Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Redessiner les frontières du Kosovo : attention danger dans les Balkans ?
Par Marie Oestreich
Publié le
On l'a oublié, mais en 2008 la proclamation de l'indépendance du Kosovo ouvrait, espérait-on, la porte de la paix dans les Balkans après une année de guerre sanglante entre Serbes et Kosovars d'origine albanaise. 10 ans après, le pays reste une mosaïque où des communautés se côtoient dans des réalités parallèles. Dans la ville de Mitrovica, par exemple la communauté Serbe qui habite le nord de la ville ignore le reste le la population d'origine albanaise qui habite de l’autre côté du pont.
Une identité imposée ?
On ne tourne pas aussi facilement la page d’un conflit ethnique qui a fait plus de 13 000 morts. Un « traumatisme » toujours brûlant des deux côtés pour l’historienne d’origine albanaise Falma Fshazi, comme le montre le documentaire « Kosovo, troubles identitaires ». Pour autant, pour Qëndrim Gashi, l’ambassadeur du Kosovo, des progrès ont été faits : « Au Kosovo, principalement, ce sont des problèmes entre Pristina et Belgrade, si vous n’êtes pas au Nord, alors la coopération entre les Albanais et les Serbes marche beaucoup mieux, ce qui n’était pas le cas juste après la guerre. »
Pour Sébastien Gricourt, directeur de l’Observatoire des Balkans à la Fondation Jean Jaurès et ancien conseiller Politique dans les Balkans : « Le sentiment général de la population c’est que c’est une identité imposée, comme si on pouvait faire table rase du passé ». En effet, il ne faut pas, de son point de vue, oublier que population Albanaise s’est justement battue pour défendre son identité au Kosovo. Actuellement, beaucoup de Kosovars ont tendance à se sentir albanais plus que citoyens de ce nouvel état : « sur l’identité, il n’est pas question de choisir entre être Albanais ou Kosovar, vous pouvez être Albanais, Kosovar et Européen à la fois, comme vous pouvez être Français et un Européen aujourd’hui ». ajoute Qëndrim Gashi.
La paix l'emporte tout de même
Depuis près de vingt ans, le Kosovo vit en paix : « Je suis optimiste pour mon pays, pour l’avenir du Kosovo, il s’agit d’un jeune pays, un état laïque où la jeunesse et toute la population ont une vocation de faire du progrès vers l’Union Européenne. » aime à penser l’ambassadeur. Mais si de réelles avancées existent dans « un état qui n’avait pas de tradition démocratique, pas de vraie tradition étatique », pour Marc Semo, journaliste du Monde chargé des questions diplomatiques, « aujourd’hui les nationalités au sein du Kosovo se côtoient, mais le passé n’a pas été oublié ».
Malgré l’avancée du processus et la déclaration de l’indépendance en 2008, il n’y a pas de normalisation entre la Serbie et le Kosovo. Les deux états ne se reconnaissent pas mutuellement. Un préalable à l’adhésion à l’Union Européenne : « Le problème c’est qu’on reste dans un conflit quasiment gelé, parce que si l’indépendance du Kosovo a été reconnue par 115 pays, un blocage subsiste. Le Kosovo ne peut pas rentrer dans l’Union Européenne, 5 pays ne veulent pas. Le Kosovo ne peut pas rentrer à l’ONU et donc tant qu’on n’aura pas cette reconnaissance mutuelle on reste dans l’impasse, et évidemment c’est quelque chose qui pèse terriblement sur le Kosovo. » détaille Marc Semo.
Redessiner les frontières, un jeu dangereux dans une région déjà morcelée ?
L’échange des enclaves serbes au nord du Kosovo et des territoires à majorité albanaise au sud de la Serbie tel qu’envisagé aujourd’hui par les deux pays pourrait mettre fin aux rancœurs mutuelles . Mais les habitants des territoires concernés et certains pays de l’Union européenne craignent le risque d’un nouveau « nettoyage ethnique » dans les régions en question.
Pour Marc Semo « Il ne faut pas avoir ce tabou de l’intangibilité des frontières. Les frontières en Europe ne sont pas intangibles, à partir du moment où on se met d’accord », par ailleurs « Au moment de la conférence d’Helsinki en 1975, on a reconnu que s’il y a accord entre les pays qui le désiraient, les frontières n’étaient pas intangibles. Et au moment de l’effondrement du communisme, il y a eu 11 000 km de frontières tracées en Europe. »
« En gardant les Balkans à l’extérieur, on risque de recréer une zone d’instabilité aux portes de l’Europe et la grande différence, c’est que pour les Américains, les Balkans sont périphériques mais pour l’Europe, c’est vital. »
Une lente marche vers l'Europe
Pour l’ambassadeur du Kosovo, le constat est clair : « Ce que les institutions kosovares cherchent à faire, c’est trouver un accord de paix entre le Kosovo et la Serbie qui va permettre d'aller vers l'Union européenne ». Même si certains pays, comme la France, à cause de leur opinion nationale, semblent de plus en plus réticents à cette idée, comme le souligne Marc Sémo : « Même dans des pays comme la France qui sont dès le début un des plus grands soutiens du Kosovo, Emmanuel Macron ne parle pas trop d’amener des nouveaux pays des Balkans, notamment le Kosovo, vers l’Union Européenne, à la différence de l’Allemagne qui insiste sur cette nécessité sur l’Europe d’accompagner. (...) Mais c’est une position très courte vue parce que justement cela risque de devenir la prophétie auto-réalisatrice, c’est-à-dire qu’en gardant les Balkans à l’extérieur, on risque de recréer une zone d’instabilité aux portes de l’Europe et la grande différence, c’est que pour les Américains, les Balkans sont périphériques mais pour l’Europe, c’est vital. »