un « délit d’entrave » à la liberté d’enseigner ?
Le sénateur LR de l’Oise, Oliver Paccaud a déposé une proposition de loi visant à créer « un délit d’entrave à la liberté d’enseigner ». Une nouvelle infraction qui vise en premier lieu les parents d’élèves. La FCPE rappelle que la loi garantit déjà la liberté pédagogique de l’enseignant.
Ancien professeur d’histoire-géographie, le sénateur LR, Olivier Paccaud ne veut pas laisser sans réponse les circonstances qui ont conduit à l’assassinat de Samuel Paty. Mercredi, lors des questions d’actualité au gouvernement, l’élu de l’Oise a interpellé le ministre de l’Éducation nationale. « Il est temps de réellement protéger les professeurs, de sanctuariser les cours d’histoire et d’instruction civique mais aussi de sciences, de lettres, de sport. M. le ministre, ne doit-on pas désormais instaurer un délit d’entrave à la liberté d’enseigner dans le cadre, évidemment, des programmes définis par l’Éducation nationale ? C’est un des moyens pour faire cesser la guérilla permanente des ennemis de l’école émancipatrice ». Une question à laquelle il n’obtiendra pas de réponse.
Olivier Paccaud est donc revenu à la charge ce jeudi, lors de l’audition commune de Jean-Michel Blanquer et Gérald Darmanin. « Nous sommes dans un moment de préparation de la loi dépendamment et indépendamment du crime qui vient d’être commis », a indiqué le ministre. « Nous sommes dans une situation d’ouverture sur les propositions qui peuvent être faites, dès lors que cela correspond à un impact concret réel. J’ai le sentiment que les outils juridiques que nous avons aujourd’hui nous permettent de faire face au problème que vous évoquez, mais je suis ouvert à une démonstration inverse, ça se regarde ça se discute. La question n’est pas de surabonder juridiquement mais de voir véritablement les effets juridiques que pourrait porter une telle idée. Sur le principe je n’y suis pas opposé », lui a répondu le ministre de l’Éducation nationale.
Sur le fond, Olivier Paccaud souhaite compléter l’article L 431-1 du Code pénal selon lequel :« Le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation ou d'entraver le déroulement des débats d'une assemblée parlementaire ou d'un organe délibérant d'une collectivité territoriale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Un article qui d’ailleurs a été récemment modifié par la loi juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Désormais, le fait d’entraver « l'exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique » est puni de la même sanction.
« Cette proposition de loi s’adresse aux parents d’élèves »
« Cet article liste toute une série de libertés qui ne doivent pas être entravées, On peut très bien ajouter un alinéa pour protéger la liberté d’enseigner » confirme le sénateur. Sa proposition de loi composée d’un article unique a été déposée au Bureau du Sénat. Elle est rédigée de la manière suivante : « Le fait de tenter d’entraver ou d’entraver par des pressions, menaces, insultes ou intimidations, l'exercice de la liberté d’enseigner selon les objectifs pédagogiques de l’Éducation nationale déterminés par le conseil supérieur des programmes, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
« Cette proposition de loi s’adresse aux parents d’élèves. Les enseignants sont là pour transmettre le savoir. Les parents sont là pour éduquer leurs enfants. Il faut que chacun reste à sa place » précise le sénateur. En ce qui concerne les entraves à la liberté d’enseigner que pourrait commettre un élève, Olivier Paccaud considère que « dans la classe le professeur a les moyens d’installer son autorité ». De même, les règlements intérieurs des établissements doivent permettre de régler ce type de problèmes ».
« Le code de l’éducation garantit déjà la liberté pédagogique de l’enseignant »
Pour la FCPE (Fédération des conseils de parents d'élèves), « cette proposition de loi relève plus de l’émotion que de la bonne pratique ». « L’article L912-1-1 du code de l’éducation garantit déjà la liberté pédagogique de l’enseignant. Pour le reste, le code pénal est là pour sanctionner, le harcèlement, les menaces ou les violences y compris pour des faits commis à l’intérieur d’un établissement scolaire par un élève Quand le dialogue n’est pas possible, c’est la règle s’impose à tous. Ce qu’il manque ce sont des personnels du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Intérieur pour les faire appliquer » répond Rodrigo Arenas co-président de la FCPE.
À ce sujet, l'article 433-3 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende la menace de commettre un crime ou un délit à l'encontre d'un enseignant « ou de tout membre des personnels travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire ».
« Nous ne voulons pas que la réponse à l’assassinat de Samuel Paty soit de l’ordre de la symbolique »
« Je pense qu’il faut attendre les conclusions de l’enquête administrative et judiciaire avant de se lancer dans la rédaction de nouvelles lois » réagit Jean-Remi Girard, président du SNALC-National (Syndicat national des lycées et collèges). « Je ne sais pas si cette proposition de loi changera notre quotidien. Nous ne voulons pas que la réponse à l’assassinat de Samuel Paty soit de l’ordre de la symbolique. Il y a des réflexions à mener par exemple sur la protection fonctionnelle dont les enseignants peuvent bénéficier comme tout fonctionnaire, mais aussi sur les délais de transmission des informations entre l’Éducation nationale et le ministère de l’Intérieur. On peut aussi faire évoluer les règles qui autorisent les parents d’élèves à être accompagnés dans les établissements ». Une référence à la présence dans le collège de Conflans-Sainte-Honorine, quelques jours avant l’assassinat de Samuel Paty, d’ Abdelhakim Sefrioui, islamiste bien connus des services de police, venu accompagné le père d’une élève.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.