Décentralisation : un lancement des concertations « d’ici le mois de juin », confirme Éric Woerth, après la remise de son rapport

Confirmant « l’intention réelle » de la part de l’Elysée de mener un nouvel acte de décentralisation, le député de l’Oise, qui a présenté devant les sénateurs son rapport de 51 propositions, « Décentralisation : le temps de la confiance », souhaite redonner un élan à un système « à bout de souffle ».
Alexis Graillot

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« Un sujet qui passionne le Sénat », esquissait d’emblée le président LR de la commission des lois, François-Noël Buffet, pour démarrer l’audition d’Éric Woerth, ce mercredi 5 juin. Cumul des mandats, réforme des métropoles Paris-Lyon-Marseille, nationalisation du périphérique parisien, présence renforcée du département : les sujets ne manquaient pas pour l’ex-ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, auditionné par la commission des lois, en partenariat avec la délégation aux collectivités territoriales du Sénat.

Pendant près de deux heures, l’actuel député Renaissance de l’Oise, a expliqué son souhait d’être « réaliste » dans les conclusions tirées de son rapport, et sa volonté de « ne pas chercher ni à politiser, ni à personnaliser les choses », afin de « conserver un cadre qui pourrait s’appliquer dans un acte de décentralisation ». Un constat peu ou prou semblable à celui qu’il avait fait devant les sénateurs, le 8 février dernier, à l’occasion d’une précédente audition (lire notre article).

« Valoriser l’intelligence territoriale »

« Libertés locales de plus en plus atrophiées », « désengagement de l’Etat », « système de financement à bout de souffle », « lassitude face à cette forme de recentralisation », tel était le constat amer dressé par François-Noël Buffet, qui appelle à « relancer rapidement le processus de décentralisation ». Alors que plusieurs propositions de loi d’initiative sénatoriales ont été votées ces derniers mois au Sénat, à l’image de la « loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux », ou encore celle portant création d’un « statut de l’élu local ».

« Nous ne cessons de plaider sans relâche, en avocats convaincus pour valoriser l’intelligence territoriale », martèle de son côté, Françoise Gatel, présidente centriste de la délégation aux collectivités. De manière générale, la sénatrice d’Ille-et-Vilaine voit ce rapport plutôt d’un bon œil, à l’image de la « réforme des scrutins », du « renforcement de l’Etat territorial », ou encore de la création d’un « pouvoir réglementaire autonome », elle affiche cependant certaines réserves. « La différenciation territoriale figure avec une très grande discrétion », regrette l’élue bretonne, qui fait part d’associations d’élues « dubitatives » sur le sujet. « Les collectivités doivent avoir les moyens pour remplir leurs compétences et un pouvoir réglementaire réel », tente de rassurer Éric Woerth.

Inquiétude également sur une des mesures phares du rapport, à savoir le retour du conseiller territorial, voté sous Nicolas Sarkozy, mais abrogé sous François Hollande. Si les sénateurs se montrent plutôt favorables à la mesure, ils expriment leur doute, notamment au regard de son « mode d’élection » ou encore sur les questions de « parité ». « Oui la parité est plus difficile, mais c’est constitutionnellement possible », défend de son côté Éric Woerth, pour qui ce conseiller constitue « un lien électoral » entre la région et le département. « Les conseillers régionaux ont un mal fou à émerger. L’anonymisation n’est pas bonne, le conseiller territorial permet d’avoir un élu intermédiaire puissant et d’une reconnaissance par le vote cantonal », expose-t-il. Un argument qui ne convainc pas vraiment Éric Kerrouche, sénateur socialiste des Landes : « Un élu dans deux échelons différents avec deux compétences différentes n’est ni possible, ni souhaitable », tonne-t-il.

