L’ancien président de l’Association des maires de France, et actuel maire de Troyes, François Baroin a alerté sur les conséquences de l’effort demandé aux collectivités dans le budget 2025.
Protection des élus : la ministre des collectivités territoriales sous le feu des critiques des sénateurs
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Dans le cadre des dernières émeutes, 12 atteintes à des élus ont été recensées. L’attaque du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), Vincent Jeanbrun, a provoqué une vague de soutien de la part de la population pour les élus locaux. Le nombre de violences verbales et physiques contre des élus est passé de 1 720 à 2 265 entre 2021 et 2022. La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, auditionnée ce matin au Sénat, souligne toutefois une diminution de 4 % dans le premier semestre 2023. Mais Dominique Faure est loin de se satisfaire de ces chiffres. « La gravité est extrêmement forte », explique-t-elle. Elle est partagée par tous les sénateurs présents, mais personne ne s’accorde sur les réponses à apporter.
Éric Kerrouche et le groupe socialiste ont déposé une proposition de loi pour « transformer le statut d’élu de manière radicale ». La majorité sénatoriale LR porte une proposition de loi, visant « à renforcer la sécurité des élus locaux ». François-Noël Buffet, auteur de la PPL, souhaite renforcer les sanctions pénales sur les violences contre des élus. Dominique Faure annonce la tenue d’un colloque au mois de septembre, qui réunira associations d’élus et parlementaires, pour « voir si rien n’a été oublié » dans la réflexion menée par le gouvernement. « La crise récente et les émeutes doivent nous inviter à conclure sur le statut d’élu d’ici la fin de l’année » précise la ministre. Ce colloque se veut la synthèse des différentes propositions de lois pour le gouvernement.
Des agressions qui « mettent en péril le pacte républicain »
Le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, parle d’une violence physique « totalement libérée », devenue « réalité ». Les « statistiques » le prouvent, reconnaît Dominique Faure. « Si on s’en prend aux élus, c’est qu’ils incarnent l’ordre public », poursuit-elle. Cependant, pour Patrick Kanner (PS), « il ne s’agit pas de les comprendre, mais de les condamner ». Le temps est à l’action et non plus à la réflexion. Il critique la politique du gouvernement, et dénonce la passivité de l’exécutif : « Vous courrez toujours derrière l’événement, mais finalement vous l’avez provoqué ». Le sénateur du Nord est « en colère » suite aux émeutes. « J’ai 20 villes dans le Nord qui ont été massacrées. Le centre-ville de Denain n’existe plus ».
« Rien n’est excusable » pour Éric Kerrouche (PS). « Ce sont des actes criminels » pour François-Noël Buffet (LR). La ministre défend la politique du gouvernement apportée en amont et en aval de la situation. « L’Etat n’a pas abandonné les élus », mais elle reconnaît des imperfections. L’incendie du domicile de Yannick Morez, le maire de Saint-Brévin-les-Pins (Morbihan), en est l’illustration. Elle explique que les magistrats condamnent plus lourdement quand les délits touchent les élus. Mais les sénateurs appellent à des décisions plus fortes pour les élus locaux, « la seule catégorie à être exposée en permanence à la population » pour François Bonhomme (LR). Le socialiste Didier Marie parle même d’un « pacte républicain en danger ». Et pour lui, « ce n’est pas en accueillant 200 maires à l’Elysée » que la situation va être corrigée : « Ils demandent de la reconnaissance ». Patrick Kanner est intraitable sur le sujet et en attend beaucoup du gouvernement. « Vous ne pouvez pas balader la représentation nationale de petits textes en petits textes », lance-t-il à la ministre déléguée.
« Nous sommes conscients que nous devons aller plus loin »
Le gouvernement prend sa part de responsabilité, mais réfute les critiques les plus virulentes, comme celles de Patrick Kanner. Dominique Faure appelle à « ne tirer aucun enseignement de ce qu’il s’est passé ces six derniers jours à court terme ». Elle justifie cette position par le fait que ces violences ont été le fait d’une minorité : « Ce n’était que des groupuscules ». Et les réponses apportées depuis plusieurs années aux élus locaux, à en entendre la ministre, ont été satisfaisantes mais pas suffisantes. Elle rapporte que plusieurs maires lui ont affirmé que « ça aurait été bien pire » sans elles. Suite à l’agression de Saint-Brévin-les-Pins, Elisabeth Borne a annoncé une série de mesures, regroupées dans un « pacte sécurité ». Il est notamment prévu un meilleur dialogue entre élus, procureurs et forces de l’ordre. « Tous les élus doivent identifier leur interlocuteur privilégié ». Depuis, Dominique Faure a pu constater un meilleur échange entre EUX. Par exemple, lors de ses déplacements auprès des élus locaux, les procureurs sont aussi présents. Ce qui n’arrivait pas précédemment.
Alain Marc (Les Indépendants) se félicite de cette avancée, et souhaite inclure dans la formation des procureurs, tout un volet consacré aux élus locaux et leur protection. Ce travail répond à l’un des quatre axes fixés par le gouvernement dans sa politique d’accompagnement des élus locaux. Ils consistent à assurer un « appui psychologique », la « sécurité physique des élus », une « réponse judiciaire » adaptée ainsi qu’à améliorer « les relations entre les maires et les parquets ». Mais pour certains sénateurs, il manque l’aspect crucial du statut des élus. Alain Marc veut « repenser la place du maire dans la société », il en est de même pour le groupe socialiste. Patrick Kanner refuse que les maires deviennent « les variables d’ajustements de l’incurie politique de ce gouvernement ». Mais Dominique Faure rejette ces propositions. Dans les échanges qu’elle a eu avec les maires à l’Elysée, elle a pu constater qu’il « n’y a pas du tout un consensus sur le fait qu’il faille réinventer la politique de la ville ».
La ministre déléguée chargée des collectivités territoriales se dit cependant ouverte au dialogue. Elle a ainsi lancé des invitations à discuter plus longuement, à son ministère, à plusieurs sénateurs présents. Le traitement des élus locaux a « besoin d’un travail en profondeur ». Françoise Dumont (LR) – victime de l’agression verbale d’un humoriste du service public il y a trois mois – témoigne sur la longueur du processus judiciaire dans la protection des élus. Une audience était prévue en juin, elle a été repoussée au 30 septembre 2024. Mais « l’engagement d’élus n’est pas un engagement comme les autres », elle demande à ce que les sanctions soient traitées plus rapidement. Pour Dominique Faure, « ça donne l’impression qu’on s’en fiche », mais elle affirme la présence du gouvernement sur le dossier. Pour ce qui est du statut des maires, il faut donc attendre le colloque de septembre pour avoir les propositions concrètes du gouvernement.
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