Déserts médicaux : Le Sénat adopte une proposition de loi pour préserver l’accès aux pharmacies dans les zones rurales
Par Alexis Graillot
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Un phénomène qui inquiète, mais qui n’en est encore qu’à ses prémisses. Alors que le nombre de pharmacies est passé de 25 000 à un peu plus de 19 000 en l’espace de 25 ans, le Sénat, à l’initiative de Maryse Carrère, a adopté une proposition de loi visant lutter contre les déserts pharmaceutiques. 3 objectifs majeurs de ce texte : « Maintenir le maillage existant » et « lutter contre l’apparition de déserts pharmaceutiques ».
« Un maillage officinal en affaiblissement constant depuis dix ans »
Selon le rapport de la sénatrice RDSE de la Lozère, Guylène Pantel, « la France a perdu plus de 1 800 pharmacies d’officine entre 2012 et 2022 », soit un peu plus de 8%, alors que la population a augmenté dans le même temps, de 3,7%. De fait, alors que l’hexagone comptabilisait 34 pharmacies pour 100 000 habitants en 2012, ce chiffre a considérablement diminué à hauteur de 30 pharmacies pour 100 000 habitants, dix ans plus tard.
Phénomène sans doute plus inquiétant, l’inéquité de la répartition des officines sur le territoire national, puisque environ d’un tiers de celles-ci sont localisées dans des communes de moins de 5 000 habitants. Le nord-ouest du pays (Ile-de-France incluse), se retrouve ainsi parmi les territoires les plus faiblement dotés, avec de nombreux départements disposant de moins de 28 pharmacies pour 100 000 habitants.
« Des mesures législatives entièrement inappliquées »
Si le rapport constate que des dispositifs législatifs ont été mis en place, à savoir d’une part, des « antennes d’officines », visant à « maintenir l’accès aux médicaments dans les communes à très faible population », d’autre part, le dispositif dit « territoires fragiles », qui vise à assouplir les conditions d’ouverture de pharmacies dans les territoires les moins bien dotés, un chiffre est à retenir : 0, comme le nombre d’antennes créées, tout comme le nombre de territoires fragiles identifiés. Par la proposition de loi, la chambre haute souhaite « contraindre le Gouvernement à agir en rendant ce dernier dispositif, directement applicable au 1er octobre 2024, en l’absence de décret ».
Crispation sur un amendement permettant l’ouverture de pharmacies d’officine dans une commune de moins de 2500 habitants
Enfin, à 211 voix contre 124, le Sénat a voté en séance publique, un amendement permettant l’ouverture de pharmacies d’officine dans une commune de moins de 2500 habitants, « lorsque celle-ci est incluse dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officines dont les populations cumulées dépassent ce seuil ». « Le critère de 2 500 habitants est injuste, car c’est le bassin de vie qui compte, non la population municipale », justifie Cédric Vial, sénateur de Savoie (rattaché LR), au grand désarroi de ses collègues LR et du gouvernement : « Votre amendement étend le dispositif sur les territoires fragiles à tout le territoire », conteste le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux. Même son de cloche du côté de ses collègues LR, qui sont cependant apparus divisés sur le vote de cet amendement (39 pour, 88 contre, 5 abstentions). « Pas moins de 30 000 communes comptent moins de 2 000 habitants. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de pharmacies dans ces zones ! », assène Pascale Gruny. Sa collègue Corinne Imbert, pharmacienne de métier abonde : « Attention à ne pas faire de démagogie ! La réalité est plus complexe ». La gauche, quant à elle, s’est prononcée à l’unanimité en faveur de l’amendement : « Il faut mieux cibler, dites-vous, monsieur le ministre ? Mais c’est ce que nous faisons : nous ciblons les territoires sans commune de plus de 2 000 habitants. C’est le cas dans ma communauté de communes, qui compte 10 000 habitants, mais la commune la plus grande n’en compte que 1 300. Or ces territoires ont aussi besoin d’une pharmacie ! », soutient le sénateur écologiste de l’Isère, Guillaume Gontard.
A la fin des débats, la déception était palpable chez une partie de la droite, pourtant favorable au texte sorti de commission ; « Je suis déçu de voir le texte ainsi modifié. En voulant bien faire, vous risquez d’obtenir le contraire de ce que vous souhaitez », a conclu Philippe Mouiller, président LR de la commission des affaires sociales qui craint que ce texte « ne prospère pas au-delà de nos murs ».
Simple coup d’épée dans l’eau ou véritable avancée contre la désertification médicale ? En l’état actuel, le texte devra d’abord passer par l’Assemblée nationale, où ses ambitions risquent d’être revues à la baisse … si tenté qu’il soit examiné.
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