Pas de remise en cause du millefeuille territorial

Le rapport ne souhaite cependant pas chambouler l’équilibre territorial, le député de l’Oise qualifiant la suppression de strates comme « irréaliste ». De la même manière, il ne souhaite « pas rouvrir le débat » de la création de nouveaux d’impôts, promettant cependant que la puissance publique veillera aux dispositifs de péréquation.

A titre personnel, il se montre « très favorable à l’intercommunalité », estimant cependant que celle-ci n’a « pas besoin de structure juridique supplémentaire. L’occasion également pour le député de rappeler son attachement au principe de subsidiarité, cher aux sénateurs. En vertu de ce principe, une autorité supérieure ne doit pas effectuer une tâche qui peut être effectuée à un échelon inférieur : « Il est logique qu’il y ait une spécialisation des collectivités, qui corresponde à leur strate », argue Éric Woerth.

Débats sur le cumul des mandats et la nationalisation du périphérique parisien

En dépit de plusieurs points d’accord, certains sénateurs ont alerté sur la place que souhaite donner Éric Woerth à la démocratie locale, proposant notamment de réduire le nombre d’élus de 100 000, afin de « redonner du pouvoir d’agir » aux maires. « Rénover la démocratie municipale, en réduisant le nombre de conseillers municipaux, cela rend-il vraiment du pouvoir d’agir au maire ? C’est comme ça qu’il faut renouveler la démocratie ? », s’interroge de son côté, Fabien Genet, sénateur de Saône-et-Loire, rattaché-LR. Une proposition qu’Éric Woerth a formulée pour « favoriser la constitution de listes ». « Si on abaissait le nombre de conseillers municipaux à 0, ce serait la meilleure manière de garantir la liberté de candidature ? », ironise-t-il. « Ça sent le côté techno ». Une accusation dont se défend le député de l’Oise : « Ce qui compte c’est le bloc d’adjoints et de conseillers délégués », explique-t-il, notant que « les Français connaissent bien leur maire et le Président de la République, mais au milieu ça se gâte un peu ».

« Absurde », « pas sérieuse », la proposition du retour du cumul des mandats a également été l’objet de plusieurs critiques par la gauche, avec en fer de lance, les députés socialiste et écologiste, Éric Kerrouche et Guy Benarroche. Supprimée par François Hollande en 2014, cette réforme avait en effet fait l’objet de nombreux désaccords entre les élus, les sénateurs de gauche étant plutôt favorables à sa suppression, les élus de droite s’y opposant, ces derniers ayant même déposé une proposition de loi en 2021 pour rétablir ce cumul.

Enfin, le rapport, qui prévoit également la suppression de la métropole du Grand Paris dont le député de l’Oise souligne qu’elle « n’a pas rempli sa tâche », c’est plutôt la réforme du mode de scrutin qui inquiète l’élue parisienne, Marie-Pierre de la Gontrie. « Comment justifiez-vous cette acrobatie ? », tance-t-elle, expliquant qu’ « électoralement parlant, les alternances ont eu lieu ». « Vous affaiblissez les arrondissements et l’unité de Paris », déplore la sénatrice socialiste, qui peine à comprendre la volonté de nationaliser le périphérique parisien, « alors que l’inverse a été fait par Gérard Collomb à Lyon, il y a quelques années ». « Le droit commun n’est jamais une erreur », répond Éric Woerth. « Le fait de dire qu’on va avoir un scrutin plus direct évite le découpage par arrondissement sur le vote de la mairie centrale », continue-t-il, expliquant que « la démocratie y gagne ». Sur la nationalisation du périphérique, l’élu oisien la justifie par le fait qu’il s’agit d’une « voie d’intérêt national », avec des « artères nationales ». Un argument qui n’a pas franchement convaincu la sénatrice socialiste.

Quoi qu’il en soit, des concertations doivent être désormais menées par Gabriel Attal, qui sera chargé d’être « le chef d’orchestre » de celles-ci. Nul doute que les sénateurs scruteront de près l’ensemble des pourparlers pour ce qui constitue un véritable serpent de mer de la chambre haute.

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