Un mois pour trouver un accord. Dans la matinée de mardi, la préfète du Grand Est, Josiane Chevalier, a reçu Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), et Franck Leroy, président macroniste du conseil régional du Grand Est. Face à un risque de sécession de l’Alsace, l’enjeu pour la préfète est de proposer de nouvelles délégations de compétences au profit de la Collectivité européenne d’Alsace.
« Les échanges se sont déroulés dans un climat constructif et un accord sur un programme de travail a été établi avec des rencontres régulières », a publié la préfecture dans un communiqué, à l’issue de cette première réunion.
Avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne, l’Alsace a été intégrée à la région Grand Est en 2015 et ne constitue donc plus elle-même une région depuis.
Depuis 2021, l’Alsace bénéficie toutefois d’un statut particulier avec la création de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), qui fusionne des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Cela apporte notamment à l’Alsace des compétences inédites sur la coopération transfrontalière, le tourisme ou encore la gestion des routes nationales.
Des propositions d’Emmanuel Macron insuffisantes pour le président de la Communauté européenne d’Alsace (CEA)
Pour le président LR de la CEA, les propositions du chef de l’Etat sont insuffisantes. Il faut selon lui aller plus loin et refaire de l’Alsace une collectivité unique qui fusionnerait les attributions régionales et départementales.
Une hypothèse rejetée par Emmanuel Macron. En visite à Strasbourg fin avril, le président de la République a refusé une sortie de l’Alsace du Grand Est, tout en proposant de rouvrir dans un délai d’un mois « la question de certains transferts de compétences », comme l’artisanat, le commerce et les sports.
Ces revendications de sortie de l’Alsace du Grand Est s’élèvent dans le débat notamment depuis que le scénario d’une autonomie de la Corse se profile, même s’il n’est pas question d’autonomie dans le cas de l’Alsace.
A l’occasion d’une consultation organisée en 2022 par la CEA, les 150 000 participants au vote ont plébiscité à 92 % une sortie de l’Alsace de la région Grand-Est. « Il est impossible de ne pas tenir des souhaits manifestés par la population, sinon ce serait piétiner la démocratie », affirme André Reichardt, sénateur LR du Bas-Rhin et président du Mouvement l’Alsace.
Ancien président du conseil régional d’Alsace, l’élu regrette entre autres une perte de plusieurs centres de décision en Alsace depuis le redécoupage, ou encore des relations économiques dégradées avec l’outre-Rhin. Il résume : « Alsace a toujours été une locomotive économique et nous sommes aujourd’hui un wagon ».
Au palais du Luxembourg, d’autres sénateurs partagent aussi cette volonté de refaire de l’Alsace une région, comme Christian Klinger et Sabine Drexler.
La question divise au sein du camp présidentiel. Olivier Becht, député Renaissance du Haut-Rhin et ancien ministre en charge du Commerce extérieur et de l’Attractivité, apporte son soutien aux partisans d’une région Alsace.
« Les grandes régions ont plus de moyens financiers pour soutenir les territoires »
Un projet de sortie de l’Alsace de la région Grand Est auquel s’oppose Franck Leroy, président macroniste du conseil régional du Grand-Est, pour qui l’attractivité économique de la région Grand Est a été confirmée au sommet « Choose France ».
L’idée d’un redécoupage a été remise en cause fin avril par l’envoi à l’Elysée d’une lettre signée par une trentaine de maires s’y opposant.
« Une nouvelle modification de l’organisation territoriale serait incompréhensible, contre-productive et irrespectueuse du travail entrepris par le plus grand nombre depuis 2016 », ont notamment écrit ces édiles, dont les maires de Strasbourg, Mulhouse, Haguenau et Saverne.
De son côté, la présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, assure que « l’Alsace n’a pas perdu son identité » depuis son absorption par la région Grand Est. « La région participe au financement des infrastructures, comme le Réseau express métropolitain européen. […] Et les grandes régions ont plus de moyens financiers pour soutenir les territoires », souligne Pia Imbs, même si elle n’est pas fermée à corriger la loi de 2015 en réfléchissant sur certaines compétences « qui relève plus de politique de proximité ».
Les conclusions à venir de la mission sur la décentralisation confiée au député Éric Woerth par Emmanuel Macron pourraient fortement influer sur le sort institutionnel de l’Alsace.