Les reprises de séance au Parlement s’accompagnent parfois de prises de parole pour des rappels au règlement. A ce titre, il est plutôt rare qu’un président d’assemblée prenne lui-même le micro pour y lire une déclaration sans relation avec l’ordre du jour. A moins que sujet ne soit suffisamment grave. C’est ce qu’a fait Gérard Larcher, le président du Sénat, ce 1er décembre, juste avant la reprise des débats sur le budget 2021. C’est le signe que les déclarations au sujet de la controversée proposition de loi sur la sécurité globale, qui se succèdent depuis jeudi soir, aussi bien au gouvernement que dans les rangs de la majorité présidentielle, ont passablement irrité la présidence du Sénat.
Après des manifestations importantes contre l’article 24 du texte, qui prévoit de pénaliser l’utilisation malveillante d’images des forces de l’ordre, beaucoup de députés de la majorité ont annoncé une réécriture, voire une suppression du passage en question, adopté la semaine dernière par l’Assemblée nationale. Gérard Larcher a tenu à faire quelques rappels institutionnels. « La proposition de loi dont ils souhaitent travailler à la réécriture partielle est transmise au Sénat depuis le mardi 24 novembre dernier, après que les députés l’ont adoptée. Il revient donc au Sénat et à lui seul de l’examiner et de réécrire, si cela s’avère nécessaire, une ou plusieurs de ses dispositions », a-t-il souligné.
« Aucun comité d’experts, dépourvu de légitimité démocratique n’est habilité à réécrire un texte de loi en cours de navette »
Le texte doit être débattu par la haute assemblée au début de l’année 2021. Selon le président du Sénat, cet épisode vient conforter le bicamérisme, un « atout dans une démocratie ». Il y a « urgence », a-t-il exigé, de « revenir fonctionnement normal de nos institutions et de respecter les procédures constitutionnelles ».
Après la commission mixte paritaire qui devrait être convoquée en cas désaccord probable entre les deux assemblées, Gérard Larcher a indiqué qu’une deuxième lecture ne serait « pas inutile », notamment sur ce genre de « texte complexe ».
Citant une nouvelle fois la Constitution, le président du Sénat a réaffirmé une fois de plus son opposition à la commission voulue par Matignon pour travailler sur l’article 24. « Le pouvoir législatif appartient au Parlement et à lui seul », a mis au point Gérard Larcher. Avant d’ajouter qu’ « aucune commission, aucun comité d’experts, dépourvu de légitimité démocratique n’est habilité à réécrire un texte de loi en cours de navette ». Le discours du président du Sénat a été salué par des applaudissements nourris et une standing ovation de l’hémicycle.