La proposition de loi « visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité » a été définitivement adoptée hier par l’Assemblée nationale, après avoir été validée par le Sénat le 11 mars.
Les listes paritaires appliquées à toutes les communes
Ce texte vise à élargir le scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants pour les élections municipales. Il devrait s’appliquer dès les prochains scrutins, en 2026. Jusqu’alors, ces communes étaient soumises au scrutin de liste majoritaire à deux tours, avec possibilité de panacher les listes, c’est-à-dire de rayer certains noms qui y figurent. Dorénavant, ces communes éliront leurs représentants à partir de listes paritaires, sans possibilité de panachage, pratique qualifiée de « tir aux pigeons » par les rapporteurs du texte au Sénat. « Ce n’est pas franchement une démarche positive », dénonce Nadine Bellurot, sénatrice LR de l’Indre et co-rapporteure de la proposition de loi.
Le texte a été adopté par l’Assemblée nationale après de vifs débats entre la gauche, l’extrême-droite et les composantes du bloc gouvernemental (LR, Renaissance, MoDem, Horizons). Alors qu’initialement, un amendement repoussant la date d’application de la proposition de loi à 2032 avait été adopté, une seconde délibération demandée par le gouvernement a permis de revenir à la situation initiale et d’adopter le texte conforme à sa version votée au Sénat. Dans la Chambre Haute aussi, cette proposition de loi avait donné lieu à de vifs débats.
Certains craignent que la parité n’entraîne un manque de candidats
Les plus ardents pourfendeurs de cette loi, à l’Assemblée comme au Sénat, craignent que l’introduction de la parité n’empêche les petites communes de constituer leurs listes, par manque de candidats et de candidates. C’est le cas du groupe RN à l’Assemblée, ainsi que de certains LR dans les deux chambres. « Croyez-vous qu’imposer des contraintes supplémentaires aux petites communes les aidera à attirer des candidats ? Comment feront les communes qui ne parviendront pas à constituer de listes paritaires ? », avait défendu, en séance, la sénatrice LR de l’Eure, Kristina Pluchet. « Toutes les communes n’ont pas une parité parfaite de leur population et dans les petites communes, les écarts entre les deux sexes peuvent être parfois manifestes, à quoi s’ajoute la problématique de l’âge », avait-elle argumenté.
Une inquiétude qui n’est pas partagée par André Laignel, premier vice-président de l’Association des maires de France. Le 1er avril, il expliquait au micro de Public Sénat : « Je suis convaincu qu’il y aura toujours des Françaises et des Français qui ont envie, de s’engager, d’être utiles à la société […]. A l’arrivée, je pense qu’il y aura toujours des candidats [pour être élu municipal] ». Ce texte a d’ailleurs reçu l’appui de l’AMF.
« Quand on a appliqué le scrutin de listes paritaires aux communes de 1 000 à 3 005 habitants, c’étaient exactement les mêmes mots »
« C’est un texte qui existe depuis 2022 et qui est soutenu par les instances comme l’AMF et l’association des maires ruraux », défend Nadine Bellurot. Elle a donc suivi, incrédule, les débats vifs sur ce texte. « J’ai relu les débats de 2013, quand on a appliqué le scrutin de listes paritaires aux communes de 1 000 à 3 005 habitants, c’étaient exactement les mêmes mots », raconte-t-elle. Elle défend une démarche « positive », qui vise à répondre à la crise de l’engagement des élus et aux nombreuses démissions de maires. « Cette loi permettra d’élire une équipe autour d’un projet, avec de la cohésion, en lançant une dynamique », argumente-t-elle.
Devant l’inquiétude de certains parlementaires de voir les petites communes dans l’impossibilité de constituer des listes avec les nouvelles dispositions, les sénateurs ont adopté deux dispositifs de sécurisation. D’abord, les communes de moins de 1 000 habitants pourront présenter des listes incomplètes. Ensuite, des élections complémentaires pourront être organisées en cas de démissions importantes de conseillers municipaux, sans avoir à réorganiser une élection municipale partielle. Enfin, il sera possible de déroger à la règle du remplacement par une personne de même sexe pour les adjoints.
La « fin d’une zone blanche de l’exigence constitutionnelle de parité »
Le co-rapporteur de la loi au Sénat, le socialiste Éric Kerrouche, a salué dans un communiqué de presse cette adoption. « Ce mode de scrutin sort ces quelque 25 000 communes d’une « zone blanche » de l’exigence constitutionnelle de parité », peut-on y lire. Ce vote est également applaudi par Intercommunalités de France, qui écrit : « Il devenait inacceptable de maintenir pour les seules communes de moins de 1 000 habitants un mode de scrutin créé il y a plus de 140 ans et qui ne tenait aucunement compte de l’objectif de féminisation des assemblées élues ».
Pas de « fléchage » pour l’élection des conseillers communautaires
Après son passage en commission, au Sénat, le texte avait été enrichi d’une mesure concernant l’élection des conseillers communautaires (métropole, communauté de communes). Dans les communes de moins de 1000 habitants, ils sont nommés dans l’ordre du tableau du conseil municipal. Les sénateurs proposaient d’harmoniser le dispositif qui s’applique dans les autres communes, c’est-à-dire un « fléchage » des conseillers communautaires directement sur la liste des élections municipales. Mais cette modification, adoptée en commission, a été supprimée en séance au palais du Luxembourg, par un amendement gouvernemental. Il juge en effet cette extension « disproportionnée ». « L’extension du scrutin de liste paritaire au sein du conseil municipal entraînera naturellement, mais de façon progressive, l’accroissement de la parité au sein de leur représentation communautaire, sans qu’il soit nécessaire d’imposer des contraintes excessives aux petites communes », peut-on lire dans l’exposé des motifs de l’amendement. Une suppression que regrette Intercommunalités de France, qui, dans un communiqué, explique : « Une telle mesure aurait poursuivi les mêmes objectifs que cette loi et devient absolument nécessaire, plus rien ne justifiant que les habitants des communes de moins de 1 000 habitants soient privés de l’élection directe de leurs représentants intercommunaux ».