Le budget des armées poursuit sa hausse, pour la quatrième année consécutive. Dans le projet de loi de finances pour 2021, le ministère bénéficie de 39,2 milliards d’euros de crédit, 7 de plus qu’en 2017. La ministre des Armées, Florence Parly, auditionnée ce 13 octobre 2020 devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, n’avait pas à rougir des chiffres exposés. La trajectoire financière de la Défense suit « à la lettre » la loi de programmation militaire pour le 3e exercice annuel de son application, et permet notamment de combler progressivement le retard matériel accumulé par les troupes françaises.
Voilà des années que la commission sénatoriale poussait pour un renforcement des crédits militaires. Sa crainte aujourd’hui : que le ministère subisse le contrecoup des dépenses engagées pour faire face à la crise sanitaire et à la crise économique et sociale qui s’est amorcée au premier semestre. « Il n’est pas question que ce soit la loi de programmation militaire qui fasse les frais de ces engagements de dépenses », s’est exclamé le président de la commission, le sénateur Christian Cambon (LR). L’année 2021 serait un rendez-vous crucial : ce sera l’année de l’actualisation de la loi de programmation militaire votée en 2018.
« De 2019 à 2023, c’est 110 milliards d’euros injectés dans l’économie »
À l’expression de « rendez-vous manqué » utilisée par le sénateur du Val-de-Marne, pour qualifier le sort des entreprises du secteur de la défense et de l’armement dans le plan de relance, Florence Parly a assuré que la Direction générale de l’armement portait une attention régulière aux PME et aux sous-traitants de la filière, notamment l’aéronautique. Mais surtout que les investissements répétés chaque année étaient la preuve d’un engagement de l’État pour cette économie.
« De 2019 à 2023, c’est 110 milliards d’euros injectés dans l’économie pour les seuls équipements et infrastructures. C’est l’équivalent en cinq ans d’un plan de relance […] Aucun ministère ne bénéficie depuis 2017 d’un pareil effort de remise à niveau », a-t-elle comparé. Elle n’a pas pu, en revanche, donner des précisions sur les arbitrages en cours concernant le futur remplaçant du porte-avions Charles de Gaulle. « Les éléments seront portés à votre connaissance très prochainement », s’est-elle contentée de préciser. En 2021, 261 millions d’euros seront engagés pour poursuivre les études sur le futur porte-avions de nouvelle génération.
Les effets du rachat d’avions Rafale par la Grèce inquiètent plusieurs sénateurs
La récente commande d’avions de combat Rafale par la Grèce a été l’une des inquiétudes exprimées par les sénateurs, notamment Cédric Perrin (LR) et Philippe Paul (rattaché au groupe LR). Le contrat en question porte sur 18 appareils : 6 seront neufs, 12 seront d’occasion. La ministre a déjà eu l’occasion d’annoncer que la France commanderait 12 avions neufs pour remplacer la perte pour l’armée de l’air (presque 10 % des effectifs).
Florence Parly a assuré que ce « prélèvement » ne « remettait pas en cause l’objectif » de la capacité opérationnelle de la France, qui attend des livraisons pour ses propres besoins dans la décennie à venir. En 2025, l’armée disposera bien de 129 appareils Rafale, selon elle. Elle s’est engagée à ce que les conséquences, opérationnelles et budgétaires, soient « les plus limitées possibles. « Peut-être qu’une re-dotation du programme Rafale sera nécessaire, mais en tout cas, nous essayerons de faire en sorte qu’elle soit la plus limitée possible, et elle nous apparaît soutenable. »
Le calendrier est le suivant : les six appareils neufs, destinés à la Grèce, seront livrés en 2022, suivis par les 28 avions commandés par la France entre fin 2022 et fin 2024. La récente commande par le ministère de 12 appareils sera honorée en 2025. « Pour éviter une réduction des capacités opérationnelles » dans l'intervalle, la ministre a indiqué que l'Armée de l'air travaillerait sur la mise à disposition de la flotte actuelle.
Le président Christian Cambon a voulu s’assurer que le produit de la vente des Rafale d’occasion à la Grèce revienne effectivement à l’Armée pour que celle-ci puisse investir dans de nouveaux appareils en remplacement. « Lorsqu’il y a une session de ce type, le produit de la session revient au budget général. Il faudra donc que nous menions le combat afin que ce produit de cette session soit compensé au ministère des Armées (…) Nous ferons nos meilleurs efforts pour ceux-ci ne soient pas retenus contre le budget du ministère des Armées », a également promis Florence Parly.
Florence Parly se montre rassurante sur le coût final des Opex en 2020
C’est désormais un classique dans les auditions centrées sur le budget des Armées, Florence Parly n’a pas échappé à la question du surcoût des opérations extérieures (Opex) et du financement de ces dépassements. « À combien faut-il s’attendre ? », a ainsi demandé la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret. L’an dernier, les Opex avaient coûté 1,4 milliard d’euros, loin de la provision de 1,1 milliard prévue dans le budget, ce qui a entraîné des réaffectations internes dans le budget, au détriment d’autres postes de dépenses.
Florence Parly a donné rendez-vous aux sénateurs au moment du débat budgétaire, dans un mois et demi, pour donner une première estimation du coût des interventions pour l’année en cours, mais elle s’est montrée optimiste sur le coût définitif. « Je ne suis pas certaine qu’en 2020 il y a aura une progression très visible de ce budget », a-t-elle souligné, précisant que l’enveloppe de la provision n’avait « pas vocation à croître » pour 2021. Au Levant, le coût de l’opération Chammal est en baisse, celle de Barkhane au Sahel est en hausse en revanche, sachant que 600 militaires de plus ont été déployés au début de l’année pour atteindre 5100 hommes. Les sénateurs ont prévenu qu’un débat devra avoir lieu, pour reposer la question de l’engagement des forces françaises dans cette région du monde.
L’audition a également été le moment pour la ministre de rappeler que le Service de santé des Armées (SSA), engagé dans la crise sanitaire avec l’opération Résilience, verrait ses crédits augmentés, et bénéficiera d’investissements dans les hôpitaux. Le nombre d’élèves praticiens sera augmenté de 15%, le nombre d’emplois étant supérieur aux trajectoires définies dans la loi de programmation. Florence Parly a toutefois rappelé que le rôle principal du SSA restait l’appui des forces armées et qu’il ne pouvait se substituer au système hospitalier civil. « Il ne s’agit pas de se soustraire à notre contribution, mais elle ne peut intervenir qu’à la hauteur de nos moyens. »