Allocation aux adultes handicapés : le Sénat adopte l’individualisation

Allocation aux adultes handicapés : le Sénat adopte l’individualisation

Contre l’avis du gouvernement, le Sénat a voté le principe de désolidariser l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) des revenus du conjoint. Un texte débattu en séance ce mardi grâce à une pétition sur le site du Sénat, qui a permis d’accélérer le calendrier parlementaire.
Public Sénat

Par Fanny Conquy

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Aujourd’hui plus de 1,2 million de personnes bénéficient de l’Allocation aux adultes handicapés, l’AAH, dont 270.000 sont en couple. Versée sous condition d’âge, de ressources et de taux d’incapacité, son montant peut aller jusqu’à 900 euros mensuels pour une personne seule. L’objectif de la proposition de loi, déposée en décembre 2019 par les députés du groupe Libertés et Territoires, est d « améliorer l’autonomie, la dignité et le pouvoir d’achat des personnes, tout au long de leur vie, et en particulier au moment où elles sont le plus vulnérables ».

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Principale mesure du texte : supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation. Pour les défenseurs du texte, il s’agit de favoriser l’autonomie financière des allocataires, et notamment des femmes en situation de handicap, qui ont d’autant plus besoin d’indépendance financière qu’elles peuvent être victimes de violences conjugales (selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, elles sont 34 % à être concernées par ces violences, contre 19 % des femmes valides). Selon le mode de calcul actuel en effet, si les revenus du foyer dépassaient un certain seuil, le bénéficiaire de l’AAH pouvait voir le montant diminuer, voire l’allocation supprimée.

 

Opposition du gouvernement

A l’Assemblée Nationale, en février 2020, les députés avaient adopté le texte, contre l’avis du gouvernement. Ce mardi, la quasi-unanimité des groupes au Sénat (écologistes, socialistes, centristes, LR, RDSE et CRCE) a voté en faveur de la proposition de loi, à nouveau contre l’avis du gouvernement. Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, a en effet souligné que la règle était que la solidarité familiale prévaut sur la solidarité nationale. En supprimant le revenu du conjoint du calcul de l’AAH, c’est donc un principe de droit commun qui est remis en question : « La proposition de loi vient justement remettre en cause le cœur de notre principe de solidarité et de redistribution. La solidarité nationale s’appuie sur la solidarité familiale pour adapter son soutien aux personnes précaires, ça constitue la base même de notre système socio-fiscal »

Sophie Cluzel: "Le texte remet en cause notre principe de redistribution"
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Les apports du Sénat

Le texte issu de l’Assemblée nationale a cependant été modifié par la commission des Affaires sociales du Sénat. Tout d’abord, sur les 270 000 ménages concernés par l’AAH, 44 000 seraient perdants avec ce nouveau mode de calcul. Les sénateurs ont donc proposé un dispositif de transition pour ceux qui verraient leur allocation réduite, voire supprimée, suite à la désolidarisation des revenus du conjoint dans le nouveau calcul. Pour ces couples en effet, il serait possible, pendant dix années, de continuer à bénéficier de l’ancien système.

Par ailleurs, les sénateurs se sont penchés sur le coût de la mesure. Selon les estimations du rapporteur du texte Philippe Mouiller, la réforme votée à l’Assemblée aurait eu un impact budgétaire de 20 milliards d’euros. La commission des Affaires sociales a donc introduit un plafond de ressources cumulées à l’AAH. Cette disposition permet ainsi de réduire le coût de cette réforme à 560 millions d’euros selon le rapporteur.

 

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Un amendement du sénateur de l’Isère Michel Savin a également été voté. Il prévoit d’exclure les aides et primes accordées aux sportifs paralympiques de la base de calcul de différentes prestations destinées aux personnes en situation de handicap. Un amendement qui avait reçu un avis défavorable du gouvernement.

Une pétition en ligne sur le site du Sénat

Au cours de la séance ce mardi, les sénateurs ont souligné le rôle de la plateforme de pétition sur le site du Sénat. Voulue par le Président du Sénat Gérard Larcher pour renforcer la démocratie participative, cette plateforme lancée en 2020 permet aux citoyens « proposer la création d’une mission d’information sénatoriale ou de soumettre une proposition de texte législatif en vue de son inscription à l’ordre du jour. » Les pétitions recueillant au moins 100 000 signatures en six mois, et validée par la Conférence des présidents, peuvent faire l’objet d’une proposition de loi.

Et justement, pour la première fois depuis la mise en place de la plateforme, une pétition demandant la désolidarisation de l’AAH des revenus du conjoint a recueilli plus de 100 000 signatures. Les sénateurs se sont donc saisis du sujet en inscrivant ce texte au calendrier parlementaire, plus tôt que prévu.

Pour les sénateurs, le succès de cette pétition illustre les attentes très fortes des associations et des citoyens sur ce sujet des Allocations pour adultes handicapés.

Le texte voté ce mardi devra être discuté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

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