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Affaire Benalla : ce qu’il faut retenir de l’audition Jean-Yves Le Drian devant la commission d’enquête du Sénat
Par Public Sénat
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Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est auditionné pour la première fois par la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla, ce mercredi 16 janvier 2019, à 17h45.
Jean-Yves Le Drian : « Une telle procédure, à ma connaissance, n’a pas de précédent dans notre histoire diplomatique »
Après avoir prêté serment devant la commission d’enquête, Jean-Yves Le Drian a fait une déclaration liminaire. Le ministre des Affaires étrangères, a d’abord évoqué la délivrance des passeports : « Monsieur Benalla, au moment où il a été mis fin à ses fonctions en juillet 2018, était en possession de deux passeports diplomatiques délivrés par mon département. »
Il a rappelé qu’il était « relativement classique » que des membres du cabinet du président de la République « bénéficient de deux passeports » lorsqu’ils ont à effectuer régulièrement des missions à l’étranger : « Il n'y a pas de passe-droit particulier qui a été effectué à l'égard de Monsieur Benalla. Il va de soi que mes services ignoraient le 24 mai 2018 que Monsieur Benalla avait été suspendu de certaines de ses fonctions ».
Concernant les démarches effectuées par son ministère pour récupérer les passeports détenus fin juillet 2018, Jean-Yves Le Drian a expliqué : « Monsieur Benalla a signé un engagement de restitution de ses passeports dès le terme de sa mission (…) Dès le 26 juillet, le bureau des visas du ministère a adressé à Monsieur Benalla, par lettres recommandées avec accusé de réception, une demande de restitution de ses passeports (…) En l’absence de réponse et de restitution, une nouvelle lettre dans les mêmes formes lui a été adressée le 10 septembre (…) Elle a été renvoyée par la poste. »
Le ministre des Affaires étrangères a tenu à souligner un point à ce sujet : « Une telle procédure, à ma connaissance (…) n’a pas de précédent dans notre histoire diplomatique (…) Généralement, les détenteurs de passeport diplomatique s’en tiennent aux engagements qu’ils ont souscrit par écrit. »
Et de poursuivre : « Le bureau des visas et des passeports diplomatiques a notifié par écrit, le 8 novembre, la demande d’invalidation (…) L’invalidation n’a pu être traduite concrètement dans le système d’information pour des raisons techniques. »
Jean-Yves Le Drian a alors invoqué une « incompatibilité de bases de données entre ministères », le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Intérieur.
« Le 3 janvier, à ma demande, le bureau des visas et des passeports, a saisi les avocats de Monsieur Benalla, d’une nouvelle demande écrite de restitution des passeports (…) et ces passeports ont été remis le 9 janvier par les avocats de Monsieur Benalla, aux autorités judiciaires » a-t-il déclaré. « Ce n’est que le 24 décembre, dans un article (…) paru dans le journal « Le Monde », que j’ai appris l’utilisation faite de ces passeports par Monsieur Benalla dans ses déplacements à l’étranger. Et là, particulièrement dans le cas du Tchad (…) Des éléments concordants nous laissent à penser que Monsieur Benalla a utilisé ses passeports diplomatiques, à de nombreuses reprises après son licenciement, et cela, dès le mois d'août. »
Pour conclure, le ministre des Affaires étrangères a expliqué avoir demandé à l’inspection de son ministère, un rapport sur les procédures relatives aux passeports diplomatiques et sur les fonctionnements du système d’information, qui lui a été rendu le 15 janvier et que le ministre propose de transmettre à la commission d’enquête.
L'audition est à suivre en direct sur publicsenat.fr et sur le canal 24/24.
