Luc Carvounas, maire (PS) d’Alfortville, a dénoncé à son tour ce jeudi l’ampleur des économies demandées aux collectivités, notamment les communes, dans le cadre du budget 2025. « On n'est pas en train de se plaindre, a-t-il insisté, invité de la matinale de Public Sénat. Nous les maires, nous sommes des gens responsables. » Il attend un geste du Premier ministre Michel Barnier cet après-midi, en clôture du Congrès des maires de France.
Sécurité à Mayotte : « La réponse d’Elisabeth Borne n’est pas à la hauteur »
Par Tâm Tran Huy
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« Mayotte était paradisiaque, c’est maintenant l’enfer », voilà ce que l’on pouvait lire sur certaines pancartes brandies par les dizaines de manifestants qui attendaient Elisabeth Borne aujourd’hui place de la République, à Mamoudzou, alors qu’elle descendait de la barge reliant Petite-Terre à Grande Terre. Au cœur de l’exaspération des Mahorais : non pas l’eau, bien qu’elle continue toujours de manquer, mais la sécurité alors que l’île est en proie à des affrontements entre deux bandes rivales, les Watoro (les gens de la forêt) et les Terroristes.
« Partout des jeunes avec des machettes »
Anne Perzo-Lafond est journaliste pour « Le Journal de Mayotte ». Elle a suivi le déplacement de la Première ministre sur l’île et raconte : « Pour rejoindre le lieu où devait débuter la visite officielle, je suis partie du Nord de l’île et il y avait partout des jeunes avec des machettes, sur un parcours où Elisabeth Borne devait se rendre 3 heures plus tard. Les journalistes qui venaient du Sud se sont aussi fait caillasser. »
La veille, la journaliste a interviewé la Première ministre et est sortie déçue de l’entretien sur le volet sécuritaire. « Ils disent que le gouvernement est mobilisé, mais ça ne va pas. Je lui ai demandé s’ils allaient placer Mayotte en état d’urgence sécuritaire. » Aujourd’hui, la cheffe du gouvernement n’a eu aucun problème à faire un constat sévère : « la violence que vous vivez ce n’est pas normal. » a-t-elle déclaré. Mais l’état d’urgence n’est pas au programme. Elisabeth Borne a surtout fait valoir les effectifs de sécurité supplémentaires arrivés sur l’île. Le 28 novembre, face à la flambée de violences, Gérald Darmanin a annoncé l’envoi d’un escadron de 72 gendarmes mobiles. Mais pas de ministre de l’Intérieur cette fois-ci, alors que le projet de loi Immigration, en cours de débat à l’Assemblée, le retient en métropole. « Deux brigades, un escadron, ça ne suffit pas. La réponse n’est pas à la hauteur. » déplore Anne Perzo-Lafond.
« Avec la médiatisation de l’opération Wuambushu, les jeunes s’étaient tenus à carreau »
Au mois d’avril dernier, Gérald Darmanin avait lancé l’opération de police « Wuambushu », qui devait permettre de lutter contre l’habitat illégal insalubre en démantelant les bidonvilles, mais aussi contre l’insécurité et l’immigration clandestine. A l’époque, le ministre est acclamé par la population sur place. Aujourd’hui, dans les rues boueuses de Koundou, Elisabeth Borne a annoncé la mise en place d’une opération d’intérêt national sur trois communes pour aider au relogement des habitants dont les bidonvilles ont été démantelés. « Ce n’est pas digne de notre pays » a jugé la cheffe du gouvernement.
Pendant quelques mois, à la suite du déclenchement de l’opération Wuambushu, la situation sécuritaire a semblé se calmer. Tout l’été et au début de l’automne, le débat médiatique a été confisqué par la crise de l’eau. Au mois de septembre, le gouvernement a d’ailleurs annoncé la prise en charge des factures et la distribution d’eau en bouteilles. Pour Anne Perzo-Lafond, cette accalmie au niveau sécuritaire était trompeuse : « Si je veux me faire l’écho de certains parlementaires, ils disent que ça avait ramené le calme. Mais c’est surtout la médiatisation de cette opération qui avait fait que ces jeunes s’étaient tenus à carreau. Depuis, il y a eu des interpellations de chefs de gangs, mais en réalité, ils sont vite remplacés. »
Que faire des jeunes de Mayotte ?
« La moitié de l’île est peuplée de mineurs, dont de nombreux déscolarisés » raconte encore la journaliste. L’âge moyen à Mayotte est de 23 ans (contre 41 ans dans l’Hexagone), 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté et selon des chiffres de 2017, seulement 32% des personnes de 15 ans ou plus, sont sorties du système scolaire en possédant un diplôme qualifiant. « Il faut accompagner les familles nombreuses monoparentales », explique la journaliste qui raconte ces histoires de mère de famille qui voient rentrer leurs enfants avec des objets de valeurs sans rien oser leur dire. Son journal a rencontré un jeune qui détaille la composition de ces bandes : « La plupart ce sont des Mahorais, enfin des Français, nés à Mayotte, mais aussi certes des Comoriens. Souvent ce sont des jeunes qui n’ont plus de parents à Mayotte car leurs parents ont été expulsés. »
« La France assure les services publics des Comores »
Lutter contre l’immigration clandestine : alors que le débat occupe le Parlement en France, et fait l’objet d’une joute politique, Mayotte vit une situation exceptionnelle en matière d’immigration illégale. Pour comprendre cela, il faut se remettre en tête la situation géographique de l’île. Mayotte, qui est composée de deux îles principales, Petite Terre et Grande Terre, et d’une trentaine d’îlots disséminés, se trouve à moins de 70 km des Comores, de l’île d’Anjouan. Cette proximité facilite le flux d’immigration clandestine, car si Mayotte est le département le plus pauvre de France, les Comores sont un des pays les plus pauvres du monde. Selon l’INSEE, près de la moitié des habitants de Mayotte n’ont pas la nationalité française. Interviewée sur la radio Kwezi, la Première ministre a d’ailleurs annoncé renforcer les moyens de l’opération Shikandra de lutte contre l’immigration irrégulière.
« La France assure les services publics des Comores, soigne et assure la sécurité. On n’a pas les moyens. » résume Anne Perzo-Lafond. Lors de l’examen du budget 2024, le Parlement a pourtant voté une aide de 100 millions d’euros pour Mayotte. « Vous voyez que nous sommes massivement présents », a fait valoir Philippe Vigier, le ministre des Outre-mer, en saluant le vote du Sénat. « C’est même une aide de 150 millions » explique Anne Perzo-Lafond : « 50 millions au titre de 2023 et 100 millions pour 2024. » Ces 100 millions doivent aider le Conseil départemental pour financer l’Aide sociale à l’enfance ou encore la Protection maternelle et infantile. Mais s’agit surtout de boucher les trous, de compenser les fonds avancés par le département, alors que la croissance démographique explose. Anne Perzo-Lafond reconnaît bien ces mesures encourageantes, et salue les « qualités humaines » ainsi que « l’analyse » d’ Elisabeth Borne. Reste le point noir de la sécurité. Là-dessus, le constat est sans appel : « On est tous très déçus » conclut la journaliste.
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