Aller vite, y compris dans la réponse législative. Le projet de loi sur l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des émeutes de la fin juin et de début juillet a entamé son parcours législatif dès ce lundi. Présenté en Conseil des ministres le 13 juillet, le texte vise à faciliter les procédures, en autorisant le gouvernement à agir par ordonnances. L’examen en séance au Sénat est prévu ce mardi, puis jeudi à l’Assemblée nationale, avant une commission mixte paritaire le vendredi, pour tenter de parvenir à un texte commun entre les deux chambres.
Mairies, écoles, médiathèques, commissariats de police : au total, plus de 750 bâtiments publics ont été atteints durant la semaine de violences urbaines consécutives à la mort du jeune Nahel à Nanterre, dans un contrôle de police. Selon Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 50 édifices ont été « complètement détruits » durant ces nuits.
Réunis ce lundi après-midi, les membres de la commission des affaires économiques ont adopté le projet de loi, avec peu de modifications, rédactionnelles pour la plupart. Un amendement de la sénatrice Catherine Di Folco (LR) a été adopté pour modifier l’intitulé du projet de loi. Celui-ci ne fera plus seulement référence à la reconstruction. Le texte amendé ce lundi évoque désormais « l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet ».
Le texte a fait l’objet d’un large consensus. « Il y a une volonté commune de reconstruire vite et d’aider les maires, financièrement, techniquement et moralement », souligne Sophie Primas (LR), présidente de la commission des affaires économiques et rapporteure du texte.
Urbanisme, marchés publics, financement : plusieurs adaptations prévues
Pour restaurer au plus vite ces différents services publics, le projet de loi prévoit plusieurs dérogations au droit commun. Le premier article est une habilitation du gouvernement à agir par ordonnance pour adapter le Code de l’urbanisme. L’ordonnance doit permettre au constructeur de lancer les opérations de démolition et de préparation du chantier sans attente l’obtention de l’autorisation d’urbanisme. Pour l’instruction des demandes d’autorisation, le projet de loi vise un délai maximum d’un mois et demi, soit une division « par deux, voire trois ».
Second aspect du texte : assouplir les obligations en matière de commande publique, afin de gagner là encore du temps. L’ordonnance autorisera les pouvoirs publics à conclure des marchés sans publicité, mais avec mise en concurrence préalable. « Nous ne remettons absolument pas en cause la nécessité de faire en sorte qu’il y ait une consultation et une comparaison d’offres différentes », a expliqué Christophe Béchu la semaine dernière.
Le dernier volet du projet de loi concerne le financement. Là aussi, le gouvernement sollicite une autorisation à agir pour ordonnance afin de lever certains freins. D’abord, il veut suspendre l’obligation d’une participation minimale de 20 % pour les collectivités locales, de sorte à rendre possible un « zéro reste à charge ». L’ordonnance doit permettre également aux collectivités de récupérer la TVA engagée dans leurs travaux de reconstruction, sans attendre le délai habituel de deux ans.
Un article polémique, qui proposait d’autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance sur les copropriétés dégradées, n’a finalement pas été retenu dans le texte présenté.
Parmi les amendements retoqués en commission, ceux du sénateur Christian Redon-Sarrazy (PS) exigeaient une publication des ordonnances au plus tard au 31 juillet, là où le projet de loi mentionne des délais allant de deux à trois mois après la promulgation de la loi. « Il y a la volonté que les ordonnances soient publiées très rapidement. On partage cet objectif, je crois que le gouvernement est dans la même intention », commente Sophie Primas. Outre le recensement exhaustif des dégâts qui n’est encore finalisé, la sénatrice évoque aussi la nécessité de laisser une marge pour pouvoir apporter des correctifs aux ordonnances, si besoin était. Dans son avis, le Conseil d’État s’était interrogé sur « le caractère réaliste » d’un délai de deux mois pour l’habilitation des ordonnances.
Les débats sur le fond devraient être assez rapide ce mardi en séance. Pour autant, des discussions sur les causes et les raisons des violences devraient être évoqués. « Reconstruire au plus vite, évidemment, mais comment éviter que cela ne se reproduise ? Nous voterons ce texte mais nous voulons un débat », a annoncé sur Twitter Patrick Kanner, le président du groupe socialiste.