Jean-Yves Le Drian sur les passeports : « Les vérifications ont été faites lors de la première demande […] le service concerné n’y a pas vu malignité. »
Jean-Yves Le Drian revient sur le renouvellement du passeport diplomatique. Pour lui, dans la mesure où c’est le chef de cabinet adjoint du Président qui en fait la demande, il ne voit pas le problème. Ce chef de cabinet adjoint est justement « chargé de la préparation des voyages à l’étranger. »
Jean-Yves Le Drian précise que, à cette époque, personne dans son ministère « n’est informé que M. Benalla a été suspendu. » De plus, à partir du moment où c’est un renouvellement, les vérifications ont déjà été faites. Ainsi, « le service concerné n’y a pas vu malignité. » Le ministre ajoute même qu’il « a envoyé une copie au service du protocole. »
Sur le déplacement au Tchad, Jean-Yves Le Drian l’a appris le 24 décembre, soit 20 jours après l’événement. Il considère que le Président a, lui aussi, été informé à ce moment-là. En tant « qu’habitué du Tchad », le ministre est en mesure de donner des précisions sur l’aéroport de N'Djaména. « Aucun avion privé qui se pose ne peut passer inaperçu » déclare-t-il.
Jean-Yves Le Drian a interrogé l’ambassadeur de France sur place. L’ambassadeur a, en effet, « été informé du déplacement de M. Benalla mais ne considérait pas qu’il fallait en faire rapport. » Pour le ministre, « il s’agit d’une erreur d’appréciation. »
Israël, Maroc, Bahamas… Jean-Yves Le Drian confirme l’utilisation de passeports diplomatiques par Alexandre Benalla
C’est par « déduction » que le ministre des Affaires Etrangères a compris qu’Alexandre Benalla avait utilisé une vingtaine de fois ses passeports diplomatiques depuis son licenciement de la présidence de la République, le 1er août dernier.
Devant la commission d’enquête du Sénat, Jean-Yves Le Drian explique : « À partir du moment, où j’ai eu la conviction que l’intéressé avait utilisé son passeport diplomatique pour se rendre à l’étranger, j’ai estimé qu’il était dans une situation illégale et j’ai saisi le procureur. J’ai eu cette conviction par le voyage au Tchad. C’est-à-dire le 24 décembre » explique-t-il.
Jean-Yves Le Drian indique avoir appris par la presse le voyage au Tchad d’Alexandre Benalla qui s’est déroulé début décembre mais est sortie dans la presse le 24 décembre. « Le chiffre d'une vingtaine de voyages que vous évoquez me paraît tout à fait plausible. Que l’ensemble de ces voyages ait été effectué par l’utilisation d’un des deux passeports diplomatiques me paraît plausible » poursuit le ministre.
En effet, Jean-Yves Le Drian révèle qu’après avoir eu l’information de ce voyage au Tchad, son ministère a contacté les autorités tchadiennes pour savoir si Alexandre Benalla avait utilisé un passeport diplomatique, ce qu’elles ont confirmé. « Par ailleurs, j’ai contacté un certain nombre de postes qui me paraissaient correspondre à des informations que je pouvais lire ici ou là ». Jean-Yves Le Drian fait référence aux propos tenus dans la presse par Philippe Hababou Solomon, un homme d'affaires franco israélien, devenu « le mentor » d’Alexandre Benalla. Philippe Hababou Solomon avait affirmé fin décembre : « si la France avait vraiment voulu l’empêcher de les utiliser (ses passeports diplomatiques), elle aurait très bien pu les désactiver. »
Le ministre des Affaires étrangères indique donc avoir eu la confirmation de la part des autorités tchadiennes mais aussi israéliennes qu’Alexandre Benalla avait utilisé un passeport diplomatique. « J’en déduis donc que sur l’ensemble des voyages qui ont été effectués, ils ont dû l’être avec le passeport diplomatique » conclut-il en citant le Maroc et les Bahamas.
La blague de Jean-Yves Le Drian : Benalla « est peut-être un fétichiste du passeport ! »
Malgré l’importance du sujet, le ministre des Affaires étrangères s’est permis une petite blague. Alors que le rapporteur Jean-Pierre Sueur lui dit « vous vous rendez compte, une personne qui se balade avec 4 passeports dont 2 diplomatiques… », Jean-Yves Le Drian complète : « Peut-être d’autres ! »
« On ne sait pas » sourit le sénateur PS. Jean-Yves Le Drian ajoute : « C’est peut-être un fétichiste du passeport ! »